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Intervention de Véronique Besse

Réunion du 17 novembre 2009 à 21h30
Réduction du risque de récidive criminelle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Besse :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la justice et la sécurité sont les droits les plus inaliénables des citoyens. Les drames que traverse notre société sont malheureusement là pour nous rappeler qu'en la matière, il reste encore beaucoup à faire. Assurer la sécurité de la population est pourtant la raison d'être et la mission première des gouvernants. S'ils s'en détournaient, se poserait la question même de leur légitimité.

Il appartient donc au législateur de répondre aux questions des Français sur ce sujet essentiel qu'est leur sécurité en ayant constamment à l'esprit que sans sécurité, il n'y a pas de liberté possible. Pour y parvenir, nous devons nous garder de céder aux tumultes et aux émotions passagères, aux bons sentiments et au prêt-à-penser. S'il faut bien évidemment considérer la dignité de chaque homme, notamment les droits des détenus – ce que nous avons fait dans le cadre de la loi pénitentiaire –, il faut surtout rappeler avec insistance le caractère primordial du droit des victimes. Une victime n'a jamais choisi de l'être. Elle subit l'acte délictueux dans tous les cas. Quant au coupable ou au présumé coupable, le respect de ses droits est essentiel, mais il ne faut pas oublier qu'il a enfreint la loi et perturbé l'ordre social. Ses droits découlent d'un acte qu'il a posé et qui va à l'encontre du fondement même de notre société, à savoir la liberté et la sécurité de chacun. Ne cédons pas à un relativisme qui serait destructeur. Ne nous détournons pas du principe qui fonde toute justice : rendre à chacun selon son dû.

Ces dernières années, les Français se sont émus, à juste titre, de crimes odieux commis par des personnes déjà condamnées à plusieurs reprises pour les mêmes faits. À chaque nouveau meurtre, à chaque nouveau drame, la même question nous est posée : comment se fait-il qu'un individu dont la dangerosité est manifeste et qui a déjà été condamné pour des faits graves et similaires ait pu être laissé en liberté et commettre de nouveaux crimes ? Devons-nous systématiquement attendre de nouveaux faits divers pour agir ? Devons-nous accepter que des prédateurs continuent à sévir ? Doit-on attendre que d'autres jeunes femmes soient, comme Anne-Lorraine Schmitt, ou plus récemment Marie-Christine Hodeau, violentées et tuées ? C'est un débat de fond qui renvoie chacun de nous à ses propres responsabilités.

Il n'existait, jusqu'à l'an dernier, aucun dispositif pour maîtriser les prédateurs sexuels, aucune structure pour les resocialiser de façon adaptée. Il fallait donc attendre un nouveau passage à l'acte pour les enfermer et canaliser leur dangerosité. La loi du 25 février 2008 a, de ce point de vue, permis de remédier à certaines lacunes de notre droit concernant les criminels dangereux en fin de peine et les irresponsables pénaux. Pour les victimes comme pour l'ensemble des Français, le sentiment que chaque drame aurait pu être évité, que chaque vie aurait pu être sauvée, est une souffrance quotidienne. Nous devons enfin entendre leurs demandes. Chaque nouvelle victime d'un récidiviste est une insulte aux victimes précédentes et aux fondements même de notre société.

Concernant la protection des victimes, je crois que ce texte va dans le bon sens. L'interdiction pour un condamné de paraître, après sa libération, dans les lieux fréquentés par sa victime est une décision que toutes les associations attendaient avec impatience. Je pense en particulier à l'Institut pour la justice, qui se mobilise sur ce sujet depuis des mois.

L'abaissement des seuils à partir desquels pourra être décidée une surveillance judiciaire ou une surveillance de sûreté est également une mesure nécessaire, de même que l'augmentation de la durée de la surveillance de sûreté.

Mais s'agissant de la prévention des risques de récidive, il faut adopter des amendements pour améliorer le texte.

Ainsi, en termes de prévention de la récidive criminelle, la meilleure arme est celle qui consiste à faciliter l'information de tous les acteurs sur le terrain : celle des maires, notamment, est capitale. Comme bon nombre de mes collègues, j'ai co-signé l'amendement de Richard Mallié et Jacques Pélissard visant à permettre aux maires d'être informés de l'installation sur le territoire communal de toute personne condamnée pour viol, agression sexuelle, actes de barbarie ou tortures. En effet, il est essentiel que le maire, en qualité d'élu local et d'officier de police judiciaire, soit le premier informé des risques potentiels pour la sécurité. Il doit donc pouvoir obtenir tous les renseignements auprès du procureur de la République. Nous pouvons faire confiance aux maires, parfaitement conscients des réalités du terrain et soucieux de la tranquillité publique, pour utiliser au mieux ces informations et maintenir une surveillance discrète. Quant à la proposition de communiquer aux commissariats de police les noms et adresses de toutes les personnes sortant de prison, quelle que soit leur condamnation, je regrette qu'elle n'ait pas été retenue par la commission des lois. Ces deux types d'amendements sont complémentaires et ont tous deux vocation à être intégrés au projet de loi.

Ces mesures ne seraient toutefois pas efficaces sans une augmentation sensible des moyens humains et matériels pour faire appliquer notre droit. On sait que bon nombre de commissariats sont aujourd'hui saturés. Il est donc primordial d'augmenter les effectifs et les moyens de la police et de la gendarmerie. Cet objectif, bien que ne concernant pas directement le texte que nous examinons, mérite d'être rappelé. En effet, pour garantir la sécurité de nos concitoyens, l'arsenal législatif ne suffit pas : il faut aussi mettre en place les moyens humains et matériels nécessaires pour prévenir l'insécurité et lutter contre. Le manque de moyens pour le suivi des délinquants est, lui aussi, inquiétant. Vous avez vous-même reconnu, madame la ministre, qu'il y avait un manque de psychiatres et de médecins pour exercer en prison ou pour assurer à l'extérieur le suivi médical des délinquants sexuels. J'attends donc que vous nous indiquiez l'état de vos projets, en lien avec le ministère de la santé, pour remédier à ce problème et pour développer la coopération avec les médecins.

Enfin, s'agissant de certains crimes particulièrement odieux – je pense notamment aux crimes assortis d'actes de barbarie –, il serait temps que nous ayons un débat sur la prescription. Dans de nombreux pays tout aussi démocratiques que le nôtre, certains crimes sont imprescriptibles. En droit français, c'est déjà le cas des crimes contre l'humanité. Si la prescription peut paraître justifiée dans certains cas, nous devons néanmoins nous poser la question de l'injustice manifeste que subissent les victimes d'actes particulièrement cruels. Une victime qui réussit à se sortir des griffes de son agresseur a besoin, pour se reconstruire, de savoir que celui-ci a été puni. Si ce n'est pas le cas, l'absence de reconnaissance du préjudice peut avoir un caractère destructeur. La société elle-même, à travers le ministère public, doit être en mesure de ne pas laisser un crime particulièrement barbare impuni, et de répondre aux attentes de nos concitoyens. Je pense notamment aux familles de victimes qui attendent depuis trente ou trente-cinq ans que le meurtrier de leur proche soit enfin retrouvé et condamné. En l'état actuel de notre droit, la prescription équivaut à une quasi-impunité pour les criminels les plus brutaux. Il est grand temps que, pour certains crimes, le délai soit levé ou allongé. Sur ce point, une révision du code de procédure pénale serait un signe fort, marquant la volonté inflexible du législateur d'appliquer le principe de « tolérance zéro ». Ce fut un slogan efficace qui répondait à une attente forte des Français ; il s'agit aujourd'hui de le mettre en oeuvre.

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