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Intervention de Étienne Pinte

Réunion du 16 octobre 2009 à 9h30
Délimitation des circonscriptions des députés — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉtienne Pinte :

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, pour la quatrième fois, la représentativité du peuple français sera peut-être modifiée. Trop c'est trop ! Il y a des limites à la crédibilité d'un mode de scrutin et à l'aire géographique d'une circonscription.

Vous avez réuni les parlementaires pour les informer de vos propositions, et je vous ai alors exprimé mes très vives réticences sur le redécoupage de la première circonscription des Yvelines. Vous nous aviez promis que, dans le cadre de la procédure de concertation engagée, vous réuniriez une nouvelle fois les parlementaires, en particulier ceux qui avaient émis des réserves. J'attends toujours ce rendez-vous. Par lettre en date du 10 juin dernier, je vous confirmais mon opposition à vos propositions. J'attends toujours une réponse écrite.

La révision de la carte électorale étant prévue, il était normal que soient prises en considération les évolutions démographiques dans la représentativité de nos concitoyens à l'Assemblée nationale. Mais une telle opération ne doit pas être seulement le fruit d'une analyse comptable et géographique. Encore faut-il, sur le plan géographique, tenir compte de la continuité territoriale, ce qui malheureusement n'est pas toujours le cas.

Il y a également lieu d'intégrer les évolutions sociologiques, c'est-à-dire l'aspect qualitatif d'une éventuelle modification du territoire que nous représentons. Vous avez fait fi des équilibres sociaux de nos circonscriptions, ou en tout cas de certaines d'entre elles. Vous ne vous êtes pas attaché à la mixité des populations et à leur diversité. Vous avez oublié qu'un territoire doit être une harmonie entre des hommes et des femmes amenés à vivre ensemble, et si possible à bien vivre ensemble. Votre projet, malheureusement, ne procède pas de cette éthique, de cette philosophie, de cette démarche. Vous jouez, me semble-t-il, aux apprentis sorciers. C'est la première raison pour laquelle je ne pourrai pas, en l'état, voter votre texte.

Quant à la représentation de nos concitoyens demeurant à l'étranger, je ne vous cache pas que je ne suis pas du tout favorable à la création de onze députés, même si les principaux candidats à la dernière élection présidentielle l'ont inscrit dans leurs programmes. Ce n'est pas parce que le Sénat recèle en son sein des sénateurs de l'étranger que nous devions faire la même chose.

Je le dis avec d'autant plus de liberté que j'ai moi-même été Français de l'étranger. Et j'étais très satisfait que certains puissent voter dans leur commune de naissance, comme cela se pratique d'ailleurs aujourd'hui au Liban, ou dans leur commune de résidence en France, ce qui était mon cas à l'époque où j'habitais le Japon.

Vous avez décidé qu'il y aurait onze députés représentant les Français de l'étranger, en fonction de leur inscription sur les registres consulaires au 1er janvier 2006. Vous vous êtes ainsi basé sur environ 1,4 million de personnes, alors que plus de deux millions de nos compatriotes vivraient à l'étranger. Qu'avez-vous prévu pour tous ceux qui souhaiteraient voter sans être enregistrés systématiquement dans nos consulats ?

Il faut en tout cas, me semble-t-il, laisser le choix à nos compatriotes de voter pour un candidat qui se présente dans la commune où ils sont domiciliés en France. Il faut offrir à nos enfants expatriés – j'en ai – la possibilité de voter dans la commune où ils sont domiciliés ; il s'agit très souvent de la commune où vivent leurs parents.

Et pourquoi avoir choisi l'enregistrement au 1er janvier 2006 alors que, pour tous nos autres concitoyens, vous vous référez au recensement de 1999 ? Pourquoi ne pas avoir actualisé vos chiffres avec les recensements annuels qui ont été effectués depuis lors ? Il y aura deux catégories de députés, tous n'auront pas la même représentativité, et l'égalité de traitement entre les uns et les autres ne sera pas respectée, ce qui, me semble-t-il, est contraire à notre Constitution.

Enfin, je me suis intéressé aux pratiques de nos partenaires de l'Union européenne, et quelle ne fut pas ma surprise de constater que seuls deux autres pays européens, le Portugal et l'Italie, prévoyaient pour leurs citoyens de l'étranger une représentation parlementaire spécifique ! Il est d'ailleurs curieux que, lorsque cela nous arrange, nous fassions référence aux exemples de nos partenaires européens et que, quand cela peut nous gêner, nous les oubliions ; même notre rapporteur n'en fait pas état dans son rapport.

J'ajouterai que, dans un récent sondage de la RAI International, il apparaît que plus de 45 % des personnes de nationalité italienne interrogées pensent que le vote à l'étranger n'est pas une expérience positive. Je crois que nous devrions méditer cette réalité.

J'aurais préféré que nos concitoyens de la Lozère et de la Creuse puissent conserver deux représentants à l'Assemblée nationale, comme vous l'avez d'ailleurs vous-même souhaité, monsieur le secrétaire d'État.

Vous nous annoncez une réforme de la Constitution d'ici à 2012 pour remédier à l'anomalie de votre projet, mais je ne vois pas très bien comment revenir sur vos propositions d'aujourd'hui, puisque la Constitution a enfermé le nombre de députés à 577. Cela voudrait-il dire que l'on passerait alors à 579 députés ? Ou bien serions-nous obligés de revenir sur l'ordonnance d'aujourd'hui et de supprimer deux circonscriptions ? Mais alors lesquelles ? Qui va se faire hara-kiri, ou plutôt seppuku, comme on le dit dans le pays où j'ai vécu ?

Pour toutes ces raisons, monsieur le secrétaire d'État, je ne pourrai malheureusement pas voter votre texte en l'état. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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