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Intervention de Brice Lalonde

Réunion du 14 octobre 2009 à 10h00
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Brice Lalonde, ambassadeur chargé des négociations sur le changement climatique :

Sur la question financière, se confrontent d'une part une demande politique de dommages et intérêts, formulée par une partie des pays du G 77, et une logique de financement des projets. A cet égard, il faut aider les pays en développement à se développer de manière « propre », mais ce qui relève de l'adaptation au changement climatique doit être distingué de l'investissement économique normal.

La discussion sur le financement porte à la fois sur la source de financement, sur le choix de la gouvernance et sur la destination de l'argent. Concernant la source, la France est pour la proposition mexicaine de contributions nationales, l'Union européenne également, mais le Brésil et la Chine, pour le moment, se disent contre au motif qu'ils font partie des pays en développement. La faiblesse du système est qu'il repose sur des votes annuels des Parlements, ce qui peut entraîner des variations de montant d'une année sur l'autre. La France réfléchit donc à des systèmes innovants, et en particulier à une taxe sur les transactions financières internationales. La Suisse propose pour sa part une taxe sur le baril de pétrole ou sur les émissions de gaz à effet de serre. On peut également envisager de taxer le transport – comme le fait notamment la France avec la taxe sur les billets d'avion destinée à lutter contre les pandémies –, mais il faudrait alors faire en sorte de ne pas pénaliser les petites îles.

Il n'y a pas de la part de la France de « stratégie de la dernière nuit », puisque le président Sarkozy a proposé la tenue d'un sommet avant Copenhague. S'agissant du financement, il s'agirait plutôt de nous mettre d'accord sur des mécanismes et des principes. La nécessité d'aboutir apparaît d'autant plus évidente que l'angoisse monte un peu partout : l'Inde, longtemps réticente à prendre des dispositions, craint maintenant le développement des inondations et le déplacement de la mousson ; la Chine craint de perdre 10 % de sa production alimentaire à cause du changement climatique.

Concernant le transport aérien, il est prévu – la discussion vient de commencer à Bangkok – de demander à l'Organisation maritime internationale et à l'Association internationale du transport aérien de réduire leurs émissions, en leur laissant la responsabilité des moyens pour le faire. L'idée générale est de donner un prix au carbone, ce qui revient simplement à dire qu'il est anormal de ne pas pénaliser l'usage de l'atmosphère ; cette pénalisation rend les investissements dans les énergies alternatives plus rentables. La première solution est d'instituer une taxe, la seconde est de fixer un plafond, abaissé d'année en année – c'est le système des marchés du carbone, où les quotas d'émission peuvent s'échanger. Ces marchés – qui fonctionnent bien, monsieur Cochet – existent au niveau des États et au niveau des entreprises. Les États-Unis s'apprêtent à en créer un, le Japon aussi, l'Australie également, certains États américains en ont déjà créé avec le Québec. A terme, il faudrait relier l'ensemble de ces marchés pour aboutir à un marché international.

La question de la forêt est complexe, les moteurs de la déforestation n'étant pas les mêmes d'un pays à l'autre. L'idée générale est de rentabiliser la forêt sur pied, en faisant en sorte qu'il soit financièrement plus avantageux de la garder que de la détruire pour la remplacer par autre chose. La discussion, qui a des aspects très techniques, est en cours. Il s'agirait de rétribuer les pays en développement qui conservent leur forêt.

J'en viens à la création d'une organisation mondiale de l'environnement, que la France réclame depuis longtemps. Pour l'instant, nous avons un dispositif émietté, avec des secrétariats dans diverses villes du monde ; l'idéal serait évidemment de tout regrouper. De plus, si une organisation unique était mise en place, à l'instar de l'OMC, il serait bon de lui donner des pouvoirs de contrôle. Mais pour l'instant, les pays en développement ont peur car ils craignent d'être freinés dans le développement de leur économie. Nous devons montrer que nous pouvons aider les pays les moins avancés à avoir accès à l'énergie.

Je ne suis évidemment pas dans le secret de la négociation entre les présidents Hu Jintao et Obama. On peut dire cependant qu'il y a une sorte d'accord tacite entre la Chine et les États-Unis pour ne pas se soumettre à des contraintes internationales. Néanmoins je pense que ces deux pays ne formeront pas un « G2 » : la Chine tient trop à son rôle de porte-parole du G 77.

Certains aspects de la négociation échappent aux négociateurs climat et renvoient à la géopolitique, donc à la discussion entre chefs d'État. La Russie a ainsi ratifié le protocole de Kyoto, lui permettant d'entrer en application, en échange de son entrée à l'OMC.

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