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Intervention de Henri Nayrou

Réunion du 7 octobre 2009 à 21h30
Ouverture à la concurrence des jeux d'argent en ligne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHenri Nayrou :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'ouverture à la concurrence des jeux en ligne relève à mon sens d'un choix contestable – et qui n'est pas contesté uniquement sur nos bancs. Derrière votre volonté affichée, logique en apparence, de contrôler et d'assécher l'activité illégale, se cache en fait l'inquiétante propension du Gouvernement et de l'UMP à sous-estimer a priori les méfaits d'un libéralisme qui va plonger notre pays dans le gouffre.

À ce propos, monsieur ministre, vous avez cru bon de répondre à M. Gorce que nous pourrions avoir quelque aversion pour l'argent. Je le conteste, mais je vous fais remarquer que, si l'argent est nécessaire, le fric ne l'est pas.

J'observe ensuite que l'Europe même n'imposait pas cette ouverture libérale, ce qui constitue une précieuse indication sur les ressorts cachés de votre choix. Les conditions de l'ouverture sont-elles une garantie pour offrir aux consommateurs des possibilités de paris sportifs sécurisés ? Je ne le pense pas. Garantissent-elles la préservation de l'intégrité des compétitions et assurent-elles un retour financier vers l'ensemble du sport français ? Je ne le pense pas, et M. Giscard d'Estaing non plus. Garantissent-elles un développement modéré susceptible de contenir l'accroissement des phénomènes de dépendance ? Je ne le pense pas. En la matière, la première des préventions est la limitation de l'offre. Enfin, ces conditions garantissent-elles un cadre idoine afin d'éviter l'explosion des phénomènes de blanchiment d'argent sale ? Je ne le pense pas, car l'ouverture accroît mécaniquement les possibilités dans ce domaine.

J'appelle également votre attention sur la rédaction actuelle du dernier alinéa de l'article 52. Cet alinéa, qui émane d'un amendement de M. le rapporteur, fragiliserait la centralisation des droits par les organisateurs, alors que les droits des marques et des signes distinctifs des clubs sont déjà reconnus par ailleurs dans le code de la propriété intellectuelle.

Il est primordial de maintenir un système permettant un retour financier solidaire à l'ensemble des acteurs de la discipline, grâce à la centralisation et à la mutualisation des revenus qui seront générés par la concession des droits liés à l'organisation des compétitions. Il faut être aveuglé par l'appât du gain pour feindre d'oublier que, pour qu'il y ait un premier, il faut qu'il y ait un dix-huitième.

Mais il y a plus grave. Par le biais des paris, éléments d'enjeux financiers d'autant plus dangereux qu'ils échappent à la sphère sportive, je vois mal comment le lucre ne mettrait pas sa main sale sur ce filon livré aux bas instincts.

La tentation de se doper pour améliorer sa propre performance, celle de corrompre pour amoindrir celle des autres, et le recours à des petits arrangements minables vont distiller un trouble supplémentaire dans un monde déjà peu vertueux, à en juger par les matchs qui se terminent dans les prétoires. Les cibles sont connues : les joueurs mais aussi les arbitres, les dirigeants, les entraîneurs, les intermédiaires ou les gens d'influence. Je ne vois parmi eux aucune citadelle imprenable. N'a-t-on pas dit, d'ailleurs, qu'il n'y avait pas de citadelle imprenable, mais seulement des citadelles mal attaquées ?

Un mot sur les arbitres, avec une particularité pour ceux du rugby qui, dans l'esprit des géniteurs britanniques, étaient considérés comme des joueurs capables, ainsi que les autres, de faire des fautes sans pour autant renoncer à leurs pâques. Que vont-ils devenir face à des enjeux considérables suspendus à un en-avant de trois centimètres non sifflé ? Le texte a-t-il prévu des dispositions particulières pour ces paramètres humains ? Rien. Il propose seulement d'arrêter la mer avec les mains.

Et le dopage ? C'est au moment où la pression va devenir démesurément forte que le Gouvernement cherche des échappatoires pour le budget de l'AFLD, l'Agence française de lutte contre le dopage, dont je salue l'action courageuse qui bouscule les usages douteux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Nous sommes d'accord pour augmenter le prélèvement de la taxe Buffet, qui fêtera bientôt ses dix ans, mais seulement pour des actions de solidarité envers le sport de masse d'où sortent des champions qui passent à la télévision et rapportent l'argent des droits. Il n'y a aucune raison pour que ce « plus » vienne abonder le financement de la lutte contre le dopage, qu'un État digne de ce nom doit assumer en totalité.

Vous avez choisi d'ouvrir les vannes sans prendre des précautions à la mesure des enjeux. Cela rapportera gros à quelques-uns ; mais coûtera très cher à beaucoup. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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