Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Marguerite Lamour

Réunion du 14 octobre 2009 à 11h45
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarguerite Lamour, rapporteure :

L'évolution des ressources humaines sera délicate à gérer, près de 6 000 emplois devant être supprimés d'ici à 2015. Or, le format actuel de la marine résulte déjà d'un grand effort de rationalisation engagé depuis plusieurs années et vous devez, pour préserver la capacité opérationnelle des forces, renouveler sans cesse de très petits effectifs, dotés de compétences rares et très spécifiques, faisant l'objet d'une forte évasion vers le secteur civil.

Dans ce contexte, pensez-vous que vous pourrez tenir les objectifs annuels de réduction des emplois militaires qui vous sont fixés ? Ne serait-il pas plus raisonnable de vous laisser fixer le calendrier de déflation des effectifs ?

La LPM renvoie l'essentiel de la modernisation des équipements de la marine, quels que soit le degré d'urgence, à une seconde phase de programmation, comprise entre 2015 et 2020. En outre, le ralentissement du rythme de production des programmes en cours, tels que les FREMM et les sous-marins nucléaires d'attaque, retardera d'autant les délais de livraison. Cet étalement des dates de livraison ne risque-t-il pas de susciter des ruptures capacitaires temporaires ainsi que des réductions de format préjudiciables aux missions de la marine ?

La LPM renvoie à 2011-2012 la décision de construire un second porte-avions. Nous sommes nombreux ici à considérer que la France ne peut pas faire l'impasse sur ce programme. Reste à savoir de quelle façon nous nous doterons de ce second porte-avions. Mettra-t-on à profit la période actuelle pour reprendre la réflexion sur le mode de propulsion ? Fait-on travailler les industriels sur les solutions techniques les plus économiques et les plus rapides ? Serait-il imaginable de disposer d'un bâtiment pour la prochaine IPER du Charles-de-Gaulle, qui devrait finalement avoir lieu en 2016 ou 2017 ?

Le Grenelle de la mer aidant, le démantèlement des bateaux, sujet sur lequel j'ai eu l'occasion de rédiger un rapport d'information en 2007 lors de l'affaire du Clemenceau, prend une importance croissante, et c'est heureux. Quels moyens la marine compte-t-elle consacrer à cette activité ? Ne pourrions-nous pas envisager un travail commun avec la filière civile, à l'échelle européenne ?

Amiral Pierre-François Forissier. Nous gérons effectivement des micro-flux de micro-populations extrêmement spécialisés. C'est pourquoi, dans la « manoeuvre RH » de la marine, le quantitatif passe après le qualitatif. Mais la question n'est pas de savoir si nous devons annualiser ou globaliser la réduction des effectifs : nous devrons de toute façon remplir nos objectifs. Se fixer un objectif annuel permet de savoir où on en est. Nous serons peut-être en avance certaines années et en retard à d'autres moments, mais l'objectif est d'être sur la bonne pente, avec pour horizon l'année 2015.

J'ajoute que nous sommes engagés dans la réduction des équipages embarqués depuis très longtemps : l'équipage d'une frégate anti-sous-marine à vapeur était de 350 personnes, contre 108 pour une frégate FREMM. Grâce à de tels changements, fruits de vingt années d'études, nous devrions parvenir à réduire les équipages en préservant leur qualité. La manoeuvre est certes délicate, mais il semble possible de réaliser notre objectif tout en préservant nos forces opérationnelles dans des conditions satisfaisantes.

La marine risque effectivement d'être confrontée à des contraintes de capacités dans les années à venir. Je vous donne un exemple. Le Rubis, qui aurait dû être désarmé cette année, va devoir être maintenu en service entre huit et neuf années supplémentaires, ce qui n'est pas négligeable pour un sous-marin nucléaire. Nous essayons d'exploiter toutes les marges de manoeuvre possibles, dans les limites du raisonnable, mais l'on ne peut pas exclure des réductions temporaires de capacités dans les dix ou douze prochaines années. De façon transitoire, nous pourrions disposer de cinq SNA au lieu des six dont nous avons absolument besoin, et notre parc de 18 frégates pourrait temporairement se réduire à 16 bâtiments. Il faudra bien que nous gérions cette situation.

Cela étant, ce ne sera pas la première fois que nous subirons des crises de cette nature : le taux de disponibilité était par exemple très mauvais à la fin des années 90. Pour respecter notre contrat, nous devrons faire en sorte que le nombre de bateaux disponibles augmente, de même que la capacité de nos équipages, mesurée en jours de mer. Ce qui compte, ce n'est pas le nombre de bateaux en parc, mais celui des bateaux disponibles. La situation ne sera pas facile tous les jours, mais il n'y a pas de raison de renoncer.

Les incidents que nous avons connus cette année démontrent, s'il en était besoin, la nécessité d'un second porte-avions, sujet sur lequel nous ne sommes plus liés aux Britanniques. Nous travaillons avec les industriels pour définir des solutions aussi économiques innovantes et efficaces que possible en raisonnant en coûts complets pendant toute la durée de vie du bateau. Nous verrons si la propulsion nucléaire constitue une solution réalisable dans des conditions économiques satisfaisantes. Lorsque l'heure du choix sera venue, nous présenterons les choix envisageables à coûts efficacité convenables au Président de la République.

Grâce à la triste affaire du Clemenceau, nous avons maintenant acquis une bonne maîtrise de la question de la déconstruction, que nous avions, je dois l'avouer, sous-estimée. Notre objectif est de mettre à la disposition du monde industriel français notre retour d'expérience et de faire mieux la prochaine fois. Il reste que la marine n'a pas vocation à se transformer en déconstructeur de navires. Nous attendons donc que les industriels fassent des propositions. Il serait naturellement souhaitable que la déconstruction coûte le moins cher possible à l'État, voire rien du tout, ce qui n'est pas absurde compte tenu de la valeur des matériaux à bord des bateaux. Comme nous ne sommes plus dans une phase d'appel d'offres, nous avons entamé avec les industriels des discussions qui faciliteront le partage des retours d'expérience et aideront nos partenaires à nous faire des propositions économiquement intéressantes.

Je dois préciser que la déconstruction des sous-marins nucléaires est un cas particulier et complexe, justifiant un traitement spécifique. Pour cela, nous avons du temps devant nous, car les bâtiments peuvent être stockés de façon satisfaisante. Jusqu'à présent, la déconstruction était impossible, car elle aurait donné accès à des informations sensibles, les systèmes d'armes embarqués étant encore en service sur d'autres unités. La mise en oeuvre du M 51 nous permet maintenant de réfléchir à un calendrier de déconstruction des sous-marins de la génération précédente.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion