Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Bernard Kouchner

Réunion du 13 octobre 2009 à 17h15
Commission des affaires étrangères

Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes :

La mission « Action extérieure de l'État » recouvre quatre éléments. Premièrement, les moyens du réseau diplomatique, consulaire et de l'action culturelle dans les pays développés. Deuxièmement, les contributions internationales de la France au système des Nations unies et aux organisations européennes. Troisièmement, les crédits en faveur des Français à l'étranger – bourses, action sociale – et ceux de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). Enfin, les moyens de notre diplomatie d'influence à destination des pays de l'OCDE, le reste des crédits de coopération culturelle relevant de la mission interministérielle «Aide publique au développement ». Les crédits de cette mission seront examinés en commission élargie le 10 novembre.

Je commencerai par un motif de satisfaction : le projet de budget pour 2010 du ministère des affaires étrangères et européennes est en augmentation. Avec 4,9 milliards d'euros, contre 4,6 en 2009, il est en progression de 11 % en crédits d'engagement et de 7 % en crédits de paiement. Dans un contexte budgétaire très difficile, nous nous sommes efforcés de concilier la rigueur et les grandes priorités diplomatiques, en n'obérant en rien les capacités d'action de la France à l'étranger.

Ce budget volontariste est à la fois un budget d'engagement et un budget de réforme.

C'est tout d'abord un budget d'engagement, dont la progression reflète les priorités de notre diplomatie, qui demeure universelle.

Première priorité : le soutien au multilatéralisme et au système onusien. Les contributions aux organisations internationales s'élèvent à 393 millions d'euros. Elles vont à près de 70 organisations internationales – contre 140 en 2007, un recentrage ayant été opéré. Un effort accru de sincérité budgétaire se traduit par l'inscription de 50 millions d'euros supplémentaires pour les opérations de maintien de la paix, après les 40 millions supplémentaires déjà inscrits en 2009. La France souhaite que les barèmes de contribution, notamment à l'ONU, soient plus équitables et qu'ils reflètent le rôle croissant des pays émergents, tout en nous permettant de dégager un peu de marge de manoeuvre sur notre budget.

Deuxième priorité : le respect des engagements politiques pris au plus haut niveau de l'État, concernant notamment la gratuité de la scolarisation des élèves français à l'étranger, étendue à la classe de seconde.

Les moyens consacrés aux mécanismes de soutien à la scolarité progressent de 20 millions d'euros. Ils seront ainsi passés de 67 millions en 2008 à 106 millions en 2010 ; près de 30 000 élèves – sur 80 000 – bénéficient d'une aide à la scolarité, 9 500 au titre de la mesure de gratuité et 20 000 au titre des bourses.

Pour autant, je n'oublie pas le développement du réseau des lycées français, outil d'influence et source de rayonnement culturel incomparables. L'AEFE voit ainsi sa dotation progresser de 10 millions d'euros pour soutenir le formidable essor du réseau et l'afflux continu de nouveaux élèves.

Troisième priorité : l'action culturelle extérieure. Elle bénéficie d'une mesure exceptionnelle de 20 millions d'euros dans ce projet de loi de finances, mais ce sont 40 millions additionnels qui nous ont été accordés par le Premier ministre sur deux ans pour accompagner la réforme de notre dispositif.

Quatrième priorité : la sécurité. Un effort particulier va être consenti pour mettre à niveau les dispositifs de sécurité de nos ambassades, car l'État a le devoir de protéger ses agents. Dans un contexte international tourmenté, la sécurité des postes diplomatiques est une préoccupation majeure. La dotation 2010 s'élève à 15,5 millions d'euros, soit une augmentation de 50 % pour les dépenses d'équipement – sécurité passive – et la mise en oeuvre de moyens humains – sécurité active –, notamment dans les nouvelles zones de menace. Une trentaine de postes en bénéficieront.

Ce budget est en deuxième lieu un budget de réforme. Il traduit le souhait du ministère de s'inscrire dans l'effort global de maîtrise du train de vie de l'État et de modernisation de l'action publique, afin que chaque euro dépensé soit le plus utile possible.

J'ai déjà parlé, tout d'abord, de l'effort de sincérité budgétaire. Il se traduit non seulement par l'inscription de 50 millions supplémentaires pour les opérations de maintien de la paix, mais aussi par le réajustement des crédits de masse salariale, avec l'inscription de 10 millions supplémentaires.

S'agissant, ensuite, de la maîtrise du train de vie de l'État, nous poursuivons, comme la plupart des ministères, la diminution des effectifs et des moyens de fonctionnement, grâce à une réforme en profondeur du réseau diplomatique, consulaire, culturel et de coopération.

La modernisation de l'outil diplomatique dans toutes ses composantes permettra de rendre 255 emplois en 2010, soit une réduction de 2 % des effectifs du ministère. Ces efforts seront répartis entre l'administration centrale et l'étranger, où ils seront concentrés sur les grandes ambassades dites à « format d'exception » et les plus petites, c'est-à-dire les trente postes de présence diplomatique pour lesquelles un format-type à 10 postes équivalents temps plein (ETP) a été défini. Notre présence n'en reste pas moins universelle, et c'est l'atout de notre diplomatie. Le coeur du métier diplomatique – la veille politique, la protection des Français, la diplomatie d'influence – est préservé partout.

Je souligne que ce ministère est entré dans un processus de rationalisation de l'emploi public bien avant les autres, depuis maintenant près de quinze ans. Si nous poursuivons cet effort, il n'en est pas moins impératif de préserver pour l'avenir une capacité de redéploiement interne de nos effectifs, pour les personnels diplomatiques en particulier.

Nos moyens de fonctionnement, à Paris et dans les postes, diminuent aussi de 2 %.

Un mot sur la mise en oeuvre de la réforme du ministère. 2009 fut l'année de la réforme de notre administration centrale, celle aussi d'une opération immobilière majeure – l'installation des sites de La Courneuve et de Convention, que je vous invite à visiter – et exemplaire, puisqu'elle s'est faite à coût nul pour l'État. En 2010, nous allons en premier lieu poursuivre la réforme de nos opérateurs : transformation de l'opérateur culturel, création de l'opérateur pour la mobilité ; réaffirmation de notre tutelle politique et stratégique sur l'Agence française de développement. Nous allons d'autre part poursuivre la mutation stratégique du réseau, autour du principe général de renforcement de l'autorité de l'ambassadeur comme coordonnateur et animateur des services. Les mots d'ordre seront : regroupement, mutualisation et externalisation, au moins partielle, des fonctions support des services de l'État à l'étranger – achats, intendance, informatique, gestion immobilière – ; modernisation des services consulaires, avec l'extension de la biométrie sans ETP supplémentaire ; réorganisation de nos dispositifs de diplomatie d'influence.

Quelques remarques enfin sur notre politique d'action culturelle et nos crédits d'influence, au coeur de l'outil diplomatique. L'an dernier, je faisais devant vous le constat très regrettable de leur effondrement. Au sein du programme Rayonnement culturel et scientifique, les crédits de diplomatie d'influence à destination des pays de la zone OCDE (hors crédits de l'AEFE) avaient enregistré jusqu'à 20 % de baisse. Cette année, les dotations seront stabilisées – autour de 80 millions d'euros – sur le programme budgétaire 185, et en progression si l'on inclut les crédits de la mission « Aide publique au développement » – 177 millions, soit + 4 % sur le programme 209.

La crise des moyens aura permis de révéler une crise de sens de notre politique, un doute sur les structures, les hommes et les outils. Ce fut le point de départ d'une réflexion approfondie sur la modernisation de notre dispositif. J'aurai l'occasion de vous présenter les conclusions de cette réflexion très prochainement, lors du débat sur le projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État. Mon objectif est de mettre en place un dispositif plus efficace et plus cohérent. Cela suppose en particulier une tutelle renforcée du ministère des affaires étrangères et un lien rénové entre son agence d'influence et le réseau d'établissements à l'étranger.

Je terminerai par quelques points qui nécessitent une vigilance particulière.

Le premier est la gestion immobilière du ministère, qui doit concilier des impératifs de prestige et des problèmes récurrents de trésorerie.

A l'étranger, la réflexion sur un opérateur immobilier progresse, mais je souhaite que nous puissions préserver, dans le choix de nos implantations, la double dimension de prestige et de sécurité.

En France, il nous faut achever l'opération de regroupement. Le 37, Quai d'Orsay restera le coeur et l'emblème de la diplomatie française. Au terme de sa rénovation, estimée à 70 millions d'euros à l'horizon 2012-2013, la capacité d'accueil des bureaux devrait être portée à 1300 agents au lieu de 900 aujourd'hui, et le site entièrement modernisé. Le ministère des affaires étrangères et européennes pourra définitivement libérer ses implantations résiduelles, notamment boulevard des Invalides.

Deuxième sujet de préoccupation : l'action sociale. Sa dotation budgétaire passe de 19 à 17,5 millions d'euros. Il nous faut donc trouver des marges de manoeuvre, afin de maintenir au mieux notre effort de solidarité vis-à-vis de nos ressortissants les plus démunis à l'étranger. Dans cette perspective, nous devons en particulier mettre à profit les progrès de la citoyenneté européenne et le principe de non-discrimination en matière d'action sociale au bénéfice de nos compatriotes résidant dans les pays de l'Union européenne. Nos postes consulaires veilleront, en application de ce principe, à ce que nos ressortissants puissent accéder pleinement aux mécanismes de protection sociale de leur pays de résidence.

Enfin, bien que l'aide publique au développement (APD) ne relève pas de la mission « Action extérieure de l'État », je veux souligner l'effort consenti en ce domaine, notamment dans un cadre bilatéral au titre de l'aide projet, en particulier pour l'aide civile à l'Afghanistan et au Pakistan – avec 50 millions d'euros par an, la France est au sixième rang des contributeurs.

Pour atteindre l'objectif d'une APD à 0,7 % du PIB, il nous faudra être inventifs. C'est ainsi que j'ai proposé à nos partenaires internationaux une contribution sur les transactions financières. Au taux de 0,005 %, soit un prélèvement de 5 centimes sur une transaction de 1 000 euros, elle permettrait déjà de lever 30 milliards d'euros par an.

Dans ce contexte, votre aide et votre relais sont plus que jamais indispensables. Nous avons besoin de vous pour préserver le formidable outil que constitue notre réseau de lycées français à l'étranger, et à travers lui l'AEFE, et pour consolider le double objectif de soutien aux élèves français et de développement et modernisation du réseau. Surtout, nous avons besoin de votre confiance pour mener à bien la réforme. Nous nous retrouverons prochainement, je l'espère, pour débattre du projet de loi relatif à l'action extérieure.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion