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Intervention de Claude Birraux

Réunion du 17 novembre 2009 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude Birraux, rapporteur :

L'accord signé le 30 septembre 2008 entre la France et l'Inde, qui est soumis aujourd'hui à votre examen, met en place une coopération entre nos deux pays pour développer l'utilisation pacifique et non explosive de l'atome.

Cet accord n'aurait pas été possible il y a encore quelques années. En effet, l'Inde, qui dispose d'un arsenal nucléaire militaire, était tenue à l'écart du vaste mouvement de coopération internationale dans le domaine de l'énergie nucléaire civile. Cette coopération, dont la France est un des piliers, est prévue par le traité de non prolifération des armes nucléaires de 1968, le TNP auquel l'Inde n'est pas partie.

La situation a radicalement changé le 10 septembre 2008. A cette date, les 47 Etats membres du groupe des fournisseurs nucléaires, instance informelle qui fixe les règles en matière d'exportation de produits nucléaires, ont unanimement décidé de lever les restrictions qui frappaient jusqu'ici le commerce nucléaire avec l'Inde.

Les motifs de cette décision doivent être soigneusement examinés. D'abord, la décision du groupe des fournisseurs nucléaires se fonde sur les nombreux engagements souscrits par l'Inde en matière de lutte contre la prolifération.

Ce pays a ainsi décidé de soumettre la quasi-totalité de ses installations nucléaires aux inspections de l'agence internationale pour l'énergie atomique. Dix réacteurs existants, ou actuellement en chantier, et toutes les infrastructures qui pourraient être construites à l'avenir, seront ainsi susceptibles d'être contrôlés.

Par ailleurs, l'Inde, qui n'a jamais été impliquée dans un quelconque réseau proliférant, a réaffirmé son moratoire sur les essais nucléaires décidé en 1998.

Le groupe des fournisseurs nucléaires a également fondé son argumentation sur l'ampleur des besoins énergétiques indiens, qui rendent nécessaire une modernisation et un développement du parc électronucléaire de ce pays.

A l'heure actuelle, l'Inde utilise principalement le charbon pour produire de l'électricité, avec des conséquences environnementales que l'on imagine sans peine. Ses besoins d'électricité pourraient tripler d'ici 2030. On estime ainsi que l'Inde a aujourd'hui besoin d'environ 566 millions de tonnes équivalent pétrole par an, soit le double de la France pour une population 12 à 15 fois supérieure. En 2015, la demande pourrait passer à 760 millions de tonnes équivalent pétrole, pour atteindre 1 160 en 2030. La consommation de charbon entraîne la production de 1 463 millions de tonnes de COB2B tous les ans, chiffre qui pourrait passer à 2 209 en 2030.

Pour faire face, le gouvernement indien a annoncé un vaste programme de développement pour multiplier par dix ses capacités électronucléaires d'ici 2020, ce qui nécessitera la construction de 20 à 30 réacteurs supplémentaires. Cette perspective a attiré tous les Etats disposant de technologies reconnues dans le domaine du nucléaire civil.

Depuis le 10 septembre 2008, l'Inde a signé sept accords de coopération nucléaire. Avec la Russie, les Etats-Unis et l'Argentine, des partenariats généraux, qui impliquent parfois la construction de centrale, ont été lancés. Avec le Kazakhstan, la Namibie et la Mongolie, les accords concernent plus spécifiquement les conditions de fourniture de matières premières pour assurer le bon fonctionnement des centrales indiennes. A l'heure actuelle, ces dernières ne fonctionnent qu'à 50 % de leurs capacités en raison du manque de combustible.

Les coopérations politiques se sont systématiquement accompagnées d'offres commerciales. Toutes les grandes entreprises mondiales du domaine, russe, américaine, canadienne, coréenne, ont obtenu des marchés de construction de centrales, et les contrats de fourniture liés.

L'entreprise française leader de ce marché, Areva, a elle-même signé un mémorandum d'accord pour la construction de deux réacteurs EPR dans le Jaitapur, préalable à la construction de quatre réacteurs supplémentaires sur le même site.

Ne nous y trompons pas : le changement de situation juridique consécutif à la décision du groupe des fournisseurs nucléaires a permis de donner une autre dimension à des coopérations qui existaient déjà en partie, à un niveau très technique, entre l'Inde et les principales puissances nucléaires.

La France, particulièrement en pointe dans ce domaine, a également intérêt à approfondir son partenariat avec l'Inde, qui sera un acteur majeur de l'énergie nucléaire civile dans les prochaines années.

L'accord du 30 septembre 2008 répond précisément à cet objectif. Il fixe un cadre très large à notre coopération avec l'Inde, qui concernera tous les domaines liés à l'utilisation pacifique de l'atome, y compris le cycle du combustible et le retraitement des déchets.

Surtout, le texte repose sur un équilibre entre les concessions faites à l'Inde pour garantir l'approvisionnement de ses centrales, et des stipulations visant à éviter que les activités ainsi menées avec la France ne soient potentiellement proliférantes. En cela, le présent accord ne diffère pas de celui signé le 10 octobre entre l'Inde et les Etats-Unis.

En effet, pour l'Inde, la sécurité des approvisionnements est un objectif majeur, comme je l'ai indiqué précédemment. La France s'engage ainsi à garantir un flux régulier d'approvisionnement, en incitant notamment l'Inde à participer à des initiatives de banque commune de combustible.

En contrepartie, les deux Etats s'engagent à soumettre l'intégralité des activités menées en partenariat, et tous les éléments nucléaires utilisés dans ce cadre, au contrôle de l'AIEA, et aux normes les plus strictes en matière de sûreté nucléaire et de protection physique des installations et des matières.

Mes chers collègues, l'accord de coopération nucléaire civile entre la France et l'Inde, du 30 septembre 2008, a été rendu possible par le choix unanime des 47 Etats impliqués dans le contrôle des exportations nucléaires d'autoriser le commerce de produits et de technologies nucléaires vers l'Inde.

Dès la publication de cette décision, l'Inde a noué des partenariats avec les principales puissances nucléaires, dont les retombées commerciales ont été immédiates.

Le texte du présent accord présente des garanties importantes en matière de lutte contre la prolifération, auxquelles il faut ajouter les engagements pris par l'Inde vis-à-vis de l'AIEA et de l'ensemble de la communauté internationale dans ce domaine.

Dès lors, j'estime que l'approbation de ce texte, loin de représenter un risque de prolifération, permettra aux technologies électronucléaires françaises d'aider l'Inde à répondre à ses défis énergétiques, tout en rapprochant encore davantage ce pays du système international de lutte contre la prolifération nucléaire et des systèmes internationaux de vérification de la sûreté des installations nucléaire.

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