Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Dominique Bussereau

Réunion du 4 mars 2009 à 16h15
Commission des affaires économiques

Dominique Bussereau, secrétaire d'état chargé des transports :

Sous la XIème législature déjà, une proposition de loi sur ce thème, déposée par les groupes RPR, UDF et Démocratie libérale, alors dans l'opposition, et signée par M. Nicolas Sarkozy, Mme Anne-Marie Idrac et moi-même, avait été discutée dans le cadre d'une « niche » parlementaire. M. Jean Le Garrec, qui présidait la Commission des affaires sociales, tout en s'exprimant contre le texte, avait reconnu qu'il faudrait bien, un jour, trouver une solution. Un commencement de réflexion s'amorçait donc.

Avant de répondre aux questions de vos rapporteurs, que je remercie d'être venus dialoguer avec moi à l'occasion de leur travail, je ferai un rapide bilan de l'application de la loi du 21 août 2007, dont l'ambition est de prévenir les conflits et d'organiser le service de transports terrestres en cas de grève, afin de concilier le principe de continuité des services publics et le droit de grève. Sa mise en oeuvre s'est traduite, pour les entreprises de transports publics urbains, par la signature le 27 septembre 2007 d'un accord de branche, et, à la RATP et à la SNCF, par la mise en conformité des accords préexistants sur la prévention des conflits.

Au terme d'une année d'application, on constate que la loi a atteint ses objectifs. La procédure de concertation préalable à tout préavis de grève a prouvé son efficacité. A Paris, à la RATP, trente préavis de grève ont été déposés au premier semestre 2008, soit quatre fois moins qu'au cours des cinq dernières années pendant la même période. En ce qui concerne les transports relevant de l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP), 80 % des entreprises appliquent cette procédure, laquelle a permis d'éviter un dépôt de préavis de grève dans 40% des cas. A la RATP, le nombre de préavis de grève est passé de 367 en 2007 à 59 en 2008 ; si l'on prend comme référence le nombre annuel moyen de préavis déposés entre 2003 et 2007, il a été divisé par trois.

La SNCF a rendu les « demandes de concertation immédiate » (DCI) obligatoires, ce qui a permis de désamorcer beaucoup de conflits et de faire baisser le nombre de préavis de grève de 30% par rapport au premier semestre 2007. Entre 2007 et 2008, le nombre de journées de grève a diminué de moitié. Cela étant, le dispositif ne permet pas d'éviter les conflits liés à des revendications nationales, tel celui qui a porté sur la réforme des retraites, la grève du 29 janvier dernier ou celle qui est annoncée pour le 19 mars.

Mais les grandes grèves nationales des cheminots ont montré l'efficacité du deuxième volet de la loi, qui a fixé les modalités d'organisation de la continuité des services en cas de conflit social. La déclaration individuelle d'intention, quarante-huit heures avant la grève, pour les conducteurs, les contrôleurs et les aiguilleurs, a permis d'établir les niveaux de service et les plans de transport, et de les faire connaître à l'avance à la clientèle. Lors des grèves du 22 mai 2008 et du 29 janvier 2009, la SNCF a assuré exactement le service annoncé.

A la SNCF toujours, au premier semestre 2008, un préavis de grève sur deux n'a pas entraîné de perturbations pour la clientèle. Sur les 248 préavis recensés, la moitié a abouti à la mise en oeuvre du service prévisible. Et parmi les seize mouvements de grève qui ont affecté le réseau de la RATP au cours de la même période, quatre ont rendu nécessaire le déclenchement du « plan d'information voyageurs » ; dans les autres cas, le service a été assuré à 97% en moyenne.

Les clients des services publics de transport – terme que je préfère à celui d' « usagers », car il s'agit bien de clients, qui payent leurs trajets, y compris comme contribuables – ont donc tout lieu d'être satisfaits des avancées importantes permises par cette loi. Il convient néanmoins de remédier aux difficultés qui subsistent, ce à quoi visent les propositions de vos rapporteurs.

La première est de créer un observatoire des relations sociales dans les transports terrestres. L'idée est excellente, la seule question portant sur ses modalités d'application : ne serait-il pas préférable de créer un observatoire par branche d'activité plutôt qu'un observatoire global ? L'UTP a d'ailleurs installé, fin 2007, un observatoire paritaire de la négociation collective et du dialogue social.

Je suis tout à fait favorable à la deuxième proposition, le renforcement du dialogue social sur la sécurité. L'UTP a d'ailleurs conclu en 2007 un accord-cadre relatif à la sécurité des personnes et des biens. A la suite des événements de la gare Saint-Lazare, le 13 janvier dernier, la SNCF s'est aussi engagée dans cette voie. Le président Pepy a réuni les organisations syndicales et décidé avec elles une série de mesures, notamment la réunion immédiate du CHSCT en cas d'agression d'un agent. J'ai, de plus, insisté auprès de M. Pepy pour que, en cas d'incident, la communication entre les voyageurs et les agents soit améliorée. Je crois qu'il serait bon de permettre aux voyageurs qui le souhaitent de manifester leur solidarité avec l'agent concerné ; après le dépôt d'affichettes sur la ligne pour expliquer les circonstances de l'agression, il faudrait mettre à la disposition des clients un site internet, un numéro de téléphone ou un registre pour recueillir leurs messages de sympathie. J'invite les entreprises de transports à le faire, au moins à titre expérimental.

Les rapporteurs, de même que le ministre du travail, écartent toute modification législative des textes sur le droit de retrait. Je partage leur analyse. Il revient aux partenaires sociaux de négocier les mesures à prendre pour protéger les agents, réagir en cas d'agression de l'un d'eux et informer les voyageurs.

J'approuve également la troisième proposition, celle d'encourager le dialogue social avec les clients des transports collectifs. Hormis la Fédération nationale des usagers des transports, la France n'a pas de grandes associations de clients des transports collectifs. Nous devons renforcer leur poids, et il serait bon de généraliser le système des comités de ligne de la RATP ou des transports régionaux, où les voyageurs sont représentés.

Nous allons examiner les quatrième et cinquième propositions – visant à engager des négociations collectives pour garantir le service du soir lorsque le service du matin a été assuré et à interdire tout nouveau préavis avant l'expiration des négociations engagées sur le premier – afin de nous assurer qu'elles ne remettent pas en cause le droit de grève. J'observe qu'un amendement rédigé dans le même esprit, mais qui concerne les seuls transports aériens, a été déposé au Sénat par le groupe des Radicaux de gauche.

Vos rapporteurs proposent ensuite, très judicieusement, de poursuivre la politique de décentralisation et de déconcentration de la SNCF. Dans la lettre de mission qu'il a adressé à M. Guillaume Pepy, le Président de la République lui a demandé de moderniser les relations sociales au sein de l'entreprise ; il appartient au président de la SNCF de définir son organisation interne et territoriale, effectivement peu lisible. Il serait bon, par exemple, que les chefs de gare nouvellement nommés se présentent aux élus, comme le font les responsables de La Poste ou d'EDF, et que l'entreprise se dote de patrons de ligne connus de tous, comme il en existe à la RATP.

Enfin, il est proposé d'améliorer le suivi de l'application de la loi du 21 août 2007 sur le long terme, d'abord par la définition de nouveaux indicateurs, ce qui est une très bonne idée, et ensuite en rendant annuel le bilan d'application de la loi – proposition sur laquelle il revient au Parlement de se prononcer, mais que j'approuverais si j'étais parlementaire ! C'était d'ailleurs l'une des propositions de M. Hervé Mariton dans son récent rapport sur « les récents mouvements sociaux à la SNCF et l'impact du service minimum ». Conformément à l'article 11 de la loi du 21 août 2007, le premier bilan d'application a été remis au Parlement à la fin 2008, ainsi qu'un bilan portant sur les modes de transport qui ne sont pas traités dans la loi - la desserte de la Corse et des îles du Ponant par exemple.

Nous allons maintenant travailler sur ces propositions, dont je remercie votre Commission, et singulièrement vos rapporteurs.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion