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Intervention de Jean-Paul Lecoq

Réunion du 3 novembre 2009 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2010 — Action extérieure de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion sur le budget de la mission « Action extérieure de l'État » appelle en premier lieu une série de remarques sur les grands axes de la politique étrangère de la France présentés par le Chef de l'État devant la conférence des ambassadeurs, qui s'est tenue cette année le 29 août.

S'agissant de la réintégration de la France dans les structures militaires de l'OTAN, nous avions dénoncé l'argument fallacieux qui consistait à prétendre que notre pays gagnerait ainsi de l'influence. La prétendue nouvelle influence de la France dans l'OTAN, on peut la mesurer aujourd'hui en Afghanistan : elle est nulle. J'y reviendrai.

Ce retour devait encore permettre à la France d'européaniser l'Alliance. Or il apparaît que la perspective du retour de la France dans l'OTAN, loin de renforcer la politique européenne de sécurité et de défense, contribue au contraire à son affaiblissement. On a ainsi pu constater que la présidence française de l'Union a échoué à obtenir la création d'un état-major de commandement permanent pour la PESD, sans lequel la défense européenne ne peut être autonome, dépendante qu'elle est de la planification et des moyens collectifs de l'OTAN pour les opérations lourdes.

La place que nous désirons pour l'Europe dans le monde ne peut, selon nous, être assurée en construisant une défense européenne dépendante de l'OTAN ou en créant un clone européen du modèle américain.

S'agissant de l'Afghanistan, je voudrais tout d'abord rappeler que la lutte contre le terrorisme est une question de principe que nul ne discute. Mais cette lutte ne peut se résumer à l'occupation militaire de l'Afghanistan. Notre groupe avait voté contre la prolongation de l'intervention des forces armées françaises dans ce pays. Nous entendons dénoncer la stratégie poursuivie en Afghanistan, qui est à la fois inefficace, contre-productive et inconséquente.

Sans remettre en cause le travail de nos militaires, on peut dire que le bilan est catastrophique. Les victimes civiles se comptent par milliers et, pour les citoyens afghans, la vie quotidienne est synonyme d insécurité. Les talibans, loin d'être anéantis, ont renforcé leurs capacités de résistance.

Le Président Sarkozy a affirmé que la campagne électorale s'était bien déroulée sans dire un mot de l'ampleur du trucage des élections. Il est resté silencieux également sur les révélations de la presse américaine concernant l'usage par les États-Unis de la torture dans certains camps de prisonniers en Afghanistan. Ce silence en dit long : il montre que, contrairement à ce qu'il affirme, notre poids est faible et que seuls les États-Unis définissent leur stratégie et celle de l'OTAN en Afghanistan.

Il faut opérer, dans le cadre de l'ONU, une réorientation de la stratégie pour donner la priorité à un processus politique de résolution de la crise. Comme l'a indiqué M. Boucheron, nous réclamons qu'un débat sur cette question ait lieu dans notre hémicycle.

Depuis plusieurs années, la position française sur l'Iran se caractérise par la fermeté : demande d'une date butoir pour les négociations, menace de l'adoption rapide de lourdes sanctions, critique ouverte des dirigeants iraniens. Cette ligne dure prend le contre-pied de celle des États-Unis qui, depuis l'élection de Barack Obama, multiplient les gestes d'ouverture à l'égard de l'Iran.

Dans ce contexte, les tensions franco-iraniennes s'accroissent et la France semble incapable de jouer les intermédiaires avec l'Iran. Le risque de voir notre pays marginalisé sur la question du nucléaire iranien est réel, il faut le souligner.

S'agissant du conflit du Proche-Orient, force est de constater que le rapprochement avec Israël initié par le Président de la République depuis son élection n'a pas eu le moindre effet sur la politique de ce pays, qui ignore les déclarations de principe françaises et les résolutions de l'ONU, en particulier pour ce qui est du développement des colonies. Dans ces conditions, la création d'un État palestinien avant la fin de l'année 2008 souhaitée par Nicolas Sarkozy se révèle illusoire. Toutefois, dans son dernier discours devant les ambassadeurs, le Président Sarkozy a semblé plus ferme sur la colonisation : « Les vrais amis d'Israël doivent lui dire la vérité. La vérité, c'est qu'il n'y aura pas de paix avec la poursuite de la colonisation. » On ne peut a priori que se satisfaire d'un discours qui condamne la colonisation. Mais, dans les actes, on aimerait savoir quelles pressions réelles le président exerce pour obtenir ce gel.

Au moment où les autorités israéliennes sont accusées de crime de guerre à Gaza et où la politique de colonisation s'intensifie, on aurait aimé l'entendre se prononcer sur des sanctions. Si vous voulez vraiment faire avancer le projet moribond d'Union pour la Méditerranée, il est urgent de progresser, au préalable, sur la question palestinienne. Encore une fois, vos actions sont bien en deçà de vos déclarations.

Enfin, je veux exprimer ma consternation devant les propos tenus par Javier Solana, Haut représentant de l'Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité commune, le 24 octobre dernier, au sujet d'Israël. Il a non seulement manifesté une complaisance malsaine envers la politique israélienne, mais aussi affiché son mépris envers la Croatie. Après avoir déclaré : « Israël, permettez-moi de vous le dire, est un membre de l'Union européenne, sans être membre de ses institutions », il s'est ensuite permis de comparer Israël à la Croatie pour se moquer ouvertement de ce pays candidat à l'adhésion. Gratifier Israël du titre de « pays de membre » de l'Union européenne alors même qu'il enfreint ouvertement et de manière répétée le droit international et les droits de l'homme est une aberration. Je n'ai pas entendu la réaction du Gouvernement à ces propos et voudrais connaître sa position.

S'agissant du budget proprement dit, la question récurrente majeure est celle du volume des crédits accordés à la mission « Action extérieure de l'État ». Sont-ils suffisants ? Permettent-ils à notre diplomatie d'avoir les moyens de ses ambitions ? La réponse est malheureusement négative.

Pour 2010, les crédits attribués à cette mission restent insuffisants. Notre critique principale porte sur l'inadéquation entre les discours du Gouvernement et les moyens mis à disposition. Globalement, le projet de budget pour 2010 s'inscrit dans la lignée des précédents. Depuis 2000, ce budget n'est en effet en progression qu'en apparence.

La hausse a été compensée en grande partie par la progression de versements obligatoires de la France aux organisations internationales pour les besoins de leur fonctionnement et de leurs activités. Les services et les moyens du ministère ne bénéficient pas de cette hausse.

Au sein des trois programmes de la mission, le projet de budget annonce que le ministère des affaires étrangères et européennes poursuivra en 2010 la rationalisation de son réseau selon une logique de modulation des ambassades en trois formats. À ce propos, il me faut redire mes inquiétudes quant aux conséquences d'une classification des ambassades françaises. Il s'agit d'un choix très discutable qui pourrait amener nos partenaires à conclure qu'il existe des super-ambassades, des ambassades ordinaires et des sous-ambassades. Il convient donc d'être prudent et d'éviter que certains pays ne se sentent méprisés par ces choix de gestion. Par ailleurs, je tiens à souligner l'absence d'évaluation du travail et des missions des ambassades.

La restructuration suscite, en outre, une inquiétude grandissante quant à la réduction des effectifs. S'agissant du réseau diplomatique et consulaire, il est prévu de supprimer 255 emplois en 2010, au titre de la règle de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. C'est l'efficacité même du rôle des consulats et des ambassades qui se trouve ainsi remise en cause. Depuis quinze ans, la réduction des effectifs aura été de 20 %, mouvement allant de pair avec une dégradation continue des conditions de travail et une perte de l'influence de la France dans le monde. Il faut également noter la diminution de 2 % des moyens de fonctionnement à Paris, suivant la même logique. Cette réduction des emplois publics, nous ne saurions trop y insister, a de graves conséquences pour ce qui est de l'influence de la France dans le monde, qui recule.

L'action culturelle de la France est affaiblie. Sous le couvert de rationaliser le réseau culturel, une vingtaine de centres culturels ont été fermés entre 2000 et 2007, et ce mouvement continue de s'intensifier. L'utilisation de la langue française dans le monde poursuit son recul. Les enjeux de la défense de la langue et de la culture françaises sont pourtant fondamentaux dans le cadre de la mondialisation et mériteraient que des moyens humains et financiers suffisants soient mobilisés.

Pour le financement de la future agence chargée de la promotion culturelle de la France à l'étranger, le ministre a indiqué avoir obtenu 20 millions d'euros supplémentaires en 2009 et autant en 2010, soit 40 millions d'euros de plus sur deux ans. Je tiens à souligner que ce chiffre est à relativiser dans la mesure où il s'inscrit dans un contexte de diminution de l'enveloppe consacrée par l'État à son réseau culturel à l'étranger, qui doit passer de 105 millions d'euros en 2008 à 77 millions d'euros en 2011.

Cela dit, un rayon de soleil point, car si vous dotez notre réseau culturel d'équipements de nouvelles technologies et donc d'ordinateurs, comme le propose François Rochebloine, cela peut constituer une chance pour le développement culturel de la France dans le monde dans la mesure où il n'y a pas d'équivalent de la loi HADOPI dans un grand nombre de pays.

Je souhaiterais maintenant revenir sur les conséquences iniques de la décision que le Président de la République a prise en 2007 s'agissant de la gratuité de la scolarisation des élèves français à l'étranger. La prise en charge intégrale par la collectivité nationale des frais de scolarité pour les lycéens, quel que soit le revenu de leurs parents, a entraîné des effets pervers désastreux, tout le monde l'a constaté. Du fait de la contrainte budgétaire, l'octroi de bourses à caractère social à tous les élèves dont les familles connaissent des difficultés financières a en effet régressé, même si le volume des familles bénéficiaires a augmenté. En outre, l'explosion des frais de scolarité des établissements lors de la dernière rentrée scolaire – 18 % d'augmentation en moyenne – s'est mécaniquement traduite par un coût croissant pour l'État.

Pour dégager des moyens en faveur des bourses, il faudrait mettre en place un dispositif de double plafonnement s'appliquant à la prise en charge des frais de scolarité selon les revenus du foyer des élèves et le niveau de ces frais. Aujourd'hui, le coût croissant de la prise en charge des frais de scolarité des élèves français suscite de fortes inquiétudes. Le manque de financement est, en effet, estimé entre 8 et 10 millions d'euros pour l'année 2010. À cet égard, je dois dire que j'ai beaucoup apprécié les développements du président de notre commission sur cette question.

Nous considérons que le projet de budget pour 2010 est médiocre, à l'image d'une diplomatie française rabaissée au ministère de la parole creuse. C'est également au regard de ce déclin de la France dans le monde que nous voterons contre.

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