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Intervention de Hubert du Mesnil

Réunion du 21 octobre 2009 à 10h00
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Hubert du Mesnil, président de Réseau ferré de France :

Pour répondre à vos questions, je commencerai par rappeler que, s'agissant du fret, il faut distinguer la situation de la SNCF dans le domaine du fret, qui est assez délicate et fait l'objet d'un plan de relance particulier, de celle de RFF.

C'est l'État qui a fixé les priorités de RFF dans le cadre du contrat de performance 2008-2012, conclu il y a un an, le 3 novembre 2008, et qui vise notamment à donner les impulsions nécessaires à la mise en oeuvre des objectifs du Grenelle de l'environnement. La première phrase de ce contrat énonce d'ailleurs que « l'Etat charge RFF de mettre en oeuvre le Grenelle de l'environnement en France dans le domaine des infrastructures ferroviaires ».

Dans ce cadre, nos priorités sont clairement définies : l'ouverture à la concurrence du réseau, en distribuant au mieux les sillons ; la rénovation du réseau existant ; le redressement de l'équilibre économique de la gestion du réseau ferroviaire ; la mise en oeuvre d'une politique de développement durable sous toutes ses formes (construction des lignes nouvelles, bilan carbone, gestion des traverses usagées, etc.).

Dans le domaine du report modal en faveur du fret ferroviaire, il est apparu récemment que les chiffres allaient dans un sens totalement opposé à ceux fixés dans le cadre du Grenelle de l'environnement : l'État a donc souhaité donner une nouvelle impulsion, à la formulation de laquelle RFF a largement participé. Il s'agit de mettre en oeuvre toutes les priorités fixées dans le Grenelle, notamment en rénovant le réseau existant.

Je ne suis pas d'accord avec l'appréciation consistant à dire que les difficultés du fret résultent d'un déficit d'investissements : ceux-ci ont été importants et ont permis, par exemple la mise au gabarit de la ligne Perpignan-Luxembourg. Il y a, en outre, suffisamment de place sur un réseau qui accueille de moins en moins de trains dédiés au fret depuis plusieurs années. La principale cause de ce déclin provient du fait que l'on n'a pas accordé au fret des sillons performants et que, collectivement, on n'a pas porté au fret toute l'importance qu'il méritait. L'attribution des sillons n'était d'ailleurs pas réalisée par RFF jusqu'à l'année dernière, la priorité de la SNCF allant plutôt au transport de voyageurs. La société française dans son ensemble est d'ailleurs peu sensible à l'objectif de faire circuler les marchandises par voie ferroviaire.

Sans des sillons de qualité, sans la garantie sur les horaires de circulation, aucun chargeur n'aura recours à ce mode de transport – surtout s'agissant du transport combiné et du transport de conteneurs. A titre d'exemple, pour les livraisons de colis postaux, l'arrivée doit être à 6 heures du matin pour une livraison à J+1, et non à 10 heures. Nous sommes là au coeur du développement du fret ferroviaire ; le gestionnaire du réseau doit pouvoir s'engager sur des critères de qualité, sans parler des efforts que doit aussi réaliser le transporteur s'agissant du matériel roulant ou de la disponibilité des conducteurs.

A ce sujet, il est regrettable que la loi de mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement n'ait pas retenu l'idée d'un réseau à priorité fret, comme les engagements le prévoyaient. En évoquant des « sillons stables et performants », la loi est en retrait avec l'objectif, formalisé dans le contrat de performance, de mettre en oeuvre un « réseau orienté fret », ce qui correspond à la terminologie européenne. Cela implique notamment qu'il faut envisager l'élaboration d'un contournement lorsque la circulation est freinée par la traversée d'une grande ville ou encore qu'il faut prendre des créneaux au transport de voyageurs lorsque cela est le seul moyen d'obtenir des sillons de qualité. Des investissements importants ont d'ailleurs déjà été réalisés dans ce sens.

Le programme d'investissements de 7 milliards d'euros pour le fret ne comprend pas l'effort accompli plus largement pour la rénovation du réseau existant, effort déjà financé et mis en oeuvre par RFF, à hauteur de 13 milliards d'euros. Le contournement de Lyon est l'opération emblématique de ce programme d'investissements, mais il faut mentionner aussi la réalisation d'installations de contresens, là où elles apparaissent nécessaires.

L'ouverture à la concurrence du transport de voyageurs sera effective à compter du 1er janvier 2010 pour le trafic international ainsi que pour le cabotage qui ne doit pas être principal, mais « marginal ». Une ambiguïté existe d'ailleurs sur la portée de ce terme ce qui ne facilitera pas la concrétisation des projets : pour la liaison Gênes-Paris, par exemple, combien de voyageurs l'opérateur Trenitalia sera-t-il autorisé à prendre en charge à Nice ? Il sera difficile de réaliser l'objectif prévu. En toute hypothèse, la présence de trains étrangers, déjà effective pour la DeutscheBahn, dont l'offre est de qualité, ne doit pas être ressentie comme un traumatisme, mais il est souhaitable que l'Autorité de régulation soit mise en place avant leur arrivée.

S'agissant de la mise en oeuvre des orientations du Grenelle, il faut noter que quatre projets ont déjà été définis, d'autres sont en phase de préparation de débat public. RFF est attaché à la pluralité des modalités de réalisation, la maîtrise d'ouvrage classique, le partenariat public-privé, ou la concession. La question principale demeure celle du financement afin de déterminer les parts assumées par les voyageurs et par les finances publiques.

Pour les trains de marchandises, les investissements sont subventionnés à 100 % par l'Etat ou les collectivités locales, comme le montre l'exemple de la mise au gabarit de l'autoroute ferroviaire Perpignan-Luxembourg. Les investissements pour les trains de voyageurs sont financés en partie par les péages : les lignes à grande vitesse sont payées à hauteur de 15 % à 40 % par les péages, le reste étant pris en charge à parité par l'État et par les collectivités territoriales.

RFF a participé aux travaux préparatoires sur le projet de loi relatif au Grand Paris et observe avec intérêt qu'une impulsion importante est donnée aux transports en Île-de-France. Cependant la priorité doit être donnée à l'amélioration du réseau existant en Île-de-France qui pose d'importants problèmes. RFF a conclu un contrat avec le STIF, pour améliorer précisément la qualité du réseau, le rénover et le développer. Il faut être clair : le réseau francilien, parce qu'il est très utilisé, est financé en totalité par des péages et la totalité des péages est consacrée à ce réseau.

S'agissant du programme RER, la priorité est d'achever la modernisation du réseau existant. Les lignes B, C et D du RER doivent être portées au meilleur niveau possible pour l'horizon 2013-2014. Le prolongement de la ligne E est davantage à l'horizon 2017-2018.

RFF n'a pas de compétence particulière pour la mise en place du système automatique prévu pour le Grand Paris. Mais il apparaît essentiel de réfléchir en amont sur les connexions entre la « boucle » qui sera proposée et les réseaux existants, sur l'implantation des gares et sur l'articulation du projet avec la rénovation de l'existant. Le secteur de la Défense est à cet égard un bon exemple.

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