Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Raila Odinga

Réunion du 21 octobre 2009 à 11h30
Commission des affaires étrangères

Raila Odinga, Premier Ministre du Kenya :

En ce qui concerne les changements climatiques, l'échec n'est pas permis à Copenhague : si nous ne trouvons pas une solution de grande ampleur à ce problème, c'en est fini de la race humaine. Nous n'avons donc pas l'intention de tomber dans le petit jeu des accusations mutuelles et de la désignation de victimes ou de coupables, qui ne ferait que des perdants. C'est un partenariat qu'il nous faut mettre en place. Il convient d'abord de rechercher les moyens d'atténuer l'impact des changements climatiques et de sanctionner les pays qui ne jouent pas le jeu. A vrai dire, l'Afrique doit avant tout s'adapter aux effets des changements climatiques : au Kenya, nous vivons en permanence entre deux désastres, la sécheresse et l'inondation. La neige a fondu au sommet du Mont Kenya, comme au sommet du Kilimandjaro. Le réchauffement a provoqué l'apparition de la malaria dans les montagnes, dont les habitants ne sont pas immunisés contre cette maladie, à la différence des habitants de la plaine. Aujourd'hui le paludisme tue dans notre pays.

En outre, le Kenya, qui était jusqu'ici riche en ressources agricoles, doit désormais recourir aux importations alimentaires. Nous devons mettre en place une agriculture irriguée. Nous devons également constituer des réserves en eau potable. Nous devons enfin lutter contre la déforestation du fait de l'activité humaine : alors que la forêt couvrait 12 % de notre territoire, elle n'en couvre plus que 2 %. C'est pourquoi nous avons mis sur pied un programme de replantation visant à augmenter notre surface forestière de 10 % au cours des dix prochaines années, ce qui suppose la plantation de sept milliards d'arbres.

Tout cela exige des ressources, que nous ne trouverons que dans un partenariat. Le Kenya est prêt à jouer son rôle au sein de l'équipe africaine, mais nous avons besoin de nouer des partenariats avec le reste du monde, notamment avec l'Europe.

J'ai par ailleurs mis sur pied une équipe chargée de travailler sur les énergies vertes, car nous devons nous convertir aux énergies renouvelables, afin de rompre avec notre dépendance aux combustibles fossiles. L'objectif est de produire au cours des trois années à venir 2 000 mégawatts d'énergie propre, d'origine hydraulique, géothermique, éolienne, solaire, issue des biocarburants ou du nucléaire. Sur ce dernier point, une coopération avec la France est envisageable.

Ce que vous appelez le « syndrome kenyan » n'est pas propre à l'Afrique : voyez ce qui s'est passé en Europe de l'Est durant la transition démocratique, ou ce qui se passe en Afghanistan. L'Afrique traverse tout simplement une période de transition entre le régime de parti unique et le multipartisme. Les pères fondateurs de l'Afrique indépendante avaient rejeté le modèle occidental de démocratie, qui admet l'opposition, comme ne correspondant pas à la tradition africaine. Ainsi Senghor, Sékou Touré, Modibo Keita, Julius Nyerere ont engagé l'Afrique à résoudre les conflits par la négociation et le compromis. Il en est résulté une culture politique fondée sur le consensus. Mais de compromis en compromission, cela a dégénéré en un système reposant sur les pots de vin et le chantage, conduisant à la marginalisation de l'opposition et à la centralisation du pouvoir, jusqu'à l'établissement de régimes présidentiels extrêmement autoritaires, où le président décide de tout, émasculant tous les autres pouvoirs. C'est là que réside le problème de l'Afrique.

La solution est à rechercher dans le partage du pouvoir, grâce au multipartisme, dans un système de séparation des pouvoirs et une véritable compétition électorale. Quant à la question du régime, nous devons savoir si nous gardons le régime présidentiel ou si nous passons à un régime parlementaire ou à un système mixte. À titre personnel, je pense qu'un régime présidentiel risque de renforcer les rivalités ethniques à cause de l'héritage du passé, où le président s'entourait d'une cour issue de sa propre communauté ethnique, et où le pouvoir était utilisé à des fins de discrimination vis-à-vis des autres communautés. C'est la raison pour laquelle, aujourd'hui, les communautés ne se sentent pas en sécurité aussi longtemps qu'un membre de leur ethnie n'est pas au pouvoir. Un système parlementaire, ou un régime hybride, que vous connaissez bien en France, et qui me paraît mieux adapté aux spécificités africaines, me semblent plus opportuns en cette période de transition.

La crise politique n'a pas remis en cause notre lutte contre le sida. En outre, nos réformes prennent en compte la question du « genre » et de la parité, car aujourd'hui aucun pays ne peut se développer sans égalité entre les sexes. Les femmes et les enfants sont en première ligne en période de conflits : on a vu dans notre pays des femmes et des enfants brûlés vifs, déplacés ou victimes de viols au cours de cette crise. C'est pourquoi les femmes kenyanes sont aujourd'hui à l'avant-garde des réformes.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion