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Intervention de Bruno Le Roux

Réunion du 13 octobre 2009 à 15h00
Délimitation des circonscriptions des députés — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Le Roux :

…c'est mieux pour les collègues UMP d'à côté ! Mais cela n'arrive même pas à rendre heureux le Nouveau Centre, qui s'estime lésé dans cette affaire. Comme quoi elle était véritablement faite pour l'UMP !

En ce qui concerne la carte de la Seine-et-Marne, vous savez qu'il était possible de faire quelque chose, sans qu'il soit nécessaire de redécouper des cantons.

Vous connaissez le papillon de l'Hérault par coeur, la géographie très particulière de la Somme, tout comme le découpage fait pour Aurélie Filippetti sur la Moselle ou Christian Hutin sur le Nord. Un certain nombre de camarades présents, qui se trouvent dans le même cas, sont avides de vous poser des questions pour savoir comment vous comptez prouver au Conseil constitutionnel et à notre Assemblée que vous avez respecté les critères constitutionnels.

Sur tous ces départements dont nous débattrons ensuite, Voilà donc, monsieur le secrétaire d'État, une somme de critères non respectés, de petits avantages octroyés qui, ajoutés les uns aux autres, rendent ce découpage fortement partisan et l'exposent ainsi à la censure constitutionnelle.

Je souhaite maintenant éclairer notre assemblée sur la distorsion dans l'égalité de suffrage de nos concitoyens qu'entraîne votre ordonnance de découpage et sur l'inégalité qu'elle entraîne face à l'alternance politique. La délimitation des circonscriptions législatives a des répercussions profondes sur la composition de l'Assemblée élue au suffrage direct et sur la formation de la majorité politique qui organise le fonctionnement de notre système de gouvernement.

L'institution d'une nouvelle autorité chargée d'examiner le découpage de façon approfondie dans une procédure permettant l'expression d'opinions contradictoires aurait pu offrir la chance d'un progrès marquant dans l'impartialité de cet élément-clé de la construction démocratique.

Nous aurions, en effet, souhaité que la commission inscrive dans ses travaux une exigence nouvelle : la garantie d'un droit des citoyens à exercer sans entrave le choix d'une majorité politique ! La majorité de l'Assemblée nationale, je le dis de façon solennelle, doit représenter la majorité des électeurs qui se sont prononcés dans l'élection.

L'indépendance de la commission n'ayant pas été jusque-là, c'est maintenant à notre Assemblée et demain, sûrement, au Conseil constitutionnel de se saisir de cette question.

Même si le parti socialiste, après débats, a préconisé un complément proportionnel au scrutin uninominal à deux tours, nous restons fortement attachés à la formation d'une majorité stable et cohérente organisée dans une alliance politique présentée en toute clarté aux électeurs, qui permet un choix éclairé des citoyens entre des orientations politiques diverses, sans tomber dans la dispersion et les combinaisons.

L'élection des députés au scrutin uninominal par circonscription met en oeuvre ce principe majoritaire, en l'assortissant d'une préoccupation de proximité entre l'élu et les citoyens.

Comment peut-on caractériser le fait majoritaire dans la marche de la démocratie française ? On est passé par des phases historiques variées. Toutefois, de façon continue depuis les élections législatives de 1962, la majorité parlementaire a été disputée entre la droite et la gauche rassemblées dans un deuxième tour, où quasiment toutes les candidatures se regroupaient selon ce clivage.

La structure interne de ces deux majorités potentielles a varié. Des forces affirmant vouloir les dépasser se sont exprimées, atteignant parfois des résultats substantiels au premier tour : deux des huit élections présidentielles, en 1969 et 2002, ont échappé à cette opposition droite-gauche.

Pourtant, au cours des onze dernières élections législatives organisées au scrutin majoritaire, la constance du clivage droite-gauche s'est imposée. C'est la clé de voûte de notre démocratie parlementaire. Le résultat des élections législatives de 2007 est représentatif de cette situation installée dans notre vie politique nationale.

Sur 570 circonscriptions – abstraction faite, dans ce calcul, des sept circonscriptions des collectivités d'outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie dont les systèmes de partis sont nettement distincts de celui de la métropole et des DOM et se prêtent malaisément à un classement droite-gauche – 460 ont donné lieu à un second tour ; seize seulement ont fait exception à la confrontation gauche-droite, du fait du jeu local de la règle d'accès au second tour. Parmi ces seize exceptions, six seulement ont vu la présence d'une formation non intégrée dans les alliances à vocation majoritaire : le MODEM dans cinq cas, le Front national dans un cas. Seulement trois de ces candidats ont été élus, dont l'un a rejoint, peu après, un des groupes de la majorité. Tous les autres députés élus – dont les 110 élus au premier tour – se classaient au sein des deux grandes familles de la droite et de la gauche.

Le système des circonscriptions constitue donc le maillon vital pour traduire la volonté démocratique majoritaire entre ces deux grands rassemblements. Si, par suite de distorsions, la majorité soutenue par une majorité d'électeurs ne trouve pas sa traduction dans la composition de l'Assemblée nationale, c'est tout notre édifice démocratique qui est ébranlé.

Si l'on veut éviter cette déviation grave, il convient que notre assemblée s'approprie ce débat et s'assure de l'équité du découpage quant à l'issue finale du scrutin législatif.

Au considérant 26 de sa décision du 8 janvier dernier, le Conseil constitutionnel a, à nouveau, énoncé son intention d'écarter un découpage « arbitraire », mais il reste à donner un contenu à ce grief encore théorique, ce à quoi nous nous emploierons : selon nous, un découpage arbitraire est un découpage ayant pour effet d'établir un déséquilibre structurel entre les forces politiques en présence.

J'aurais souhaité que, dans nos travaux préparatoires à notre débat, nous prenions les moyens de nous assurer que la majorité électorale du pays, telle qu'elle se forme au second tour des élections législatives, soit en mesure d'acquérir une majorité des sièges à l'Assemblée au suffrage direct, constituant la majorité parlementaire nécessaire au bon fonctionnement de nos institutions. À l'évidence, cela demande une appréciation d'ensemble prenant en compte la somme finale des transformations apportées à la délimitation des circonscriptions au lieu de se borner à les évaluer isolément dans chacun des départements ou collectivités intéressés par le projet d'ordonnance.

Cette appréciation d'ensemble doit explicitement prendre en considération les résultats des élections législatives récentes dans les limites des nouvelles circonscriptions proposées, pour en évaluer objectivement l'impact sur le droit à l'alternance.

Le paradoxe serait que l'analyse de l'effet du redécoupage sur le choix futur d'une majorité démocratique soit débattue partout dans la presse, sauf ici, devant notre Assemblée.

Cette demande, monsieur le secrétaire d'État, n'est pas d'opportunité politique ; elle bénéficiera, demain, à quiconque pourra emporter une majorité, sans que son succès soit contesté, lors des élections législatives postérieures à la nouvelle définition des circonscriptions.

Cette demande fait référence au principe d'égalité du suffrage énoncé à l'article 3 de la Constitution, qui s'applique aussi au regard des préférences politiques exprimées par les citoyens dans leur vote et à l'exigence de la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la nation, édictée à l'article 4.

Cette demande ne pourrait être écartée par le Gouvernement que s'il décide que la question du « droit équitable à l'alternance » n'est pas pertinente pour juger la loyauté d'un découpage législatif ou que la confrontation droite-gauche n'est pas la grille d'analyse réaliste des résultats d'une élection législative. Vous auriez certainement du mal à réfuter l'une ou l'autre de ces affirmations…

Le débat que nous proposons d'ouvrir se résume à la question suivante : l'ensemble des formations politiques constituant des majorités alternatives, soit de droite, soit de gauche, telles qu'elles se sont constituées à toutes les élections législatives des cinquante dernières années ont-elles des chances égales d'obtenir au moins la moitié des sièges de l'Assemblée dès lors qu'elles atteignent 50 % des voix lors du second tour des élections législatives ?

La réponse à cette question s'obtient en comparant les résultats des 570 circonscriptions à un chiffre national représentant la « balance » électorale finale, lors du second tour et en procédant au même décompte après le remodelage des circonscriptions. C'est un travail de sciences politiques basique auquel nous avons souhaité nous livrer, qui ne pose aucune difficulté. Si vous avez de meilleures propositions, nous sommes prêts à les examiner.

Pour établir la réalité d'un droit effectif à l'alternance autour d'un pivot à 50 % des suffrages, il convient d'établir de manière fiable un chiffre national de voix de second tour pour chacune des deux grandes tendances de l'opinion.

Ce travail s'effectue naturellement pour les 444 circonscriptions, soit 77,9 % du total où s'est effectivement tenu un second tour opposant un candidat de droite – UMP, Nouveau Centre, divers droite – à un candidat de gauche – socialiste, communiste, radical de gauche, Vert, mouvement républicain et citoyen, divers gauche.

Pour compléter cela, nous proposons une méthode simple et transparente afin de définir un chiffre comparable dans les 126 circonscriptions n'ayant pas donné lieu à un second tour droite-gauche.

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