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Intervention de Louis Giscard d'Estaing

Réunion du 13 octobre 2009 à 21h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLouis Giscard d'Estaing, Rapporteur spécial :

Budget opérationnel de la défense. Le programme 178, Préparation et emploi des forces, est le plus important de la mission Défense, puisqu'il recouvre tous ses aspects humains : le recrutement, les rémunérations et les charges sociales, mais aussi l'entraînement, la projection, la disponibilité des forces et les opérations extérieures.

Après la hausse substantielle enregistrée en 2009, les crédits du programme Préparation et emploi des forces connaîtront, en 2010, une phase de stabilisation. Les autorisations d'engagement s'élèveront à 22,8 milliards d'euros, en hausse de 2 %. Les crédits de paiement seront de 21,5 milliards, en baisse de 1,3 %.

Le plan de modernisation inscrit dans la loi de programmation militaire 2009-2014, que nous avons adoptée le 29 juillet dernier, se poursuit de manière « nominale » du point de vue militaire. Je vous rappelle que d'ici à 2014, 82 unités seront supprimées et 33 transférées. L'armée de terre sera la première concernée : ses effectifs se réduiront de 26 500 hommes, et 20 régiments ou bataillons devront disparaître. L'armée de l'air a commencé à fermer onze bases aériennes. La marine, enfin, perdra 6 000 hommes. Ces restructurations devraient aboutir à la suppression de 54 000 postes, soit environ 9 000 par an, ce qui est loin d'être négligeable. La reconversion est un élément essentiel de ces réductions d'effectif. Les armées ne peuvent se séparer d'autant de leurs agents sans consentir un effort particulier en cette matière. À cette fin, le ministère de la défense a installé le 10 juin 2009 l'agence Défense mobilité qui regroupe les moyens jusqu'à présent dispersés entre les différentes armées.

Sur les 70 à 80 bases de défense qui doivent être créées, sept l'ont déjà été. Elles seront 18 fin 2010, l'année 2011 étant celle de la généralisation de ce concept. Selon les chefs d'état-major que nous avons rencontrés, de premières économies de fonctionnement se font déjà sentir sur les bases créées.

La place de Paris n'échappe pas à la réforme puisque l'administration centrale doit se regrouper en 2014 sur un site unique. Balard, qui deviendra la base de défense de la capitale – le « Balardgone » en quelque sorte –, rassemblera 10 000 agents du ministère, civils et militaires. Cette opération, facteur éminent de la réussite de la réforme, permettra de gagner 24 % de surface, les locaux que la défense va libérer étant parfois très anciens et fort peu fonctionnels. Des économies substantielles sont attendues en frais d'entretien, de restauration et de transports, que le contrôle général des armées évalue dans une fourchette comprise entre 2,5 et 3,5 milliards sur trente ans.

Le projet est mené en partenariat avec un opérateur privé qui sera propriétaire des immeubles et auquel le ministère de la défense versera un loyer. Cette solution a été préférée à une opération strictement patrimoniale qui aurait été beaucoup plus difficile à financer et qui n'aurait pas forcément été réalisée dans les délais que le partenaire privé s'engage à respecter de manière contractuelle. Je compléterai l'analyse du regroupement à Balard lors de l'examen du projet de budget en séance publique.

Je souhaite maintenant appeler l'attention de la Commission sur les deux sujets essentiels de ce programme : les opérations extérieures – les OPEX - menées par la France et le maintien en condition opérationnelle du matériel.

Depuis près de deux décennies, la France doit gérer en permanence la participation de plus de 10 000 militaires à des OPEX et aussi le pré-positionnement d'environ 4 500 soldats dans des pays amis.

Comme vous le savez, la mission d'évaluation et de contrôle de notre commission – la MEC - a publié en juillet sur le coût et le financement des OPEX un rapport d'information que j'ai co-rédigé avec notre collègue Françoise Olivier-Coupeau, de la commission de la Défense. Nous avons mis en évidence l'inflation croissante des coûts des OPEX, pourtant largement sous-estimés. Officiellement évalué à 830 millions en 2008, ce coût est estimé à 873 millions d'euros environ pour 2009, soit moins que le milliard initialement envisagé. Mais si les crédits inscrits en loi de finances à ce titre ont augmenté, ce que je salue, ils ne couvrent toujours pas plus de 55 à 60 % du montant réel des opérations : 460 millions en 2008, 510 millions en 2009. Le projet de budget pour 2010 inscrit 570 millions d'euros au titre des OPEX, soit 60 millions de plus qu'en 2009, ce qui est une bonne chose. Toutefois, en 2010 comme en 2009, le financement résiduel des surcoûts de ces opérations ne reposera pas sur les crédits d'équipement de la défense mais sur la réserve de précaution interministérielle.

L'évolution du financement des opérations extérieures ne dispense pas de chercher à en réduire le coût. Des préconisations figurent à cet effet dans le rapport de la MEC ; j'en citerai trois. En Côte d'Ivoire, il est grand temps d'impliquer davantage les pays de l'Union africaine, que nous devons placer face à leurs responsabilités. Des troupes africaines participent déjà à l'ONUCI, l'opération des Nations unies en Côte d'Ivoire, mais l'essentiel est assuré par le dispositif militaire français, qui a vocation à se désengager progressivement. En effet, le pays se prépare à des élections, et la situation n'est plus celle du maintien de la paix.

Au Tchad, où les Nations unies prennent le relais de l'Union européenne, il est également nécessaire de trouver d'autres relais. Pour des raisons d'efficacité, la France assure aujourd'hui la plus grande partie d'une logistique aérienne extrêmement coûteuse, sans toujours être dédommagée au juste prix.

Enfin, d'une manière générale, il faudra mieux appréhender les possibilités de remboursement des opérations sous mandat international, qu'il s'agisse des Nations unies ou de l'Union européenne.

Un mot sur l'Afghanistan, où je me suis rendu au printemps dans le cadre de l'élaboration du rapport de la MEC : 3 700 militaires français sont engagés dans les opérations de stabilisation du pays depuis le territoire afghan, le Tadjikistan, le Kirghizstan ou l'océan Indien. Ces opérations visent à sécuriser les zones placées sous la responsabilité de notre pays et, surtout, à accompagner la montée en puissance de l'armée afghane pour lui permettre de prendre en charge les missions de sécurisation. J'ai constaté les difficultés auxquelles sont confrontées nos forces dans un combat asymétrique qui prend la forme d'un harcèlement, avec un risque omniprésent d'escarmouches et d'attentats. J'ai également mesuré l'action significative de l'état-major des armées pour améliorer l'équipement de nos militaires, qu'il s'agisse d'effets personnels plus adaptés à la réalité du terrain ou de matériels lourds destinés à mieux protéger les hommes – y compris les nouveaux véhicules haute mobilité mieux adaptés au terrain et trois hélicoptères d'assaut Tigre, dont nos alliés américains ont reconnu tout l'apport en appui lors de missions délicates.

Mais l'Afghanistan n'est pas le seul endroit où nos forces se trouvent déployées. Outre qu'elles sont stationnées sur des théâtres d'opération plus calmes mais où la plus grande vigilance reste nécessaire – Kosovo, Liban, Côte d'Ivoire et Tchad –, elles participent désormais à l'opération internationale Atalante de lutte contre la piraterie au large de la Somalie, avec les succès dont la presse s'est fait l'écho tout récemment encore : patrouilles, accompagnement de convois dans le golfe d'Aden, libération d'otages, protection de chalutiers opérant dans l'océan Indien...

J'en arrive aux forces prépositionnées. Notre dispositif à l'étranger est l'objet d'un profond remaniement dicté par des raisons stratégiques et d'économie. Les implantations françaises en Allemagne sont en cours de réduction sensible ; seules subsisteront bientôt outre-Rhin les unités de la brigade franco-allemande, ce dont il faudra tirer des conséquences budgétaires.

La présence militaire française en Afrique, qui s'appuyait traditionnellement sur quatre bases situées au Sénégal, en Côte d'Ivoire, au Gabon et à Djibouti, n'en compte plus que trois, le 43e BIMa d'Abidjan ayant été dissous. À terme, la base pourra être réduite ou rendue. Le débat sur la possible fermeture d'une des deux implantations de la façade atlantique, Dakar ou Libreville, n'est pas clos, même si cette éventualité semble aujourd'hui moins urgente. Nous avons vu, lors de la tragique disparition de l'avion qui assurait le vol Rio-Paris, toute l'utilité, pas seulement militaire, qu'il peut y avoir à conserver ces bases : les recherches pour retrouver l'appareil disparu ont été lancées depuis celle de Dakar.

En revanche, après l'implantation cette année d'une nouvelle base interarmées à Abou Dhabi, la question de la présence permanente de près de 3 000 soldats français à Djibouti mérite d'être posée, même si l'utilité de cette plateforme semble réelle, notamment dans le cadre de la lutte contre la piraterie maritime.

Je ne conclurai pas sans vous dire quelques mots à propos de la disponibilité des matériels, sujet de préoccupation permanente.

Comme les années précédentes, la marine enregistre le meilleur taux de disponibilité, globalement compris entre 70 et 90 %. On notera cependant deux exceptions : le parc vieillissant des sous-marins nucléaires d'attaque, dont la disponibilité n'excède pas 52 %, une proportion toutefois supérieure aux 40 % constatés en 2008 ; le porte-avions Charles-de-Gaulle qui, à peine sorti de son immobilisation de longue durée, fin 2008, a connu des difficultés techniques l'ayant à nouveau immobilisé pendant plusieurs mois au début de 2009. Le dramatique accident qui a affecté deux Rafale de l'aéronavale, coûtant la vie à l'un des pilotes, nous a rappelé que le navire avait repris la mer et devrait être prochainement déclaré opérationnel.

La situation est plus diverse pour l'armée de terre, dont certains matériels rénovés, tels l'AMX-10 RC ou l'AMX-10 P, ont désormais un taux de disponibilité satisfaisant, compris entre 62 % et 77 %. En revanche, la disponibilité d'autres matériels diminue régulièrement. C'est le cas des blindés légers ERC-90 Sagaie, dont le taux de disponibilité s'établit à 46 %, ou encore des canons Au F1, pour lesquels il est de 53 %.

Les efforts consentis par l'ALAT – l'aviation légère de l'armée de terre – ont permis d'améliorer significativement la disponibilité des hélicoptères Gazelle, désormais comprise entre 55 et 75 %, tandis que celle des hélicoptères de manoeuvre Cougar, Puma et Caracal augmente aussi, mais plus lentement, pour se situer entre 43 à 54 % selon que les modèles sont en fin de cycle – les Puma – ou qu'il s'agit de matériel nouveau – les Caracal. En revanche, la disponibilité du moderne et coûteux hélicoptère d'assaut Tigre ne dépasse pas 44 %.

Dans l'armée de l'air, la disponibilité du Rafale, qui s'était sensiblement améliorée l'année dernière, s'est à nouveau dégradée au cours du premier semestre 2009, ce qui n'est pas très heureux à la veille de la signature d'un important contrat à l'exportation. Supérieure à 60 % l'an dernier, cette disponibilité s'est réduite à 50 % pour les appareils de l'armée de l'air et à 53 % pour ceux de la marine. C'est le faible nombre de moteurs de rechange qui est en cause ; la société Safran a promis, au cours de l'été 2009, de faire un effort pour accélérer le rythme des livraisons.

Par ailleurs, la situation demeure très critique en matière de transport et de ravitaillement, pourtant l'un et l'autre indispensables au soutien de nos forces sur des théâtres d'opérations éloignés comme l'Afghanistan ou le Tchad. Ainsi les Hercules C-130 ne sont-ils disponibles qu'à 54 % et le taux de disponibilité des Transall fluctue-t-il quant à lui entre 50 et 60 %. L'entretien de ces flottes vieillissantes – dont le retrait a commencé – devenant de plus en plus coûteux, l'arrivée de l'A 400M est particulièrement attendue.

Ce projet de budget opérationnel vise à relever trois défis : poursuivre l'indispensable réforme des armées, conserver à nos forces un niveau d'entraînement satisfaisant en améliorant la disponibilité des matériels et, enfin, donner la possibilité aux unités projetées en OPEX de mener leurs missions dans le meilleur environnement matériel et humain possible. Compte tenu du niveau de ressources proposé – pleinement conforme à la loi de programmation –, ces objectifs devraient être atteints. Je formule donc un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

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