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Intervention de Roland Blum

Réunion du 20 octobre 2009 à 11h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Blum, Rapporteur pour avis :

Cet après-midi même à Strasbourg, le Parlement européen va débattre du budget de l'Union européenne pour 2010. Et jeudi matin, après-demain, aura lieu le vote en séance plénière sur ce budget, soit le même jour que notre propre vote sur le prélèvement européen. Il y a là sans doute un rapprochement intéressant, mais j'y vois surtout une explication de la difficulté devant laquelle se trouve le Gouvernement lorsqu'il s'agit d'évaluer le montant du prélèvement sur les recettes de l'État au profit du budget des Communautés européennes. Car de la fin de la procédure budgétaire et de l'issue du dialogue entre le Conseil et le Parlement européen dépendra en partie le montant exact des contributions nationales qui seront appelées et par conséquent, le montant de notre quote-part. C'est donc avec raison que le document jaune annexé, comme chaque année, au projet de loi de finances, souligne prudemment les aléas de la prévision. Le Rapporteur général de la Commission des finances insiste lui aussi sur ce point dans son rapport écrit, et il a d'autant plus de raisons de le faire que le prélèvement européen est, depuis 2008, intégré dans la norme de dépenses de l'État qu'il s'agit de maintenir sous contrôle. J'ajoute que l'année 2009 a vu intervenir, en mars, l'effet rétroactif d'une mesure de recettes prise en 2007, tandis qu'en 2010, le périmètre des ressources prises en compte va diminuer.

Vous conviendrez avec moi, je l'espère, qu'une réforme du budget communautaire, dans le sens d'une simplification, serait bienvenue. C'est précisément ce que j'appelais de mes voeux dans mon rapport d'information paru au début de l'année. C'était aussi la promesse que contenait la « clause de rendez-vous » adoptée par les États membres en 2005, lorsque mandat a été donné à la Commission européenne de préparer une vaste consultation en vue de la réforme du budget. Nous arrivons à mi-parcours des perspectives financières 2007-2013 et aucun réexamen en profondeur n'a encore eu lieu. Pourtant, le souhait d'une réforme est largement partagé et par ailleurs, la prochaine entrée en vigueur du Traité de Lisbonne amplifiera encore le besoin d'une réforme du cadre financier pluriannuel. Je mentionne dans mon rapport écrit les principaux changements de procédure auxquels nous devons nous préparer avec Lisbonne ; en particulier, les pouvoirs budgétaires du Parlement européen seront renforcés.

Mais en dépit de ces difficultés inhérentes à toute prévision, il est possible d'évaluer la participation du budget de la France au quatrième budget des perspectives financières qui couvrent la période 2007-2013. Cette participation est en hausse tendancielle depuis le début des années 1980, et elle devrait s'établir l'an prochain à 18,2 milliards d'euros à périmètre courant, ou bien à 19,5 milliards d'euros à périmètre constant.

Quant au budget européen global pour 2010, je viens de dire qu'il était actuellement en débat au Parlement européen. À la fin du mois d'avril dernier, la Commission a publié son avant-projet de budget, avoisinant 138,6 milliards d'euros en crédits d'engagement, soit 1,18 % du revenu national brut de l'Union européenne. Traditionnellement plus restrictif, le Conseil ECOFIN budget a réduit le projet de budget d'un peu plus de 600 millions d'euros. À l'inverse, et là aussi de façon habituelle avant la négociation finale, le Parlement européen devrait sensiblement relever le plafond des crédits d'engagement, à 141,7 milliards d'euros.

La dégradation, elle aussi tendancielle, du solde net de la France, c'est-à-dire du rapport entre notre contribution au budget communautaire et le total des fonds reçus du budget de l'Union, s'est poursuivie en 2008, dernier exercice clos. Et elle se poursuivra encore mécaniquement sous l'effet de la montée en charge des dépenses liées à l'élargissement et de la modération des aides agricoles. Fort heureusement, la notion de solde net ne résume pas, tant s'en faut, tout ce qu'un pays comme la France retire de son appartenance à l'Union européenne, à la zone euro et à l'espace Schengen.

Cela est si vrai qu'il se trouve encore un certain nombre de pays pour poser une candidature à l'entrée dans l'Union européenne. Je veux parler ici de l'Islande, qui comme vous le savez a fait officiellement acte de candidature le 16 juillet dernier, après un vote de son Parlement en ce sens. Le Conseil a accepté cette candidature dès le 27 juillet et le volumineux questionnaire de la Commission destiné à permettre à celle-ci de se forger une opinion sur l'aptitude du pays à entamer les négociations d'adhésion a été remis au gouvernement islandais le 8 septembre.

M'étant moi-même rendu à Reykjavik la semaine dernière – après un crochet par Bruxelles –, je dois dire que j'en suis revenu avec des sentiments mêlés. L'Islande est à la fois farouchement indépendante et manifestement européenne : elle a adhéré dès 1950 au Conseil de l'Europe, dès 1970 à l'AELE, à l'Espace économique européen dès sa création en 1994, et à la Convention de Schengen fin 1996. Elle aurait déjà adopté l'euro si elle avait pu le faire après le véritable traumatisme qu'a représenté l'effondrement de l'ensemble de son système bancaire il y a un an.

On dira naturellement : mais que n'a-t-elle demandé son adhésion plus tôt ? Je répondrai en renvoyant à l'exemple d'une autre île, l'Irlande, dont le peuple a peut-être mieux compris où était son intérêt à la lumière de la crise économique et financière. Arrimée à l'Europe par bien des aspects, l'Islande aurait déjà, selon les estimations, repris les deux tiers, sinon les trois quarts de l'acquis communautaire. Et à dire vrai, il ne fait guère de doute que sa candidature sera acceptée, la seule question en suspens étant de savoir si cela pourra se faire, comme le souhaite tant la présidence suédoise, avant la fin de l'année 2009 ou non. Il a été répondu aux quelque 2 500 questions de la Commission dans des délais record, de six semaines environ. J'ai pu constater à quel point l'administration islandaise était investie dans cette candidature. En particulier, le ministère des Affaires étrangères a largement remanié son organigramme dans cette seule perspective.

Mais les difficultés sont ailleurs. Tout d'abord dans un certain nombre de points que la négociation d'adhésion devra aborder et qui ne sont pas traités dans le cadre de l'Espace économique européen. Je pense en premier lieu à la pêche. Cette activité représente une part importante de l'économie islandaise, de l'ordre de 10 à 15 % du PIB à l'heure actuelle du fait de l'effondrement du secteur financier, mais elle « pèse » aussi un quart des exportations du pays. En outre, à la fois dans le contexte de crise et pour des raisons historiques, la pêche est vue comme un véritable élément patrimonial, voire sentimental − le mot a été prononcé devant moi − pour les Islandais.

La pêche est-elle pour autant un obstacle insurmontable sur la voie de l'adhésion islandaise ? Je n'en suis pas persuadé. En effet, il est justement du ressort de la négociation d'arriver à trouver un terrain d'entente sur les dossiers difficiles. Ensuite, deux éléments propres à la politique commune de la pêche sont de nature à tempérer toute crainte excessive. D'une part, il existe dans le cadre de l'actuelle politique commune de la pêche un principe dit de « stabilité relative », qui permet de prendre en compte les traditions de pêche dans telle ou telle zone et de prémunir ainsi l'Islande, dans une certaine mesure, contre l'arrivée massive dans ses zones de pêche de chalutiers des autres États membres. D'autre part, une profonde réforme de la politique commune de la pêche est en cours. Après la parution d'un livre vert en avril dernier, la Commission recueille jusqu'au 31 décembre 2009 les avis de toutes les parties intéressées. Après quoi elle produira au premier semestre de 2010 une synthèse de cette consultation en vue de préparer un nouveau règlement. Il y a donc bien « du grain à moudre » dans la négociation avec l'Islande sur ce thème. Qui sait si le système islandais de quotas de pêche individuels et cessibles ne peut pas faire école à l'échelle de l'Union ou de certaines de ses zones maritimes ?

Parmi les autres sujets à négocier, je voudrais mentionner la politique agricole commune et la politique de l'énergie. Sous réserve de sa réforme en vue de l'après-2013, la PAC devrait permettre à l'Islande, une fois devenue État membre, de percevoir des aides substantielles liées à son climat difficile, à l'instar des autres pays nordiques membres de l'Union. Mais le secteur de l'agriculture étant encore très protégé, la négociation d'adhésion sur ce thème sera délicate. Quant à la politique de l'énergie, qui devrait se développer une fois le Traité de Lisbonne en vigueur, elle pourra constituer un point fort de l'Islande. En effet, ses capacités de géothermie et son savoir-faire en matière d'énergies renouvelables seront précieux pour l'ensemble des États membres.

En résumé, l'Islande a de nombreux atouts à faire valoir dans le cadre de sa candidature et même les points apparemment les plus délicats doivent pouvoir trouver un règlement satisfaisant à la faveur des négociations. Les partisans de l'adhésion ont même trouvé un slogan empreint d'une modestie de bon aloi : conscients des critiques que pourrait susciter la revendication d'une procédure accélérée, ils demandent, pour leur candidature, non pas un coupe-file mais un traitement équitable. Excusez-moi si le slogan sonne un peu mieux en anglais : « No fast track but a fair track ».

J'en arrive au point le plus sensible, dont on n'a pas vraiment conscience vu de Paris. Si les Islandais s'attachent à demander un traitement équitable, c'est à cause du blocage que représente l'affaire Icesave, un dossier dont ils ont l'impression qu'il obère à l'heure actuelle l'ensemble de leurs relations avec l'Europe, y compris leurs voisins nordiques, mais aussi avec le FMI. De quoi s'agit-il ? D'une banque en ligne, filiale au Royaume-Uni et aux Pays-Bas d'un établissement islandais dont la cessation de paiement a provoqué de très vives réactions, en particulier de la part des autorités britanniques. Ces dernières ont en effet usé de lois anti-terroristes conçues après le 11-Septembre pour geler des avoirs et obtenir des remboursements de créances. Les accords conclus entre les trois gouvernements concernés pour régler cette affaire ont été soumis au Parlement islandais qui souhaite les amender. Tant que ce dossier n'aura pas trouvé d'issue, tous les prêts internationaux dont l'Islande a besoin pour redresser son économie sont suspendus.

On comprend, dans ces conditions, que la classe politique et l'opinion islandaises nourrissent une certaine rancoeur contre ce qu'ils perçoivent comme une injustice. Ajoutez en toile de fond les enquêtes parlementaire et judiciaire destinées à faire la lumière sur d'éventuelles malversations dans le secteur financier avant la crise et vous aurez une perception assez fidèle de l'état de flottement dans lequel se trouve le pays à l'heure actuelle.

Mais si ce dossier délicat est réglé à brève échéance, alors on peut envisager un calendrier d'adhésion plutôt rapide : une opinion favorable de la Commission en janvier ou février prochain ; l'octroi du statut de pays candidat au Conseil européen de mars ; une négociation chapitre par chapitre d'une durée d'un an à un an et demi ; une ratification du Traité d'adhésion par l'ensemble des autres États membres qui peut prendre un an. Dans cette hypothèse, l'adhésion de l'Islande pourrait intervenir en 2012 ou 2013… à supposer bien sûr que le peuple islandais le veuille lui-même. Un « scénario à la norvégienne », c'est-à-dire celui d'une adhésion rejetée en bout de course par référendum, est toujours possible en effet.

Je vous remercie de votre attention et je vous invite à donner un avis favorable à l'article 33 du projet de loi de finances pour 2010 évaluant le prélèvement européen.

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