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Intervention de Alain Cousin

Réunion du 17 novembre 2009 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Cousin, rapporteur :

La commission des affaires étrangères est aujourd'hui saisie du projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre la France et le Royaume-Uni en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur les gains en capital.

Cette convention, signée à Londres le 19 juin 2008, a vocation à se substituer à la précédente convention fiscale entre les deux pays, modifiée par quatre avenants depuis sa signature le 22 mai 1968.

Elle vise, d'une part, à se rapprocher du modèle de convention de l'OCDE et d'autre part, à tenir compte des évolutions des législations internes des deux pays en matière fiscale.

En raison de la grande technicité du sujet, je vous présenterai les principales avancées de la nouvelle convention après avoir brièvement rappelé quelques éléments de la fiscalité britannique.

Je vous rappelle qu'en 2007, environ 250 000 Français étaient installés au Royaume-Uni et près de 25 000 entreprises françaises y vendaient leurs produits, 1 584 y étant en outre implantées.

Concernant l'impôt sur le revenu (income tax), sont résidentes du Royaume-Uni donc imposables à raison de leurs revenus de source britannique et étrangère : les personnes physiques effectivement présentes au Royaume-Uni plus de 183 jours au cours d'une année d'imposition ; celles qui y ont effectué des séjours réguliers d'au moins 91 jours en moyenne au cours de quatre années consécutives.

Cependant, les salariés étrangers qui exercent des activités professionnelles à la fois au Royaume-Uni et en dehors ne sont imposables sur leurs revenus de source étrangère que si ces derniers sont « rapatriés » au Royaume-Uni (règle dite de la remittance basis).

Les personnes physiques non résidentes du Royaume-Uni sont imposables à raison de leurs revenus de source britannique selon les règles d'imposition qui s'appliquent aux résidents.

Les revenus de 1 à 34 800 £ (37 441 €) sont soumis à un taux de 20 %, au-delà de 34 801 £, ce taux est porté à 40 %. Les intérêts font l'objet d'une retenue à la source non libératoire au taux de 20 %. Les dividendes ouvrent droit à un avoir fiscal égal à un neuvième de leur montant. Le taux applicable aux dividendes est de 10 % dans la limite de la première tranche du barème et de 32,5 % au-delà. Les plus-values de cession de valeurs mobilières font l'objet d'une imposition séparée au taux de 18 % après un abattement de 9 600 £ (10 324 €).

Si les dividendes versés à des non-résidents sont exonérés de retenue à la source, les intérêts et redevances sont passibles d'une retenue libératoire au taux de 20 %.

Concernant l'impôt sur les sociétés (corporation tax), sont résidentes du Royaume-Uni les sociétés qui y sont constituées et celles qui y ont leur centre de contrôle et de décision. Elles sont donc assujetties à l'impôt sur les sociétés à raison de l'ensemble de leurs bénéfices de sources britannique et étrangère.

Les sociétés non résidentes ne sont, pour leur part, imposables qu'à raison des bénéfices résultant d'une activité déployée au Royaume-Uni à travers une succursale.

Un taux d'imposition de 21 % s'applique aux bénéfices compris entre 1 £ et 300 000 £. Entre 300 000 £ et 1,5 million £, le taux effectif varie de 21 à 28 %. Au-delà de 1,5 million £, le taux est de 28 %.

Les plus-values sont en principe soumises à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun. Les dividendes reçus par une société mère résidente en provenance d'une filiale également résidente sont exonérés d'impôt sur les sociétés quel que soit le niveau de la participation.

Les dividendes de source étrangère sont soumis à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun. La retenue à la source prélevée à l'étranger ouvre droit à un crédit d'impôt d'égal montant imputable sur l'impôt sur les sociétés britanniques dû à ce titre.

Les négociations, engagées depuis 1990, en vue de réviser la convention fiscale franco-britannique de 1968, ont donné lieu, après la réécriture du premier projet datant de 2004, à la signature à Londres le 19 juin 2008 de la convention, qui comporte 32 articles ainsi qu'un protocole.

– L'article 1PerP soumet les résidents des Etats contractants à l'application de la convention. Cette notion, essentielle dans toute convention fiscale, est définie à l'article 4 qui fixe également les critères permettant de déterminer le lieu d'imposition lorsqu'une personne est résidente des deux Etats. Est introduite dans ce même article une clause relative aux sociétés de personnes qui précise le traitement des sociétés transparentes étrangères.

– L'article 2 énumère les impôts visés par la convention dont la liste est actualisée.

– L'article 6, relatif aux revenus immobiliers, prévoit l'imposition de ceux-ci dans l'Etat de situation de l'immeuble. Toutes les plus-values immobilières seront donc désormais imposables conformément à la règle habituelle.

Jusqu'à présent, la France ne pouvait pas imposer les plus-values réalisées sur des cessions d'immeubles situés en France par des entreprises britanniques ne disposant pas d'établissement stable en France, en vertu de la jurisprudence Hallminster du Conseil d'Etat. Cette singularité constituait une source d'évasion fiscale à l'instar du cas luxembourgeois qui a fait l'objet d'un avenant examiné récemment par la Commission.

– En matière de dividendes, l'article 11 tire les conséquences de la suppression de l'avoir fiscal et vise désormais les structures d'investissement immobilier.

– En matière d'élimination des doubles impositions, aux termes de l'article 24, la France peut, nonobstant les autres stipulations de la convention, imposer les revenus dont l'imposition est attribuée au Royaume-Uni, même en cas d'imposition exclusive dans cet Etat, dès lors que ces revenus ne sont pas exonérés d'impôt sur les sociétés en vertu du droit interne français.

– L'article 26, relatif à la procédure amiable, offre aux contribuables la possibilité de recourir à une procédure d'arbitrage lorsque les autorités compétentes des deux Etats ne sont pas parvenues à un accord deux ans après l'ouverture d'une procédure amiable. Introduite en juillet 2008 dans le modèle de l'OCDE, cette clause est d'application plus large que la convention européenne d'arbitrage.

– Afin de respecter le modèle de l'OCDE, l'article 27 soumet tous les impôts à l'échange de renseignements alors que la convention de 1968 limitait celui-ci aux seuls impôts visés par la convention.

– Enfin, des dispositifs anti-abus sécurisent l'application de la convention :

Chacun des articles relatifs aux dividendes, intérêts, redevances et autres revenus comporte un dispositif anti-abus prévoyant le refus du bénéfice de l'article si le principal objectif, ou l'un des principaux objectifs, du bénéficiaire des revenus a été d'obtenir indûment les avantages conventionnels.

En outre, afin de tenir compte de l'existence du dispositif britannique de « remittance basis » en vertu duquel certains résidents britanniques ne sont imposés que sur leurs revenus perçus ou transférés au Royaume-Uni, certaines exonérations ou réductions d'impôt à la source prévues par la convention ne s'appliqueront qu'à hauteur des revenus effectivement imposés dans l'Etat de résidence (article 29).

Comme nous venons de le voir, les dispositions de la convention fiscale du 19 juin 2008 entre la France et le Royaume-Uni, qui empruntent largement au modèle de l'OCDE, recèlent des avancées intéressantes pour le budget de l'Etat. Alors que la procédure de ratification britannique est achevée depuis le mois de février, après l'adoption du projet de loi par le Sénat le 20 juillet dernier, votre rapporteur recommande donc l'adoption du présent projet de loi en vue d'une entrée en vigueur rapide de la convention.

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