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Intervention de Patrick Gandil

Réunion du 13 octobre 2009 à 17h00
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Patrick Gandil, directeur général de l'Aviation civile :

La conception de l'aéroport est ancienne. Une chose est sûre, c'est que, si cela aurait grandement facilité le contrôle aérien, on y aurait beaucoup perdu en roulage au sol.

S'il n'existe pas de suivi du contrôle aérien, il en existe un tout à fait sérieux de l'accidentologie du transport aérien. Assuré, dans le monde entier, par l'OSEI – Operational Significant Event Imagery –, il permet d'avoir des éléments statistiques chaque année.

Il est à noter que cela fait de nombreuses années que le chiffre de 1 000 morts par an n'a pas été atteint dans le monde entier en transport public aérien, c'est-à-dire pour les avions de plus de vingt places. Aucun autre mode de transport n'approche un tel résultat. Dans les statistiques du ministère, le nombre d'accidents mortels dans les transports ferroviaires français, toutes causes confondues comme dans l'aérien, est de 300 par an en France. Le transport aérien ne connaît que quatre ou cinq catastrophes par an dans l'ensemble du monde, faisant chacune entre 150 ou 200 morts. Concernant l'aviation générale en France – petits avions de transport public, aviation légère et aviation d'affaires compris –, on compte une soixantaine de morts par an.

En qualité de directeur général de l'aviation civile, je suis très attentif à l'accidentologie de l'aviation en général, qu'il s'agisse des avions légers amateurs ou des hélicoptères pilotés par des professionnels. On compte, d'ailleurs, un nombre non négligeable d'accidents d'hélicoptères du fait qu'ils volent près du sol et que ce sont des engins relativement plus dangereux que les avions. Les accidents de transport aérien étant heureusement rares, ils sont d'autant plus difficiles à traiter. De même qu'en accidentologie en centrale nucléaire, ce n'est pas du tout la même chose de traiter des cas récurrents comme les accidents de la route que de traiter des cas rarissimes. Du coup, on enquête non seulement sur les accidents mais également sur les incidents. Quand un petit avion d'aéroclub casse son train, un agent de la DGAC délégué par le BEA se rend sur place. Bien qu'il ne s'agisse que d'un accident matériel, c'est un événement anormal qu'il faut étudier pour mieux en comprendre les causes.

Deux causes d'accidents qui ont été mises en évidence sont les trajectoires non stabilisées et les incursions de piste. Nous avons été amenés récemment à organiser des formations et des colloques sur ces sujets.

L'aéroport de Roissy n'est pas vraiment sous-utilisé. Il a encore une marge de croissance. Il est néanmoins l'un des premiers aéroports du monde et le premier d'Europe. À côté de la charge que cela induit, il faut aussi voir la richesse sur le plan économique et international que représente le fait que la porte d'entrée en Europe se situe en France.

Je ne me prononcerai pas sur la manière de gérer un troisième aéroport dans un système de « hub ». J'ai étudié la question, il y a quelques années, quand je dirigeais les bases aériennes. La DGAC envisageait alors d'implanter un troisième aéroport dans le sud de Paris du fait de l'extrême encombrement du ciel aérien au nord de la capitale, puisque se croisent dans ce secteur les vols de Paris, premier aéroport européen par le trafic, ceux de Londres, deuxième aéroport d'Europe, et ceux de Francfort, troisième aéroport d'Europe – sans parler d'Amsterdam, Bruxelles, Lille ou Beauvais. En tout état de cause, cet aéroport aurait eu vocation à remplacer Orly plutôt que Roissy. Dans ce dernier, l'effet « hub » est, en effet, vital pour Air France et d'autres compagnies essaient d'ailleurs d'en profiter. La décision politique ne m'appartient pas mais la question du fonctionnement d'un troisième aéroport et de la répartition des compagnies aériennes sur celui-ci n'est pas une question facile.

Il est malheureux qu'il y ait trois tours de contrôle à Roissy. Il est même prévu une quatrième antenne autour du terminal 2 G. Cela vient certainement d'un problème de conception de l'aéroport au départ. On n'aurait jamais dû construire un aéroport de cette taille avec une seule tour de contrôle. L'accidentologie grave est due à des incursions sur piste – c'est notre première source de crainte. L'expérience prouve, en effet, que le télescopage de deux avions en l'air est plus rare que le télescopage au sol. Les deux catastrophes de Lille et Paris entrent dans cette catégorie. Nous sommes donc très attentifs à la position des avions au sol. Tous les mobiles, qu'il s'agisse d'avions ou de voitures, sont en contact avec la tour et doivent pouvoir être vus par l'opérateur. Or, quand le contrôleur passe d'une image télé à une image directe, il y a un certain nombre de ratés, qui font courir des dangers aux avions sur les pistes. Le fait qu'il y ait une tour pour chacun des deux doublets de pistes est donc une formule raisonnable. Quant à la troisième tour, on aurait pu, assurément, en faire l'économie. Elle n'a qu'un intérêt économique : quand le trafic est beaucoup plus faible, c'est-à-dire entre une certaine heure le soir et la première plage du « hub » le matin, elle permet de rassembler le contrôle dans une seule tour au lieu d'en armer deux. En tout état de cause, on n'arme jamais les trois tours en même temps.

Le rôle des aiguilleurs dans la lutte contre le bruit est important puisque les descentes continues et les remontées des altitudes passent par eux. Il est une autre profession qui joue un rôle important en la matière et qui est exercée en majorité par des ingénieurs des études et de l'exploitation de l'aviation civile : ce sont les personnels qui réalisent les analyses de déviation de trajectoire par rapport au VPE et qui font, en fait, l'instruction du dossier pour le compte de la commission nationale de prévention des nuisances, puis pour le compte de l'ACNUSA. Ils participent à la lutte contre le bruit au travers de la sanction.

Le contrôleur peut être amené, par contre – dans des cas très rares car ils sont formés à ne pas le faire pour un oui ou pour un non –, à autoriser un pilote à sortir du VPE. Si, par exemple, un cumulo-nimbus se trouve, comme cela arrive parfois, dans l'axe de la piste, mieux vaut que l'avion l'évite.

Le projet de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes répond à des motivations quasi exclusivement environnementales. L'aéroport actuel pourrait en effet absorber un trafic beaucoup plus important, de quatre millions, voire de six millions de passagers, selon la composition du trafic. Mais, comme la piste est tout près de Nantes et axée sur le centre de la ville, la DGAC souhaite le transférer d'un emplacement où les nuisances ne sont pas maîtrisables à un endroit où elles gêneront beaucoup moins de personnes.

Qu'il n'y ait pas d'ambiguïté à ce sujet : il n'est pas question d'avoir deux aéroports. Celui de Nantes-Atlantique sera fermé. On se pose simplement la question de savoir si l'on doit garder la piste pour les besoins de l'usine d'Airbus mais, si tel est le cas, ce ne sera qu'une ligne à l'usage privatif du groupe.

Le nouvel aéroport sera plus près de Rennes et de Vannes, ce qui entraînera probablement une concentration de trafic, et donc une offre de destinations plus importante qu'avec un système éclaté entre un gros aéroport à Nantes et deux petits aéroports à Rennes et à Vannes.

Cela dit, je le répète, la raison, à 90 %, du déplacement de l'aéroport est la nécessité, d'une part, de le sortir d'un endroit où il ne peut se maintenir et, d'autre part, de doter la métropole de Nantes d'un aéroport de taille suffisante.

La DGAC compte environ 4 000 contrôleurs, sur un effectif total de 12 000 personnes. C'est le corps le plus nombreux parmi ceux de l'aviation civile.

Le nombre d'avions qu'un contrôleur peut gérer en même temps dépend de la complexité de son secteur et de sa situation par rapport à l'aéroport. Il peut en contrôler jusqu'à vingt, et une douzaine sur un secteur complexe.

Il faut se rendre compte de la tâche qui incombe au contrôleur. Je la compare souvent à celle d'un pilote, même si cela suscite parfois quelques doutes. Je suis moi-même pilote de petits et moyens avions et, pour passer beaucoup de temps dans les cockpits, j'ai une assez bonne idée de ce que c'est que de piloter un gros avion. Il y a des moments très intenses – le décollage, la préparation de l'atterrissage, certains types de changements de niveau ou de préparation de procédure – et d'autres beaucoup moins : quand on est arrivé en palier et qu'on a tout réglé, il faut simplement s'assurer, de temps en temps, que tout va bien. Il en va différemment pour un contrôleur sur un centre encombré : pendant son temps de travail, il a une charge permanente. Il a un peu de mal à l'anticiper car chaque nouvel avion qui arrive le met en présence d'un nouveau pilote aux demandes bien précises. Son métier consiste à surveiller la position des différents avions sur son image radar : pour chaque avion, il a une étiquette qui donne le nom de l'appareil et sa vitesse et indique s'il monte ou s'il descend. Mentalement, il déforme cette image car il extrapole afin d'anticiper l'évolution de la situation dans les cinq ou dix minutes qui suivent. Même s'il peut avoir quelques aides, cela représente un travail intellectuel très prenant. C'est à partir de celui-ci qu'il va éventuellement détecter des rapprochements dangereux et, si c'est le cas, agir en conséquence.

Les files d'attente au décollage sont la contrepartie du fait que les avions ne tournent plus au-dessus des aéroports. L'Europe d'EuroControl – c'est-à-dire celle qui regroupe 44 États européens – a créé un organisme assez extraordinaire : la CFMU – Central Flow Management Unit –, c'est-à-dire un système de gestion centralisée des flux en Europe. Cet organisme, situé à Bruxelles, connaît en temps réel la capacité de tous les aéroports et de tous les centres en route et gère les plans de vol : il ne donne l'autorisation de décollage à un avion que s'il est certain que cet avion, non seulement va pouvoir décoller mais également, va trouver, ensuite, une succession de centres en route qui aient la capacité de l'accueillir et, au bout de son vol, un aéroport d'arrivée, lui aussi en capacité de l'accueillir. Si toutes ces conditions ne sont pas remplies, il bloque l'avion au sol. Cela présente de gros avantages, d'une part, en matière de sécurité car mieux vaut que des avions restent au sol plutôt que de tourner comme des piles d'assiettes au-dessus de l'aéroport d'arrivée, qui est forcément le plus chargé, et, d'autre part, en matière de consommation de carburant et d'effets environnementaux. Mais cela conduit à des temps d'attente plus ou moins longs. Le temps moyen d'attente dû au contrôle aérien en France est inférieur à une minute. La situation n'est donc pas catastrophique. Les compagnies aériennes nous ont d'ailleurs demandé de mettre en place, pour l'année prochaine – ce que nous allons faire – un indicateur sur le nombre de vols retardés de plus de quinze minutes parce qu'un retard de cette durée commence en revanche à désorganiser l'exploitation.

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