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Intervention de Jean-Michel Boucheron

Réunion du 3 novembre 2009 à 16h45
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Boucheron, rapporteur pour avis :

Tout à fait. En 2010, environ 200 officiers seront envoyés dans les structures de l'OTAN, ce qui représente un surcoût budgétaire de 100 millions d'euros.

Le retour dans l'OTAN nous a été présenté comme l'autoroute devant mener à des progrès foudroyants en matière d'Europe de la défense. Je n'ai pas rencontré ces progrès. Ceci n'est d'ailleurs pas lié aux évolutions de l'OTAN, mais à des difficultés propres à l'Europe. D'abord, les Etats membres de l'Union européenne n'ont pas fait les mêmes choix stratégiques. De plus, l'idéologie du « soft power », que certains considèrent comme la possibilité de vivre dans un confort douillet, continue d'imprégner l'action de l'Europe. Enfin, alors que la France et la Grande-Bretagne représentent à elles seules 40 % des dépenses militaires en Europe, le Royaume-Uni est opposé aux progrès de l'Europe de la défense.

Je souhaite également attirer votre attention sur un dossier particulier. Vous savez que le président Obama a annoncé qu'il renonçait à son projet d'implantation de structures anti-missiles en Pologne et en République Tchèque, auquel serait substitué un système reposant sur des frégates équipées de missiles anti-missiles. Le secrétaire général de l'OTAN, Anders Rasmussen, a proposé que ce nouveau système soit construit dans le cadre de l'OTAN. Une telle décision reviendrait à faire financer par les Etats membres de l'OTAN des programmes industriels américains, dont la clé de fonctionnement se trouverait à Washington.

Il faut privilégier, par rapport à cette option, la mise en place d'un système européen de détection avancée, qui reposerait sur la dissuasion. Cette stratégie, qui est celle privilégiée depuis longtemps par la France, est plus fiable que des systèmes anti-missiles à l'efficacité douteuse.

La crainte de voir des ressources financières européennes consacrées à un projet américain n'est pas de l'ordre du fantasme. La captation financière a déjà eu lieu dans le cadre du programme F35, avion de combat américain financé en partie par des Etats européens, sans la France.

En Afghanistan, la France a amélioré sa capacité de renseignement, et la protection de ses troupes. On peut espérer qu'un drame comme celui de l'embuscade de la vallée d'Uzbeen ne se répète pas. Les nouveaux équipements de protection et la couverture systématique des théâtres par des drones devraient permettre de l'éviter.

Pour nos troupes, le principal problème de sécurité est celui posé par les EEI (engins explosifs improvisés). Il est difficile de parer cette menace. Les véhicules ont été équipés de brouilleurs de fréquences, pour empêcher le déclenchement des EEI par téléphone portable, mais les insurgés ont mis au point d'autres systèmes de déclenchement qui ne sont pas affectés par les brouillages, comme l'utilisation de câbles reliés au détonateur. Le problème des EEI est crucial. Les victimes d'EEI représentent l'immense majorité des soldats de la coalition tués en Afghanistan.

Sur ce théâtre, la France déploie 3 400 soldats environ. Le coût de cette opération est d'environ 400 millions d'euros, soit 50 % du total de nos OPEX. Le surcoût moyen de l'Afghanistan par rapport aux autres engagements de notre armée est principalement dû à la consommation de munitions.

En plus de ses opérations extérieures, la France dispose de forces prépositionnées dans des pays étrangers. Dans ce domaine, nous disposons d'une nouvelle base, à Abou Dabi. Très bien placée géographiquement, elle permet également à notre pays de défendre ses intérêts d'autres manières.

En revanche, les arbitrages sur les implantations françaises en Afrique tardent à venir. La loi de programmation militaire évoque une seule base sur la façade occidentale, mais le choix entre Dakar et Libreville ne sera sans doute pas fait d'ici la fin de l'année.

Face à la piraterie maritime, la France déploie 250 hommes environ, et 2 à 3 navires. Grâce à des modifications juridiques récentes, nous pouvons désormais intervenir dans les eaux territoriales somaliennes, ce qui facilite la lutte contre les pirates. De plus, grâce à la présence de nos forces spéciales sur les bateaux de pêche dans la région, au moins trois prises d'otages ont pu être évitées.

Contre la menace cybernétique, un système de défense français se met petit à petit en place. Les Etats-Unis ont été plus rapides. En début de semaine, un centre de cyberdéfense a été inauguré à Washington, comprenant environ mille experts qui se consacrent à ces questions.

La cyberdéfense implique la protection des systèmes et la réparation des dégâts causés par une attaque informatique. Une entreprise pourrait ainsi voir son réseau totalement détruit, et il faudrait alors pouvoir reconstruire rapidement son système d'information. Les attaques contre l'Estonie en 2007 ont montré les dommages considérables qui pouvaient être causés à un réseau informatique, dans un pays qui a fait le choix du « e-gouvernement ».

La création de l'agence nationale de sécurité des systèmes d'information en France est une bonne nouvelle. Des moyens humains plus importants doivent lui être apportés pour qu'elle puisse remplir toutes ses missions.

Dans le domaine des exportations d'armements, le succès du Rafale représente une embellie. Deux succès importants, aux Emirats arabes unis et au Brésil, doivent être soulignés. Ils ne concernent pas que l'avion de combat de Dassault, mais comportent des accords de défense ou de coopération militaire, ainsi que des mariages de long terme sur le plan industriel.

Longtemps, les industriels français ont été rebutés par les transferts de savoir-faire. Aujourd'hui, la situation a heureusement évolué et nos partenaires vont être non seulement de nouveaux acheteurs, mais des relais potentiels d'exportations très importants. Il est certain que notre présence au Brésil nous aidera sur tous les marchés d'Amérique du Sud. De la même manière, le partenariat français avec les E.A.U. permettra de rayonner sur tout le Moyen-Orient.

Les exportations d'armement sont importantes pour nous. Si la production de Rafale tombe en dessous de 11 unités par an, l'entreprise rencontre des problèmes financiers et techniques. Les ventes à l'étranger permettent donc de réduire pour la France le coût de son soutien au programme Rafale, en répartissant le nombre de commandes annuelles françaises de ce matériel.

Je voudrais toutefois informer la commission des problèmes que rencontre l'entreprise EADS s'agissant du marché de renouvellement des avions ravitailleurs américains. Allié à Northrope Grumman, Airbus avait remporté face à Boeing l'appel d'offres KC-X qui portait sur 179 appareils.

Toutefois, sous la pression de Boeing, le bureau de contrôle du gouvernement du Congrès a cassé ce marché, contre l'avis du Pentagone, qui estimait l'avion européen plus performant. Aujourd'hui, les conditions du nouveau marché sont totalement défavorables à EADS. Boeing connaît déjà les conditions financières proposées dans le cadre du premier marché, ce qui est une aide inestimable pour formuler à son tour des propositions susceptibles d'être reconnues.

De plus, les conditions du contrat ont été modifiées. Désormais, il s'agit non plus de retenir le meilleur choix qualité prix, mais d'obtenir le meilleur prix. Suite à cette annonce, un sénateur américain a même indiqué qu'il ne voulait pas voir les soldats américains voler dans des « avions de papier ».

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