Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Christian Babusiaux

Réunion du 30 janvier 2008 à 9h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Christian Babusiaux, Président de la première chambre de la Cour des comptes :

, a souligné l'importance de la fonction d'assistance au Parlement, le rapport de la Cour des comptes s'inscrivant pleinement dans ce cadre. Le produit de la redevance audiovisuelle s'est élevé à 2,26 milliards d'euros en 2006 et à peine plus en 2007. Conformément à la loi du 1er août 2000, les dégrèvements de la redevance sont compensés par l'État : ils se sont élevés à 500 millions d'euros en 2006 et à, probablement, 445 millions d'euros en 2007. Ces deux sources de financement représentent les trois quarts des ressources de l'audiovisuel public. La réforme de la redevance, en application de la loi de finances pour 2005, visait à en simplifier la gestion, en réduisant les coûts de perception et en améliorant la collecte. Cette réforme a eu un impact direct en termes de gestion, de relations avec les usagers et de coûts de collecte.

En premier lieu, le système a été simplifié à trois niveaux : l'adossement à la taxe d'habitation a effectivement entraîné une simplification de la déclaration pour les particuliers ; la suppression de la distinction entre résidence principale et résidence secondaire a permis la réduction de la fraude, qui concernait 65 % des résidences secondaires ; enfin, le régime des dégrèvements est devenu plus lisible – parce qu'identique à celui de la taxe d'habitation – moyennant la situation des dégrèvements correspondant à des « droits acquis », à savoir 758 000 personnes exonérées de redevance avant la réforme mais assujetties à la taxe d'habitation : 735 000 personnes âgées et 23 000 personnes handicapées.

En deuxième lieu, l'administration a mis à profit cette réforme pour développer des activités nouvelles : la suppression du service de la redevance, qui assurait la détermination de l'assiette, le recouvrement et le contrôle de la redevance, a permis d'améliorer le service rendu aux usagers et de créer de nouvelles fonctions au sein de la direction générale de la comptabilité publique – DGCP –. L'usager ne pouvait, avant la réforme, que s'adresser au service central ou à l'un des cinq centres régionaux. Désormais, il a la faculté de s'adresser à la trésorerie ou au centre des impôts. Cette proximité a pu être appréciée, dès 2006, alors que 600 000 réclamations ont été déposées. Sur 1 400 agents, environ 500 ont été affectés à des activités nouvelles, comme la gestion à distance du prélèvement automatique ou le traitement des amendes routières issues des radars automatiques.

En troisième lieu, on relève une nette diminution de la fraude, qui concernait plus de 6 % des personnes devant d'acquitter de la redevance et est désormais estimée à 1,25 %. Cette diminution s'explique notamment par un effet mécanique lié tant au système déclaratif qu'à l'extension des dégrèvements et à l'abandon de toute taxation des résidences secondaires. Le ciblage des contrôles est meilleur, le potentiel fraudeur devant déclarer ne pas détenir de téléviseur.

En quatrième lieu, des économies sur la gestion de la redevance ont été réalisées. La comptabilité analytique encore embryonnaire ne permet pas de déterminer avec précision les coûts avant et après la réforme. Toutefois, la réforme en elle-même a coûté 8 millions d'euros en primes et indemnités de reclassement et de formation. Les agents ont également bénéficié d'un plan de promotion exceptionnel, qui n'a pas été chiffré par l'administration. Le coût des contentieux liés à la réforme peut être évalué à 23,5 millions d'euros en 2005. Tenus de s'acquitter simultanément de 116 euros de redevance et de 300 euros en moyenne de taxe d'habitation, les ménages modestes ont dû supporter un alourdissement de charge de trésorerie, principalement lié au caractère encore minoritaire – 32 % – de la mensualisation du paiement. Seule cette dernière permettra de lisser la charge pour les ménages modestes. La réforme a également généré des frais de trésorerie de 15 millions d'euros, la redevance étant perçue en fin d'année alors que l'État avance, par douzièmes, les ressources aux organismes audiovisuels. Bien que ce surcoût soit pérenne, l'économie réalisée sur la gestion de la redevance – dont le coût est passé de 155 à 55 millions d'euros grâce à la réforme – reste substantielle, l'économie nette étant donc de l'ordre de 100 millions d'euros par an.

Toutefois, une partie importante des gains de productivité potentiels ne se sont pas matérialisés. Les 1 400 agents concernés par la réforme ont été réaffectés au sein de la même zone géographique avec des garanties de rémunération et de formation à leur nouveau métier. 500 agents se sont vus assigner des tâches nouvelles, 400 sont chargés du contrôle de la perception de la redevance et 500 ont été introduits dans le réseau traditionnel du Trésor public, sans réduction corrélative des personnels. Les effectifs totaux de la DGCP n'ont pas été réduits à due proportion des gains de productivité : seuls 50 % des gains de productivité théoriques – soit 50 millions d'euros – ont bénéficié à l'audiovisuel public. La réforme a donc eu des effets positifs en termes de gestion, mais ses gains de productivité potentiels n'ont pas été totalement matérialisés. Il convient, en outre, de souligner que la redevance n'a pas fait l'objet d'une requalification juridique : elle demeure considérée comme une redevance pour service rendu – et non comme une taxe –, bien qu'elle soit désormais adossée sur la taxe d'habitation. Ce traitement juridique et comptable n'a pas été remis en cause par Eurostat pour le calcul du taux de prélèvements obligatoires en France.

Présentant les développements du rapport consacrés au financement de l'audiovisuel public, M. Jean Picq, Président de la troisième chambre de la Cour des comptes, a tout d'abord fait observer que la réforme a permis d'accroître le produit de la redevance de 1 % par an depuis 2005, même s'il semble – d'après des données encore provisoires – que la progression soit moins importante en 2007. La base taxable a été diminuée de 10 % environ, du fait tant de l'exonération de redevance pour les résidences secondaires que des redevables dégrevés de taxe d'habitation, mais le taux de recouvrement de la redevance s'est considérablement amélioré, passant de 82 % entre 2002 et 2004 à 91,5 % en 2005. En deuxième lieu, la réforme n'a pas permis de dégager des ressources suffisantes pour faire face à la progression prévisible du budget de l'audiovisuel public, alors qu'elle avait été présentée en 2004 comme une source de recettes substantielles. Dans son rapport public pour 2005, la Cour avait déjà émis quelques interrogations à ce sujet. De fait, l'évolution du produit de la redevance a été inférieure à la progression du budget de l'audiovisuel public : cet écart, de 1,5 point environ en 2005 et 2006, devrait passer à 2,5 points à partir de 2008, si on se réfère aux contrats d'objectifs et de moyens (COM) signés entre l'État et les sociétés de l'audiovisuel public, lesquels prévoient une augmentation moyenne des dépenses de 3,5 % à 4 % par an : 3,5 % pour France Télévisions, 4 % pour ARTE–France et 2,4 % pour Radio France.

Au demeurant, le rapport souligne que la place de la redevance dans le financement de l'audiovisuel public mérite une attention particulière du Parlement. En matière de procédure budgétaire, la Cour recommande le rattachement des exonérations et dégrèvements de redevance à la mission Médias, au sein d'un programme ad hoc. Par ailleurs, au moment de l'examen du projet de loi de finances, le Parlement se prononce sur le budget de l'année n+1, alors même que le produit de la redevance pour l'année n n'est pas connu et que les prévisions de recettes sont souvent supérieures aux recettes effectivement encaissées : en cas de moins-value de recettes, le Parlement devrait donc se saisir de la première occasion pour se prononcer sur la situation réelle du financement de l'audiovisuel public, à savoir celle de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour l'année n. L'absence de revalorisation de la redevance provoque une érosion du financement de l'audiovisuel public. Si l'alignement des exonérations de redevance sur le régime de la taxe d'habitation devait être reporté, cela risquerait de conduire à une obligation de financement par le budget général pour un montant significatif.

On ne saurait occulter le fait que, depuis le 26 octobre 2007, date de remise du rapport à la commission des Finances, le Président de la République s'est exprimé au sujet du financement de l'audiovisuel public. La question de l'écart structurel entre la progression de la redevance et celle du budget de l'audiovisuel public reste pendante. D'une part, alors qu'entre 1990 et 2002, le produit de la redevance a progressé de 2,9 % par an en moyenne, le montant de 116 euros n'a pas été revalorisé depuis 2002 et a même été réduit de 50 centimes lors de la réforme, les systèmes informatiques ne pouvant traiter les centimes. D'autre part, en raison du caractère inachevé de l'alignement des exonérations, quelque 700 000 redevables de la taxe d'habitation demeurent dégrevés de redevance. Si ce choix est confirmé, le manque à gagner serait de 81 millions d'euros environ, soit 3,6 % du produit de la redevance. Enfin, cet écart structurel n'est plus compensé, depuis 2007, par une augmentation des recettes publicitaires, en raison d'un contexte de marché défavorable. La Cour des comptes exprime donc la crainte que cette situation ne débouche sur une mise à contribution structurelle du budget général, au-delà de celle correspondant aux remboursements de dégrèvements pour motifs sociaux. Cette interrogation prend une ampleur nouvelle en raison de la perspective de la suppression des recettes publicitaires.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion