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Intervention de Sihem Habchi

Réunion du 9 septembre 2009 à 9h00
Mission d’information sur la pratique du port du voile intégral sur le territoire national

Sihem Habchi :

Mon émotion traduit ma sincérité. C'est quand j'évoque la situation des femmes algériennes que cela me fait le plus mal car j'ai grandi avec mes cousines, et certaines sont aujourd'hui obligées de porter le voile intégral après avoir subi des menaces. Je ne me livre pas à une mascarade devant vous.

Nous avons affaire, comme vous l'avez souligné, à un phénomène mondial qui attaque la jeunesse. Quand vous discutez avec des filles qui revendiquent le droit de porter la burqa, vous vous rendez compte qu'en mettant de côté et en critiquant l'islam de leurs parents – qui était un islam laïc, c'est-à-dire une pratique privée s'intégrant dans le cadre de la laïcité et de la République –, elles cassent l'autorité de ces derniers. Elles réussissent à s'extraire du harcèlement familial quotidien et de la soumission. En passant pour des saintes, des religieuses, elles parviennent à rééquilibrer un peu les choses. Mais cet attirail s'accompagne de toute une série de codes qu'il faut respecter. On n'organise pas des fêtes et on ne va pas en boîte de nuit en burqa. Ce voile s'intègre dans un système machiste et constitue un moyen de contrôle : la jeune fille doit se marier, avoir des enfants et, surtout, être un objet sexuel pour son mari, auquel elle doit être entièrement soumise.

Dans le témoignage que j'ai cité, même si la jeune fille n'avait pas toutes les conditions d'émancipation, elle a choisi son « mec » qui devait être, au départ, un type bien. Ensuite, tout bascule et c'est ce basculement qu'il faut regarder.

En Europe, les responsabilités ne sont pas à rechercher, comme en Algérie, dans la concurrence, depuis l'Indépendance, entre des mouvements radicaux qui veulent imposer une république islamique et les partis nationalistes. Elles se trouvent dans la politique de la main tendue aux islamistes et l'achat de la paix sociale, qui a été trop souvent pratiquée. Sous couvert de respecter, au nom de la liberté, les revendications communautaires ont été encouragées une vision machiste de la société – terrible pour les femmes –, et la ségrégation : le port du voile ou de la burqa n'est pas le chemin le plus direct pour aller à l'Assemblée nationale ! Il est grand temps de mettre fin à cette ségrégation.

Quand j'étais jeune, je voyais bien que tout était compliqué pour nous du fait de la discrimination. Mais mon père m'a encouragé à poursuivre mes études, en m'assurant que j'y arriverais. Mais, quand je vois tous les stratagèmes mis en place pour ne pas parler de la citoyenneté d'une partie de la population française et tous les moyens inventés pour justifier la ségrégation, je ne comprends pas.

Dans ce contexte, le voile et la burqa sont pratiques car ils permettent d'éviter les mélanges. Personne ne va parler à une femme en niqab, en burqa ou en voile, et encore moins se marier avec elle. Cela entraîne la séparation des populations. Là est la question fondamentale. Du fait de l'exclusion et du ghetto qui nous ont collé à la peau, certains et certaines n'ont malheureusement plus cru en la République comme un moteur et ont fait un autre choix. Certaines femmes se sont demandées si, par le biais qui leur était proposé, elles ne pourraient pas se faire entendre. Au moment de la révolution iranienne, les féministes islamiques ont pensé qu'elles pouvaient y arriver en annexant ce corps parce qu'il les empêchait d'être les égales des hommes et d'être regardées sur le plan de la pensée et de l'intellect. Comme on a pu le constater, cela n'a pas eu les résultats escomptés : le voile et la burqa ne favorisent pas le partage du pouvoir et des décisions.

L'objectif visé est une République métissée et la mixité dans les décisions, quelles que soient les origines. Il semble bien lointain quand on voit à quel point les libertés fondamentales sont attaquées dans notre pays.

Ni putes ni soumises a toujours défendu la laïcité. Elle s'y est même accrochée comme à une bouée de sauvetage. Ce n'est donc pas moi qui vais défendre le discours du Président de la République au Latran. J'ai autre chose à faire : des femmes continuent à se faire brûler dans les quartiers populaires.

Je suis féministe et je m'estime la digne héritière du féminisme. Beaucoup de femmes continuent à combattre l'obscurantisme. Malheureusement certaines, par peur d'être traitées de racistes, par méconnaissance du phénomène des mariages forcés, de la polygamie et de l'excision, par réticence à trop bouleverser les choses, n'ont pas condamné ces pratiques. Or, quand on a une responsabilité, quand on est présidente d'association ou responsable politique, j'estime qu'il faut, à un moment donné, lorsqu'on a affaire à ce genre de choses, trancher et ne pas attendre que cela dégénère.

Quant à la circulaire de 1989, qui peut oser, aujourd'hui, nier qu'elle ait encouragé la propagation des voiles ?

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