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Intervention de Jacques Lamblin

Réunion du 19 novembre 2009 à 15h00
Droit de finir sa vie dans la dignité — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Lamblin :

Je n'avais pas prévu, initialement, de prendre la parole sur le texte, mais les bouleversements auxquels nous assistons depuis ce matin me laissent penser que je peux m'y autoriser.

Le débat de ce matin était passionnant, car il était « transcourant ». Nous avons pu, les uns et les autres, exprimer notre sentiment sur le fond. Cependant, le mot « hypocrisie » a été assez souvent prononcé, quels que soient les orateurs. La périphrase a beaucoup été utilisée. Le titre de la proposition de loi en est d'ailleurs lui-même une : le « droit de finir sa vie dans la dignité », cela signifie, en fait, l'autorisation de pratiquer l'euthanasie. Quelquefois, pour des raisons médiatiques, on a peur de dire les choses comme elles sont. En France ce n'est pas nouveau. Nous vivons cela depuis longtemps. On parle par exemple non pas d'aveugles, mais de personnes mal voyantes, ou non voyantes.

Dans notre société où la mort fait peur, où elle est niée, repoussée, ignorée souvent, cette proposition de loi peut faire penser que l'on se donne l'illusion de vouloir regarder la mort en face dans certaines circonstances.

Je voudrais évoquer mon expérience. Je suis vétérinaire et, pendant trente ans, j'ai pratiqué l'euthanasie. Je ne mélange évidemment pas les genres – rassurez-vous ! – car il y a un saut éthique considérable entre l'être humain et l'animal. Je souhaite m'exprimer plutôt au nom d'un parallélisme des formes. De même que l'expérimentation animale a permis de faire des progrès en médecine, ce que l'on vit avec les animaux peut, sans doute, nous permettre de nous poser quelques questions.

Lorsqu'il s'agit d'animaux de compagnie avec lesquels les familles, et surtout les enfants, entretiennent des liens affectifs très forts, l'acte d'euthanasie est extrêmement difficile à accomplir et à vivre pour les familles. Mme la ministre a dit ce matin, de façon très différente, que le fait que ce soit au praticien de prendre la décision soulage les familles. Or, dans le texte que vous nous proposez, il y a un moment, qu'on le veuille ou non, où le praticien sera en première ligne et interviendra, peut-être au grand soulagement des familles, pour peser sur la décision.

Ensuite, quelle que soit l'expérience que l'on peut avoir, on ne se fait pas au geste et je suis certain qu'il en sera de même pour les médecins.

Enfin, quand on sait que l'on fait l'objet d'un diagnostic désespéré et que l'on va mourir, même si l'on sait que c'est imminent, on ne sait pas quand l'événement surviendra. En revanche, lorsque l'on demande l'euthanasie, on connaît, on voit arriver le moment précis où la mort surviendra. Cette différence, qui n'a jamais été évoquée ce matin, est, à mes yeux, fondamentale. Qu'est-ce qui permet de penser qu'au moment précis où tout bascule, où la décision est irrémédiable, celui qui a demandé à bénéficier de l'euthanasie n'est pas sur le point de changer d'avis, parce que quelques heures de vie peuvent encore compter ?

J'en arrive à la conclusion qu'il est impossible de régler parfaitement cette question, car en voulant résoudre certains aspects, on peut créer d'autres difficultés. Le fait d'autoriser à mettre légalement fin à la vie créerait ce que Bernard Debré a appelé une « anarchie éthique ». Nous prendrions là un vrai risque, parce qu'il y a deux réalités que l'homme ne peut pas regarder dans les yeux : la mort et le soleil.

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