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Intervention de Michel Barrau

Réunion du 3 novembre 2009 à 16h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Michel Barrau :

Cette année, le Service central de prévention de la corruption (SCPC) a souhaité examiner, au-delà du contenu des textes eux-mêmes, comment ces derniers sont appliqués dans les faits.

Le SCPC exerce quatre types de compétences.

En premier lieu, il centralise les informations liées aux délits de probité. Nous avons pu constater l'absence de statistiques sur ces délits dans les services de police comme dans les services judiciaires. Par conséquent, le SCPC a examiné un par un les différents dossiers de délits que nous observons et a dressé un certain nombre de constatations :

–– les délits de probité sont censés faire l'objet d'une spécialisation des juridictions, les affaires assez importantes devant être traitées au niveau des cours d'appel et les affaires très importantes par les juridictions inter-régionales spécialisées (JIRS). En réalité, les dossiers remontent rarement à ce niveau ;

–– le nombre de signalements est très inférieur au nombre d'affaires. Nous avons été surpris de constater que les saisines par les administrations de contrôle sont minoritaires, voire inexistantes, à l'exception des juridictions financières. En outre, aucune enquête n'est menée à l'initiative des services de police ou à la suite d'une auto-saisine du parquet. Les saisines sont toujours effectuées par un tiers, tel qu'une municipalité ou un préfet. En réponse à nos interrogations, les corps de contrôle nous ont apporté des réponses dispersées et sans cohérence, voire n'ont pas pu fournir des chiffres. Il y a donc peu de clarté sur le traitement déontologique dans les corps d'inspection et aucune politique commune. Pour remédier à cette situation, il faudrait une impulsion politique forte pour prôner la probité en interne, et non seulement dans les relations internationales. Il serait souhaitable de sensibiliser les instances de contrôle et de réactiver les sources de signalement. En particulier, il serait souhaitable d'alléger les contraintes permettant aux citoyens de signaler des faits en lieu et place des communes, en supprimant l'obligation de saisine préalable du tribunal administratif.

En deuxième lieu, le SCPC fournit des avis à un certain nombre d'institutions, notamment les ministères ou les collectivités territoriales. La plupart des demandes émanent de municipalités de petite ou moyenne importance, qui éprouvent des difficultés à identifier et à prévenir les situations de prise illégale d'intérêts. Ce délit suscite beaucoup plus de problèmes que la corruption.

En troisième lieu, le SCPC a une mission d'assistance judiciaire et peut être saisi pour avis par les juges d'instruction et les procureurs de la République. Le SCPC donne surtout des conseils en matière de procédure afin de gagner du temps. En pratique, les procédures commencent souvent par des saisies importantes de documents et par de longues expertises qui font que beaucoup de temps s'écoule sans que des poursuites soient engagées ou que l'affaire soit classée.

Enfin, le SCPC effectue des actions d'information et de sensibilisation, comme le prévoient les engagements internationaux de la France. Il intervient notamment à l'École nationale d'administration, à l'École nationale de la magistrature, dans les écoles de police ou dans les universités, ainsi que dans le cadre des travaux de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) ou du Groupe d'États contre la corruption (GRECO). Il a également développé un travail à destination des entreprises, publiques puis privées, en signant des conventions pour la rédaction de codes d'éthiques internes. Ces actions ont connu peu de succès dans les grandes entreprises mais les petites et moyennes entreprises qui travaillent au niveau international en ressentent le besoin. Le SCPC les aide à connaître les pièges à éviter et les questions relatives à l'utilisation d'intermédiaires.

Au cours des rencontres internationales, différents pays européens ont exprimé leur inquiétude à l'idée que la période actuelle est propice à ce genre d'infractions : les entreprises ont des carnets de commandes peu remplis et beaucoup d'argent public est injecté dans l'économie. Se pose la question de l'antagonisme entre l'économique et l'éthique, les nécessités économiques rendant moins exigeant sur l'éthique. Où doit-on mettre les bornes de la fluidification de l'économie ? Les différents États constatent également une sensibilité accrue de l'opinion à des faits qui auparavant étaient tolérés.

Cette année, le rapport du SCPC décline quelques réflexions sur la crise économique et financière. Il étudie notamment comment la crise s'est produite malgré un univers régulé et comment les régulations ont dysfonctionné. Il examine l'affaire Madoff. Il pose également la question du degré d'autonomie de l'expert et de ce qu'est un expert indépendant, en reprenant la proposition de créer une haute autorité de l'expertise. Il aborde le problème des paradis fiscaux et bancaires. Il élabore une « boîte à outils » en matière de marchés publics pour permettre aux responsables d'analyser les différents problèmes susceptibles de se poser. Enfin, nous nous sommes intéressés aux réactions de la France face aux problèmes rencontrés par ses entreprises sur les marchés internationaux, et notamment aux conséquences internes des procédures engagées dans d'autres États. La France reste souvent dans l'expectative. En la matière, le parquet de Paris dispose d'une compétence exclusive, qui est subordonnée à une plainte de la victime – ce qui est rare – ou à une dénonciation par un autre État.

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