Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jérôme Chartier

Réunion du 11 février 2009 à 11h30
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Chartier, Rapporteur spécial des crédits du programme Développement des entreprises et de l'emploi :

Je me suis rendu à Berlin et à Londres au mois de janvier afin d'étudier comment l'Allemagne et le Royaume-Uni avaient construit leurs plans de relance, dans le contexte des discussions que nous avons eues sur la méthode de relance, par la demande ou par l'investissement. L'analyse de la situation économique de ces deux pays montre que, s'ils sont affectés par une même crise mondiale, les vecteurs de celle-ci n'y sont pas tout à fait les mêmes.

J'étais à Berlin le jour où la Chancelière Angela Merkel annonçait le contenu du second plan de relance de son gouvernement de « grande coalition », entre le SPD et la CDU-CSU, pendant une période que l'on peut qualifier de pré-électorale, les prochaines élections législatives ayant lieu en septembre 2009.

Lorsque je suis allé à Londres, le Gouvernement annonçait des mesures additionnelles à son plan de relance initial, adopté en novembre 2008. Il faut garder à l'esprit que les cycles conjoncturels sont plus marqués en Grande-Bretagne qu'en France : les phases de croissance sont plus fortes, mais les récessions plus marquées. Autre particularité, la livre sterling a perdu 25 % de sa valeur par rapport à l'euro au cours de l'année 2008.

Les autorités britanniques ne s'interdisent aucune mesure. Le jour où j'étais à Londres, la Banque d'Angleterre décidait de racheter les obligations émises par les grandes entreprises à concurrence de 50 milliards de livres. Le même jour, le président de la Banque d'Angleterre déclarait qu'il utiliserait, si nécessaire, « des moyens non conventionnels » pour maintenir la liquidité des marchés en Grande-Bretagne : autrement dit, la planche à billets.

Le Gouvernement peut également monter au capital de banques si nécessaire, comme il l'a fait pour Royal Bank of Scotland – RBS –, passant d'une participation de 55 % à 70 %, le titre ayant perdu 45 % de sa valeur en une journée. Dans le même temps, deux administrateurs de RBS ont été remerciés, le Gouvernement s'impliquant dans la gestion de RBS. Par ailleurs, l'État détient près de la moitié du capital du nouveau groupe Lloyds, issu de la fusion de Lloyds–TSB et de HBOS, si bien qu'au total, 35 % de l'offre de crédit est contrôlée par l'État britannique. C'est dire la gravité de la crise au Royaume-Uni.

La situation est différente en Allemagne, où c'est la chute des exportations qui a déclenché la crise. La force de l'Allemagne, sa grande capacité à exporter, rend l'économie très sensible à la crise mondiale. Jusqu'en décembre, la consommation s'est maintenue – ce qui peut surprendre, étant donné la grande propension à épargner des Allemands, en particulier en tant de crise. Ainsi, j'ai rencontré le patron d'une chaîne de grands magasins qui avait constaté, à sa grande surprise, que son chiffre d'affaires s'était maintenu, avec une baisse de seulement 1 % au mois de décembre, alors qu'il s'attendait à un effondrement des ventes.

La situation britannique est différente. Au mois de décembre 2008, les ventes au détail ont diminué alors que, du fait des soldes qui ont commencé le 26 décembre, les ventes auraient dû augmenter. D'après l'Office for National Statistics, l'ONS, les ventes au détail ont diminué de 0,8 % en valeur en décembre, soit la plus importante baisse depuis 1986.

S'agissant de la France, les statistiques de l'INSEE viennent d'être publiées : les ventes au détail ont reculé de 1,5 % en décembre – mais il n'y avait pas de soldes. Les prévisions pour le mois de janvier sont bonnes.

En Grande-Bretagne, certains observateurs estiment aussi que la consommation finale peut connaître un rebond au mois de janvier. La question sera de savoir si cela s'explique par la baisse du taux de TVA, passé de 17,5 % à 15 % depuis le 1er décembre 2008. Rappelons que cette diminution de la TVA coûte 12,5 milliards de livres au budget du Royaume-Uni.

La mesure fiscale prise par l'Allemagne en faveur des revenus des ménages ne peut pas s'analyser comme une mesure de relance par la consommation à proprement parler. La baisse du taux d'imposition des premières tranches d'impôt sur le revenu est davantage une mesure de justice sociale qu'une mesure de relance. En effet, l'impôt sur le revenu n'étant pas indexé sur l'inflation en Allemagne, certains ménages sont passés dans une tranche supérieure sans augmentation de leur salaire réel. Au total, l'État y aurait gagné 15 milliards d'euros, dont la moitié environ est restituée aux ménages à travers cette mesure.

Tout compte fait, seul le Royaume-Uni a pris une vraie mesure de relance par la demande, mais, comme je l'ai dit, les statistiques des ventes de décembre tendent à montrer que cela n'a pas eu l'effet escompté. En outre, la succession des plans de relance en Grande-Bretagne a un effet anxiogène sur la population qui peut avoir l'impression que les mesures prises n'ont pas d'effet.

Le plan de relance allemand, adopté après six heures de négociations au sein de la coalition de gouvernement, donne la priorité à l'investissement. Toutefois, la particularité de l'investissement public en Allemagne réside dans le fait que ce sont principalement les Länder qui le réalisent. Les collectivités locales ne reçoivent en principe pas de subventions d'investissement de la part de l'État fédéral. Ce dernier doit donc trouver un vecteur pour mettre en oeuvre le plan d'investissement prévu dans le plan de relance.

La note que je vous ai fait distribuer comporte également une comparaison des plans de soutien aux systèmes bancaires. On voit que le Royaume-Uni a sous-estimé les besoins de financement de son système bancaire, si bien qu'il a dû étendre son intervention au-delà de ce qui était prévu initialement.

Enfin, je souhaite faire un point sur les prévisions de croissance. La Grande-Bretagne a revu ses prévisions pour 2009 dans le cadre du débat budgétaire de novembre ; il est probable que, lors du prochain débat budgétaire qui aura lieu en mars, le Gouvernement britannique annonce une récession de 2 à 3 %. Le budget fédéral allemand a été construit sur une hypothèse de croissance de – 0,5 %, alors que la prévision est maintenant de – 2 %. Le budget de l'État français a été calculé à partir d'une hypothèse de croissance de 0,5 %. Il y aura finalement une récession, mais probablement moindre qu'en Allemagne et en Grande-Bretagne, car l'économie française se caractérise par un phénomène d'amortisseur de la croissance, qui s'exprime à la hausse comme à la baisse.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion