Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Martine Lebrun

Réunion du 16 juin 2009 à 16h00
Mission d’évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes

Martine Lebrun, présidente de l'association nationale des juges d'application des peines :

Les juges d'application des peines ont essentiellement à connaître de violences conjugales que l'on peut qualifier de « légères ». J'ajoute que les personnes concernées appartiennent en général à des catégories sociales défavorisées et qu'elles sont souvent convaincues de ne pas commettre des actes inhabituels ou choquants.

En général, c'est la femme qui porte plainte au commissariat de police ou à la gendarmerie, mais on constate que ce n'est pas toujours son compagnon qui est à l'origine des violences. En outre, la femme retire fréquemment sa plainte parce qu'une réconciliation a eu lieu, et il arrive même que des couples se présentent devant le tribunal correctionnel la main dans la main, la femme expliquant que la situation s'est améliorée, que son compagnon a promis de ne plus la battre et qu'elle éprouve encore des sentiments pour lui. Hier encore, j'ai reçu une lettre d'une femme me demandant que son compagnon, sur le point de sortir de prison, soit autorisé à revenir à la maison.

Il existe bien sûr des violences conjugales graves, certaines femmes étant littéralement rouées de coups. Cela étant, la plupart des violences ne sont en réalité qu'un mode de fonctionnement du couple – c'est dramatique, mais c'est malheureusement la réalité. Quand on prononce une sanction, on risque donc de mécontenter la femme : le couple s'est réconcilié, nous dit-elle, et les enfants ont besoin de leur père.

Une autre difficulté est que la notion de violences conjugales demeure très générale, au contraire des violences sexuelles qui font l'objet d'une véritable gradation, reposant sur des incriminations précises – on distingue, par exemple, les attouchements, les agressions, les viols et les viols avec barbarie. Nous en sommes, hélas, bien loin en matière de violences conjugales : dans certaines affaires, il y a des poursuites pour un crachat et une gifle !

L'obligation de réaliser une expertise avant d'accorder une permission de sortie à un détenu faisant l'objet d'un suivi socio-judiciaire nous expose à de graves difficultés. J'ai eu à me prononcer sur le cas d'un homme, condamné en comparution immédiate à dix-huit mois de prison pour avoir gravement frappé sa femme : après avoir obtenu l'autorisation d'épouser sa compagne en prison, il menaçait de se suicider s'il n'obtenait pas de permission de sortie, et nous expliquait qu'il s'était réconcilié avec sa compagne et que ses enfants avaient besoin de lui ; or, il m'était, de toute façon, absolument impossible d'accéder à sa demande en l'absence d'expert disponible.

Les tribunaux correctionnels et les juges d'application des peines ont besoin d'incriminations pénales plus précises. En effet, il conviendrait de faire la part des violences « légères », même si cette expression peut paraître scandaleuse. Pour le moment, toute violence est considérée comme « grave » dès lors qu'elle intervient dans un cadre conjugal et nous devons appliquer des textes très généraux alors qu'il faudrait au contraire adapter, autant que possible, les sanctions à la gravité des actes commis.

D'autre part, la loi du 10 août 2007 tend à paralyser le système en empêchant toute sortie dans le cadre du suivi socio-judiciaire tant qu'un expert ne s'est pas prononcé. Un tel dispositif coûte non seulement très cher en temps et en argent, mais il est en outre très difficile à appliquer aux courtes peines : les experts ne sont pas disponibles à temps, car nous avons besoin d'eux en priorité pour des affaires plus graves. Par conséquent, les détenus concernés ne peuvent pas sortir, ce qui risque aussi de causer des dégâts dans le couple.

Notre demande est donc très simple : faites davantage confiance aux juges. Nous sommes aujourd'hui tenus, par la loi ou du fait des pressions sociales, de prononcer des mesures de suivi socio-judiciaire avec injonction de soins, ce qui conduit à mobiliser inutilement les médecins coordonnateurs. D'autre part, la généralité de la loi fait obstacle à l'individualisation des peines dans le cas des violences conjugales « légères », qui constituent notre lot quotidien.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion