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Intervention de Gilbert Mathon

Réunion du 16 octobre 2009 à 9h30
Délimitation des circonscriptions des députés — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilbert Mathon :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Conseil constitutionnel impose une nouvelle répartition des sièges et des limitations des circonscriptions pour l'élection des députés, devenues nécessaires, puisque figées depuis 1986. Il n'est donc aucunement question de remettre en cause le passage de six à cinq circonscriptions dans le département de la Somme, sa population ayant stagné depuis la dernière révision, sans suivre la progression nationale.

Dans ce département, lors des élections législatives de 2007, 107 voix seulement, soit moins de une pour mille séparaient la droite de la gauche au second tour avec cependant déjà comme résultat l'élection de quatre députés de droite sur six. Dans l'hypothèse où l'ordonnance serait ratifiée en l'état, la projection de ces mêmes résultats de 2007 mènerait à l'élection de quatre députés de droite sur cinq, avec – je le rappelle – un nombre de voix obtenu quasiment identique, et ce dans un département où le conseil général ainsi que les grandes villes comme Amiens, Abbeville et Péronne sont détenus par la gauche.

L'anomalie démocratique préexistante depuis 1986 est donc amplifiée par la création d'un bouclier électoral obtenu par un véritable tripatouillage, choquant au point que tous les médias nationaux se sont emparés du dossier. Selon l'avis même de la commission Guéna, « le découpage proposé fait apparaître une géographie d'une grande complexité ». À lui seul, le choix de supprimer une circonscription de taille moyenne – je ne dirai pas la mienne, mais celle dont je suis l'élu – alors que d'autres étaient bien moins peuplées, ce choix peut déjà porter à contestation.

Toute la population, tous les analystes ont perçu que le but ultime de l'opération consistait à figer à tout jamais la situation actuelle et à réduire au maximum le risque d'alternance politique en confortant les cinq sortants : quatre de droite et un de gauche.

Le travail de dentelle du dépeceur a abouti à la création d'une circonscription atypique, la première, qui englobe la moitié d'Amiens, première ville du département, et Abbeville, deuxième ville, dans sa totalité. La majeure partie des populations du département situées en zone urbaine sensible se retrouverait dans cette première circonscription, qui concentrerait également 70 % du parc de logements sociaux et les populations les plus touchées par les problèmes d'emploi et dont les conditions sociales sont les plus difficiles de la Somme. Goodyear, Valeo, Vénilia, Sièges de France, entreprises disparues ou en grande difficulté, sont connues de tous.

Cette circonscription, qualifiée de pur chef-d'oeuvre par un hebdomadaire du mercredi, est aussi un non-sens, une aberration géographique, historique, sociologique, institutionnelle, culturelle, économique, administrative territoriale et politique. La ville d'Abbeville, chef-lieu d'arrondissement au coeur du pays des trois vallées et d'un futur parc naturel régional, capitale de la Picardie maritime, porte d'entrée de la Baie de Somme, l'une des plus belles baies du monde, se retrouverait ainsi coupée de tous ces territoires, dans une situation de dépendance et quasiment annexée par la capitale amiénoise. Le futur député serait ainsi celui des deux plus grandes villes du département, situées à 45 kilomètres l'une de l'autre, comptant respectivement 130 000 et 25 000 habitants. C'est une incohérence totale.

Abbeville et sa région ont déjà perdu la Banque de France, le tribunal de grande instance, et des menaces pèsent sur l'hôpital et la sous-préfecture. La population n'admet pas ce charcutage qui aboutirait à la suppression de sa circonscription et à la disparition de son député. Il n'est pas incongru de dire qu'elle pense que c'est encore un peu de service public qui disparaît dans la continuité des attaques subies depuis quelques années. Aussi a-t-elle réagi, en se mobilisant, en signant en force une pétition dénonçant le projet. Près d'un millier de signatures ont déjà été collectées. De même, de nombreux conseils municipaux ont voté, très souvent à l'unanimité, et quelle que soit leur majorité politique, une motion demandant le retrait de la proposition.

La population unanime est scandalisée par ce tripatouillage partisan, ce bidouillage dont elle perçoit bien l'objectif. Il y a trop de cohérence dans l'acharnement destructeur contre la deuxième ville du département, pour qu'elle ne s'interroge pas sur le point de savoir qui en veut à ce point à Abbeville.

Et que dire de la future quatrième circonscription aux formes si étranges, si particulières, aux frontières acrobatiques, sans cohérence, avec une continuité territoriale limite, qui prend en tenaille trois autres circonscriptions et dont le seul objet est de conforter le député actuel par l'adjonction de trois cantons de droite ?

Même constat pour la troisième future circonscription qui s'agrandit de deux cantons de droite supplémentaires. Non, la géographie très complexe du redécoupage prévu dans le projet d'ordonnance n'est en rien justifiée par la recherche de l'équilibre géographique entre les cinq circonscriptions du département. Les résultats électoraux des cantons en cause ne laissent pas de doute sur la motivation de ces choix géographiques incohérents.

Monsieur le secrétaire d'État, seuls des objectifs politiques évidents et de petits arrangements entre amis ont guidé les ciseaux des auteurs de ce découpage, que tous s'accordent à dénommer charcutage, ou même tripatouillage, et à qualifier de partisan et de partial. La démocratie politique n'en sort pas grandie, et ne soyons pas surpris si l'abstention progresse encore en réponse à ce qui est une atteinte au suffrage universel et à ce qui ternit encore un peu plus l'image de la classe politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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