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Intervention de Marie-Anne Montchamp

Réunion du 21 octobre 2009 à 9h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Anne Montchamp, Rapporteure :

La crise financière déclenchée à l'été 2008 a eu un impact très important sur les comptes de la sécurité sociale en 2009, et ce d'autant plus que ses recettes sont très dépendantes de l'évolution de l'emploi : le recul net attendu en 2009 de 2 % de la masse salariale privera le régime général de plus de 11 milliards d'euros de recettes.

Le déficit du régime général devrait donc s'élever à 23,5 milliards d'euros en 2009 hors FSV, soit un doublement par rapport à 2008. Sa situation continuerait de s'aggraver en 2010, avec un déficit qui passerait la barre des 30 milliards d'euros, en raison principalement d'un nouveau recul de 0,4 % de la masse salariale en 2010. En retenant une hypothèse extrêmement favorable – une augmentation de cinq points de la masse salariale –, la commission des comptes de la sécurité sociale prévoit par ailleurs un déficit de 30 milliards d'euros en 2011 et à nouveau de 30 milliards en 2012.

C'est donc dans un contexte très difficile que se place ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, que je qualifierai de projet « au fil de l'eau ». Il faut pourtant convenir du caractère très vertueux des mesures qu'il comporte, lesquelles s'inscrivent dans la continuité des efforts fournis les années précédentes.

C'est le cas tout d'abord sur le plan des recettes, avec la poursuite de la remise en cause de certaines «niches sociales » : le PLFSS prévoit en effet une augmentation du forfait social mis en place l'an passé sur les dispositifs de participation et renforce la taxation des « retraites chapeaux ». Il remet par ailleurs sur un pied d'égalité les différents types de contrats d'assurance-vie en matière d'assujettissement aux prélèvements sociaux. Il soumet enfin les plus-values mobilières aux prélèvements sociaux au premier euro.

Ces mesures permettent de dégager un peu plus de 550 millions d'euros, et je défendrai un amendement qui, à l'initiative du rapporteur général, va plus loin encore, en soumettant également aux prélèvements sociaux les plus-values immobilières.

Sur le plan des dépenses, ce PLFSS poursuit les efforts réalisés ces dernières années. L'assurance maladie est parvenue à une maîtrise efficace de ses dépenses, puisque l'ONDAM fixé pour 2009 sera, pour la première fois depuis sa création, quasiment respecté – 330 millions d'euros d'écart, c'est peu – et connaîtra un niveau de progression faible par rapport aux années antérieures – 3,4 % au lieu des 3,3 % prévus.

L'effort sera poursuivi et renforcé en 2010, avec un ONDAM fixé à 3 %. Les économies qui devront être réalisées s'inscrivent dans la continuité des méthodes appliquées ces dernières années : les principales porteront sur la maîtrise médicalisée des prescriptions – indemnités journalières, médicaments, transports sanitaires, etc. –, sur des baisses de prix des médicaments et sur des baisses de tarifs en radiologie et en biologie. En définitive, les assurés ne supporteront que 300 millions des 2,2 milliards d'euros d'économies.

Dans l'ensemble des quatre branches, les mesures de lutte contre la fraude, qui ont montré leur efficacité ces dernières années, seront renforcées.

Parallèlement, l'effort d'investissement à destination des secteurs qui en ont besoin est poursuivi, en particulier avec le plan Hôpital 2012, des constructions de crèches et des établissements financés par l'ONDAM médico-social.

Au total, il s'agit donc, dans une logique « au fil de l'eau », d'un bon PLFSS, au regard des mesures qu'il propose.

Mais il demeure insuffisant et il met ainsi en évidence les limites qui sont aujourd'hui atteintes, qu'elles soient financières, avec un risque réel d'insoutenabilité du système, ou endogènes à notre modèle de protection sociale, qui risque de se révéler lui-même dépassé car, quand le ratio actifs-inactifs s'inverse, c'est bien la question du financement qui est posée.

Les limites financières apparaissent de la façon la plus évidente tant le déficit attendu de 65 milliards d'euros est impressionnant, malgré des hypothèses macroéconomiques optimistes – croissance de 2,5 % du PIB et progression de 5 % de la masse salariale. Ainsi, la croissance ne suffira pas à opérer le nécessaire redressement des comptes.

Si l'on se refuse à faire peser sur les générations futures le poids du fonctionnement de notre modèle de protection sociale, il faudra inévitablement le repenser fondamentalement etou dégager de nouvelles recettes.

En tout état de cause, les prévisions financières pour 2009 et 2010 posent la question de la soutenabilité des déficits. L'ACOSS devrait en effet voir son plafond d'autorisation d'emprunt fixé à 65 milliards d'euros pour 2010, faute d'un transfert d'une part de ce déficit à la CADES. Le poids de la charge financière pèsera donc d'autant plus sur l'ACOSS qu'elle sera amenée, au-delà de ses fonctions de couverture des besoins de trésorerie infra-annuels, à couvrir un déficit plus structurel résultant d'un écart durable entre les recettes et les dépenses de la sécurité sociale. Or, tel n'est pas son rôle, c'est ce qu'a mis en évidence le rapport de la Cour des comptes sur la gestion de trésorerie des organismes de sécurité sociale.

Les perspectives de l'année 2010 pour l'ACOSS montrent les limites de l'exercice. Confrontée à un durcissement des conditions tarifaires avantageuses que lui consent la Caisse des dépôts, qui a elle-même de plus en plus de mal à suivre ce mouvement, l'ACOSS sera en effet amenée à émettre directement sur les marchés de façon massive, ce qui accroîtrait son exposition au risque de taux qui pourraient repartir à la hausse, ce que les estimations ne prennent pas en compte. En tout état de cause, l'exercice ne pourrait être répété en 2011 et une reprise de dette deviendra alors impérative.

Cette décision devra intervenir tôt ou tard. Or, plus la reprise de la dette sera tardive, plus elle sera coûteuse. Le Premier ministre l'a souligné hier, la France de 2010 n'est plus celle de 2007. Attendre 2011 exigerait, pour une reprise de dette de plus de 50 milliards d'euros – 23 milliards d'euros au titre de 2009 et 30 milliards au titre de 2010 – une augmentation de 4,25 points de CRDS, soit pratiquement un doublement de son taux. Ce serait tout bonnement intenable !

C'est pourquoi je vous soumettrai, avec quelque opiniâtreté, un amendement destiné à augmenter de 2 points le taux de la CRDS dès cette année, ce qui sera douloureux. J'affirme en outre sans ambages qu'une telle mesure devra être corrélée avec une sortie de la CRDS du bouclier fiscal.

C'est en réalité notre modèle de protection sociale lui-même qui est dépassé par des évolutions structurelles. L'augmentation des dépenses est structurelle compte tenu du vieillissement de la population et de l'évolution des grands risques, et elle ne peut pas être beaucoup mieux maîtrisée si l'on veut maintenir un haut niveau de prise en charge et si l'on veut tenir le rendez-vous des retraites de 2010.

L'évolution démographique ne pèse pas uniquement sur l'assurance vieillesse, mais sur l'ensemble des dépenses de protection sociale. Si l'on s'intéresse par exemple à ce que coûte à l'assurance maladie la dernière année de vie, on voit bien que la séparation des risques n'est pas tenable.

Le Gouvernement fait d'ailleurs implicitement la même analyse lorsqu'il décide de taxer les retraites chapeau et de soumettre aux prélèvements sociaux les plus-values sur les valeurs mobilières. Le modèle d'assurance sociale tel qu'il a été conçu est dépassé ; il faut modifier l'assiette des cotisations sociales, qui est procyclique alors que l'augmentation des dépenses est contracyclique, c'est-à-dire que les prestations sociales augmentent lorsque le chômage s'accroît.

Cette année, l'augmentation des transferts sociaux joue comme un bouclier anticrise : c'est grâce à la qualité de notre modèle social que nous avons moins mal encaissé le choc que certains de nos voisins, cela se vérifie en particulier pour la consommation des ménages.

Comment pourrons-nous, avec ce PLFSS « au fil de l'eau », engager dans les temps cette indispensable réflexion structurelle ? Or, il n'est pas possible de la différer davantage d'autant que nous avons l'an prochain un rendez-vous très important sur la question des retraites. Ce projet constitue un outil efficace ; il va résolument dans le bon sens, mais il est déséquilibré au regard tant des moyens nécessaires pour engager le rééquilibrage que de la réflexion sur la question des ressources.

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