Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jean-Louis Borloo

Réunion du 6 octobre 2009 à 16h15
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Jean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat :

Je vous remercie, Monsieur Chanteguet, pour vos aimables propos à mon endroit. S'agissant des ressources financières à mobiliser, je ne porte pas de jugement sur la conviction que vous avez exprimée, selon laquelle la DGF sera la ressource dominante des collectivités territoriales. Je me limite à évoquer le financement du programme particulier dont nous traitons, en soulignant qu'il s'agit ici d'investissements rentables à terme. J'ai longtemps été maire ; je prendrai un seul exemple, celui de la performance de votre parc de lumières publiques. Je suis prêt à prendre le pari avec vous que, d'ici cinq ans, vous aurez réduit votre facture de 40 %. Les dispositions adoptées au terme du Grenelle de l'environnement ont été arrêtées ensemble, les collectivités territoriales étant présentes. Il s'agit maintenant de faire des investissements très significatifs mais qui, pour l'essentiel, correspondent à des économies à terme. Cela étant dit, indépendamment des contrats signés avec l'État dans le cadre du Grenelle de l'environnement, une collectivité qui, après en avoir délibéré, se dote de transports collectifs en site propre, prend ce faisant une décision politique, et cet aménagement urbain nouveau aura un coût de fonctionnement, quelle que soit par ailleurs la nature de la recette. On est là dans le cadre du libre choix des collectivités. Pour autant, il s'agit d'investissements productifs et rentables. En d'autres termes, on n'a pas le choix et, dans le même temps, il s'agit d'investissements économiquement intelligents.

S'agissant de l'agriculture, le programme fixé est suivi par nos collègues d'un autre ministère. Le secteur est à la fois très diffus et très bien organisé. Cent mille exploitations devront avoir achevé les audits de certification d'ici à 2011. Je pourrai vous donner ultérieurement les précisions chiffrées dont je ne dispose pas aujourd'hui.

S'agissant du financement européen envisagé pour les programmes de lutte contre le réchauffement climatique, j'appelle votre attention sur le fait que l'on mélange allègrement, et peut-être avec moins de naïveté qu'il y paraît, le coût de l'accompagnement de la transition et celui de la réduction des gaz à effet de serre. C'est pourquoi j'insiste sur la nécessité de distinguer le programme destiné aux pays les moins avancés, celui de la « justice climatique » – qui doit être uniquement financé par des fonds publics – des programmes de réduction des émissions de gaz à effet de serre, pour lesquels les partenariats public-privé sont évidemment possibles. L'estimation faite par la Commission européenne – 100 milliards d'euros par an d'ici 2020 – concerne tout à la fois les mesures d'adaptation, les mesures d'atténuation des émissions et travaux, et c'est pourquoi il est, pour moi, sans signification réelle. J'ai le sentiment que les besoins seront considérablement plus élevés : n'évalue-t-on pas à quelque 400 milliards d'euros les sommes nécessaires à la seule adaptation, en France uniquement ?

Dans ces conditions, quels fonds seront consacrés aux pays pauvres ? La solidarité climatique, puisque c'est de cela qu'il s'agit, est une obligation morale, mais c'est aussi une chance pour les pays industrialisés que les pays les moins avancés puissent se développer. Le marché des échanges de quotas d'émission de carbone doit être réservé aux grands pays émergents et aux pays en situation intermédiaire entre l'annexe I et l'ancienne annexe II. Pour le Conseil européen, la clef de répartition des contributions financières budgétaires devrait être fixée en pondérant le PIB de chaque pays et sa part de responsabilité, actuelle et historique, dans les émissions de gaz à effet de serre. Tous les pays contribueraient à ce budget, à l'exception bien sûr des pays les moins avancés.

A ce jour, la place du curseur n'est pas déterminée, mais à quoi servirait de dire à ce stade combien tel ou tel grand pays industrialisé devra payer alors que l'on parviendra, j'en suis sûr, à des financements innovants ? Il pourrait s'agir d'une taxe sur les transactions financières ; pour collecter 20 milliards d'euros par an, une taxe de 0,015 % serait nécessaire, hypothèse tout à fait supportable et que la France soutient. Si l'on envisage de taxer le pétrole, il faudrait, pour atteindre les mêmes 20 milliards, prélever un peu plus d'un dollar par baril. On peut aussi envisager, comme le propose la Suisse, d'instaurer une taxe carbone internationale. On peut encore, comme le suggèrent plusieurs pays, taxer le fuel utilisé pour le transport maritime, actuellement intégralement détaxé et dont la qualité est pour le moins incertaine ; on collecterait 20 milliards d'euros en taxant ce fuel brut à 10 %. La France privilégie raisonnablement la taxation des transactions financières, mais nous ne sommes pas fermés aux autres hypothèses. Une solution devra être trouvée quoi qu'il en soit, et les sommes ainsi collectées devront être automatiquement affectés à des fonds spécifiquement consacrés à la solidarité climatique, sans qu'aucun autre considérant puisse intervenir. Alors, les opinions publiques des pays d'Europe de l'Ouest, ceux qui seront appelés à faire le plus d'efforts, en admettront le bien-fondé.

M. Serge Grouard m'a interrogé sur la forme que pourraient prendre les engagements nationaux unilatéraux contraignants. Dans ce domaine, on avance par itérations. Les pays signataires de l'accord de Kyoto qui figurent à l'annexe I sont parties à un traité international contraignant sur lequel il n'est pas question de revenir : ce dont il s'agit, c'est d'établir des contrôles, qui n'existent pas à ce jour. S'agissant des États-Unis, nous savons que si nous poussons à la signature d'un traité, nous partirons de Copenhague en n'ayant rigoureusement rien obtenu. Il faut donc mettre au point un système par lequel l'exécutif américain, avec l'Agence de l'environnement, peut s'engager à faire appliquer des législations contraignantes – en bref, une sorte d'autre « paquet climat-énergie ». Il va sans dire que je préfèrerais un traité, mais l'important est d'entraîner dans un même mouvement le plus grand nombre possible de pays, y compris ceux dans lesquels des peurs s'expriment – en particulier celle de fermetures d'usines. Dans tous les cas, il faudra instituer des contrôles mesurables et vérifiables.

La Chine non plus ne voudra pas d'un traité. Cependant, la concernant, je suis en désaccord avec la presse. J'observe que dans son discours de vingt minutes devant l'Assemblée générale des Nations Unies, le président Obama n'a pas dit un mot sérieux sur le sommet de Copenhague. Le président Hu Jintao, en revanche, a eu des mots très forts, à mon sens insuffisamment relevés, puisqu'il s'est engagé à découpler l'intensité carbone du PIB, ce qui est un progrès capital.

Il faudra donc trouver la bonne formule, en tenant compte des contraintes culturelles. Tout cela n'est pas facile, mais il n'est pas question d'un recul : nous devons avancer, ensemble et toujours plus nombreux. L'Inde, la Corée du Sud et l'Australie se sont engagées à respecter un calendrier qui prévoit des objectifs et des délais ; c'est une obligation internationale évaluable par les tiers. Le sommet de Copenhague n'est pas la conférence de Bali : il ne s'agit plus d'une feuille de route, le niveau d'engagement sera tout autre, et nous devons impérativement trouver une méthode.

L'Inde est très concernée par le changement climatique en matière de précipitations. Son niveau d'émission de CO2 étant inférieure à une tonne, nous n'avons rien à lui demander en ce domaine, mais elle souhaite néanmoins faire sa mutation. Elle tient absolument à ce que l'on reste dans le cadre de Kyoto.

Sur la taxe carbone, la France a défendu la même thèse depuis le début ; l'année dernière, elle était seule en Europe à le faire, probablement parce qu'elle était la seule à croire qu'on allait aboutir sur le « paquet ». L'expression « taxe carbone » est sans doute inadaptée, et nous avions d'ailleurs parlé à l'époque de mécanisme d'inclusion carbone. Les Américains ont voté la mise en place d'une taxe équivalente il y a quatre mois. L'idéal serait en fait de s'en passer car cela voudrait dire que l'on a réussi le sommet de Copenhague. En tout cas les biocarburants ne seraient pas concernés.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion