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Intervention de Louis Giscard d'Estaing

Réunion du 3 juin 2009 à 16h15
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLouis Giscard d'Estaing, Rapporteur pour avis :

Cette loi de programmation militaire, qui vient enfin en discussion devant notre Assemblée, est atypique à plus d'un titre.

Sa première originalité est qu'elle ne porte pas seulement sur les années 2009-2014, mais également sur les six années suivantes ; elle contient même un certain nombre d'indications valables au-delà de 2020. Il faut s'en réjouir, car l'ampleur et le coût des programmes d'équipement sont tels qu'ils ne sauraient être intégralement réalisés en six ans. Le Gouvernement a donc décidé de présenter un plan d'équipement correspondant à la période habituellement couverte par deux lois de programmation.

Cette innovation, qui présente un caractère essentiellement informatif au-delà de 2015, permettra aux différents acteurs du monde de la Défense d'avoir une vision aussi complète et aussi cohérente que possible du plan d'équipement de nos armées et l'on peut se féliciter que le Gouvernement ait décidé de faire part des éléments d'information de long terme dont il dispose.

Non content d'élargir la vision prospective qui nous est aujourd'hui présentée, le Gouvernement a prévu que cet exercice serait renouvelé tous les quatre ans. Grâce à cela, les exécutifs à venir n'hériteront plus d'une situation entièrement contrainte sur une longue période : le Parlement sera en effet appelé à se prononcer sur l'exécution de l'actuelle loi de programmation au cours de l'année 2012, échéance à laquelle une nouvelle loi de programmation lui sera soumise. Cette nouvelle loi sera ensuite revue et corrigée à l'issue des quatre premières années de son exécution.

À première vue, cela peut paraître surprenant : pourquoi adopter une loi de programmation portant sur une période de six ans s'il faut la revoir quatre années plus tard ? C'est qu'il est nécessaire, pour des raisons stratégiques, financières et industrielles, de faire des prévisions de très long terme, tout en prenant en compte l'évolution des menaces, des techniques, des possibilités financières et des coûts. D'où la nécessité d'un mécanisme permettant de rectifier les lois de programmation pour les deux dernières années de leur exécution, généralement les plus en décalage par rapport aux prévisions initiales. Compte tenu de la lourdeur des programmes en jeu, une simple actualisation ne suffit pas : il faut alors adopter une nouvelle programmation de moyenne échéance.

Comme je l'ai déjà indiqué, la prochaine révision de la loi de programmation militaire devrait avoir lieu à la fin de l'année 2012, c'est-à-dire quelques mois après les prochaines élections présidentielle et législatives. Le nouveau gouvernement et sa majorité pourront alors apporter les corrections qu'ils jugeront nécessaires.

La dernière particularité de ce projet de loi est que son examen a lieu plusieurs mois après son entrée en application théorique, le 1er janvier 2009. Il est vrai que la précédente loi de programmation n'avait pas non plus été promulguée dans les délais impartis, mais le retard n'était que de 29 jours. Cette fois, il y a déjà près d'un semestre de décalage, et nous n'en sommes encore qu'à la première lecture du texte. Or, plus l'écart entre le début de la programmation et l'entrée en vigueur de la loi sera important, moins le rôle du Parlement sera pertinent.

Au demeurant, j'observe que le Gouvernement a lui-même déposé, devant la commission de la Défense, des amendements tendant à modifier la rédaction initiale du texte afin de prendre en compte un certain nombre d'évolutions, notamment les importantes modifications des crédits de la mission Défense qui ont été adoptées en loi de finances rectificative. C'est sur le texte tel qu'il a été remanié par la commission de la Défense – principalement à l'initiative du Gouvernement – que notre commission émettra son avis.

Comme notre président l'a indiqué, le calendrier suivi est inhabituel ; toutefois, il m'a semblé préférable de ne pas entamer l'examen de ce texte avant de savoir quand il serait inscrit à l'ordre du jour de notre assemblée. Nous sommes désormais en mesure de le faire, puisque nous avons appris qu'il viendrait en discussion en séance publique le 8 juin.

Au cours des six prochaines années, la mission Défense bénéficiera d'une enveloppe totale de près de 185 milliards d'euros hors inflation, principalement en faveur de l'équipement des forces. Ce montant, conforme aux préconisations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, permettra de maintenir en volume le budget de la mission jusqu'en 2011, puis d'augmenter les crédits de 1 % à partir de 2012. À cette somme s'ajoute 1,7 milliard d'euros de crédits d'équipement ouverts dans le cadre du plan de relance, essentiellement pour la période 2009-2010.

En contrepartie de cet effort financier, qui consacre le statut de priorité budgétaire dont bénéficie la mission, des redéploiements internes seront réalisés pour que l'essentiel des augmentations de crédits soit affecté à l'équipement des forces. Grâce aux réductions d'emplois qui ont été programmées, les rémunérations et les charges sociales devraient ainsi se réduire en volume et en valeur, tandis que les crédits d'équipement devraient être portés de 15,4 à 18 milliards d'euros par an entre 2008 et 2014, ce qui représente un montant cumulé de 101 milliards d'euros sur les 185 milliards d'euros prévus pour l'ensemble de la période.

Sans entrer dans le détail, on peut concevoir quelques inquiétudes sur la réalisation d'une partie des recettes financières. Les cessions d'actifs immobiliers et de fréquences hertziennes devraient notamment dégager 3,7 milliards d'euros de ressources exceptionnelles. Or la libération des fréquences semble plus longue que prévue au plan technique et, compte tenu de la récession actuelle, elle rapportera sans beaucoup moins qu'on ne pouvait l'espérer. De plus, à l'exception des biens situés à Paris, où le marché se tient mieux qu'ailleurs, les évolutions récentes de l'immobilier ne conduisent pas davantage à faire preuve d'optimisme.

Au plan concret, tous les équipements essentiels qui étaient initialement prévus devraient être au rendez-vous, même si certains d'entre eux sont renvoyés à la prochaine période de programmation militaire. Je ne peux citer l'ensemble des matériels concernés, mais on peut tout de même noter que l'armée de terre recevra 495 VBCI, 69 canons Caesar, 33 hélicoptères Tigre, 23 NH90, 500 véhicules logistiques terrestres et plus de 22 000 tenues de combat Félin.

En ce qui concerne l'armée de l'air, de nouvelles livraisons de Rafale sont prévues, même si l'échéancier n'est pas encore définitivement établi. L'armée de l'air devrait également recevoir ses premiers A400M au cours des dernières années de la loi de programmation – probablement au nombre de huit en 2014. Des avions cargos ravitailleurs MRTT, qui devaient initialement être livrés au cours de la programmation suivante, pourraient enfin être commandés par anticipation, en vue de pallier les retards pris par l'A400M.

Pour sa part, la marine recevra ses deux premières frégates multi-missions, les FREMM, ainsi qu'un bâtiment de projection et de commandement dont la commande a été accélérée dans le cadre du plan de relance. Elle recevra également de nouveaux Rafale marine et devrait être équipée des premiers exemplaires de la version navale de l'hélicoptère NH-90 – j'ai d'ailleurs déposé un amendement à ce sujet. Les six sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda seront par ailleurs commandés pendant la période d'application de cette loi de programmation, puis livrés entre 2016 et 2028. En revanche, le projet de second porte-avions reste en veille pour le moment, dans l'attente d'une décision qui pourrait intervenir en 2012.

Ces moyens permettront à nos forces de remplir leurs nouveaux contrats opérationnels : elles devront être en mesure de participer à des opérations de stabilisation et de maintien de la paix et de faire face à un conflit majeur à l'extérieur du territoire dans un cadre multinational. Nos armées devront ainsi être capables de déployer en six mois, pour une durée pouvant dépasser une année, une force terrestre de 30 000 hommes à une distance de 8 000 kilomètres de leurs bases, puis de mener une action de stabilisation sur le terrain. Elles devront également être en mesure de déployer une force aérienne de combat de 70 avions et une force navale ou aéronavale comptant entre deux et trois groupes d'intervention. Elles devront enfin tenir prête une capacité de réaction constituée d'unités d'intervention terrestre – 5 000 hommes –, d'unités d'intervention aérienne et maritime, ainsi que de forces de présence et de souveraineté, susceptibles d'être engagées sous bref préavis dans un cadre national ou multinational.

L'évolution des objectifs fixés à nos armées devrait permettre de réduire leur format : entre 2008 et 2015, les effectifs passeront ainsi de 271 000 civils et militaires à 225 000, dont 131 000 pour l'armée de terre, 44 000 pour la marine et 50 000 pour l'armée de l'air ; d'ici à 2016, le plafond d'emplois de la mission Défense sera ensuite réduit à 269 000 postes. Le Gouvernement prévoit de concentrer 75 % de la réduction des effectifs – laquelle représente 54 000 postes, hors externalisation – sur les fonctions d'administration et de soutien.

D'autre part, l'organisation territoriale des armées sera profondément restructurée du fait de la création des « bases de défense ». Cette restructuration, déjà en cours, n'épargnera pas notre dispositif prépositionné à l'étranger. Le 43ème BIMa, présent en Côte d'Ivoire depuis l'indépendance de ce pays, vient ainsi d'être dissous, et il est également question de fermer une seconde implantation sur la façade atlantique. En contrepartie, une nouvelle base interarmées vient d'être inaugurée à Abou Dhabi, dans les Émirats arabes unis.

Voilà, dans ses grandes lignes, le projet de loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014. Ce texte n'est certes pas parfait, car on peut regretter certaines zones d'ombre, notamment en ce qui concerne le calendrier de l'A400M et celui du NH90 version marine. On peut également déplorer la trop faible place laissée aux réservistes, sujet sur lequel je reviendrai à l'occasion des amendements que j'ai déposés. Globalement, c'est toutefois un bon texte, tendant à privilégier les dépenses d'équipement de nos forces et à réduire les dépenses de fonctionnement dans le but de constituer une armée au format certes réduit, mais à l'efficacité renforcée.

C'est pourquoi je propose à notre Commission d'émettre un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi.

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