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Intervention de Messaoud Ould Boulkheir

Réunion du 4 novembre 2008 à 11h45
Commission des affaires étrangères

Messaoud Ould Boulkheir, président de l'Assemblée nationale de la République islamique de Mauritanie :

Ce que nous attendons de la communauté internationale, c'est, outre un soutien moral, la mise en oeuvre des accords auxquels la Mauritanie est partie, notamment dans le cadre de l'Union africaine, et qui prévoient des sanctions vis-à-vis de ceux qui s'arrogent le pouvoir par la force.

Nous demandons donc l'application de l'ensemble des sanctions prévues par la communauté internationale : non pas celles dont la population mauritanienne pâtirait, telles que la suspension de l'aide humanitaire, mais des sanctions ciblées permettant d'atteindre les auteurs du putsch et les activistes de leur entourage, en tant que contrevenants au droit international. Il s'agit de pénaliser l'action du gouvernement illégal actuellement en place, en le privant des subsides ou des contrats dont il pourrait arguer pour affermir sa position ou redorer son blason, et qui ne feraient que les renforcer dans leur attitude de putschistes.

Nous attendons également que les pays qui entretiennent des relations privilégiés avec la Mauritanie, au premier rang desquels la France, et sans lesquels elle aurait du mal à survivre, mettent à profit ces relations pour faire pression sur la junte et l'amener à s'engager dans une sortie de crise qui sauvegarde l'essentiel : ne pas faire perdre au pays les bénéfices d'une transition démocratique qui avait été saluée par le monde entier, quitte à accéder à sa requête d'élire un autre Président que celui auquel les oppose le conflit que nous venons d'évoquer. C'est le moins qu'on puisse attendre de la communauté internationale, particulièrement de la France, à laquelle de nombreux liens nous attachent.

S'agissant de la sortie de crise, elle passe par certaines « personnes-ressources », responsables des organes constitutionnels, tels que moi-même, le président du Sénat, le président du Conseil constitutionnel, le président du Haut Conseil islamique, celui du Conseil économique et social, ou des institutions comme la commission des droits de l'homme en Mauritanie, l'ordre des avocats, et des représentants de nos partenaires internationaux – France, Union européenne, États-Unis, Union africaine, Ligue arabe – comme garants des accords qui seraient éventuellement passés entre putschistes et légalistes, entre le Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi et le général Mohamed Ould Abdelaziz. Une fois ces accords signés, avec le témoignage de nos amis, leur mise en oeuvre commencera par le rétablissement du Président dans ses fonctions de chef de l'État, dans les limites du contrat qui aura été passé.

Tout règlement de comptes sera bien sûr exclu, ainsi que toute sanction : toutes les garanties seront accordées aux putschistes, à l'exception de la préservation de leurs attributions militaires passées. Le général Ould Abdelaziz et les principaux putschistes ne devront plus commander d'unité militaire opérationnelle, ni même continuer à appartenir à l'armée.

Une fois de retour à la tête de l'État, le Président devra désigner un gouvernement d'union nationale où toutes les forces politiques seront représentées, chargé de gérer sous sa supervision la période de transition dont les modalités seront définies par les « personnes- ressources » susdites, et qui durera le temps d'organiser des élections anticipées.

La formule de sortie de crise que j'avais proposée prévoyait que le Président ne se représentât pas. Certains ayant cependant fait valoir qu'il n'y avait pas de raison de le priver d'un droit constitutionnel, ce point peut être un élément de la discussion : je ne suis pas, quant à moi, fondamentalement opposé à la possibilité pour le Président de se présenter à sa propre succession s'il le juge utile.

L'opinion publique mauritanienne est quasi unanimement opposée au coup d'État. Elle l'est par conviction s'agissant des partis politiques, des représentants de la société civile, des organisations syndicales, et de tous ceux qui suivent la vie politique : tous dénoncent le caractère strictement malfaisant de ce coup d'État.

Quant à la partie la moins politisée de la population, elle exprime un ras-le-bol général devant cette succession de coups d'État. Cela faisait à peine un an et demi que nous en étions sortis, avec le soutien de la grande majorité de la communauté internationale : celle-ci nous a envoyé de l'argent, du matériel, nous a délégué des « personnes-ressources » de tous les continents, de toutes les langues et de toutes les couleurs pour nous aider à sortir de cette succession de régimes militaires. Et voilà qu'au moment où nous y parvenons, et de quelle manière ! – les conditions dans lesquelles nos élections se sont déroulées ont été unanimement saluées par l'opinion internationale et ont satisfait tout le monde à l'intérieur du pays, personne ne contestant leur résultat –, un homme décide soudain, et sans aucune raison, de tout remettre en cause. Pour les Mauritaniens, c'est vraiment honteux pour notre peuple et pour la réputation de notre pays, qui n'avait vraiment pas besoin de ça.

Quant aux médias, ils sont contrôlés dans leur quasi-totalité par la junte militaire. Glorification du général Ould Abdelaziz, sanctification du coup d'État et attaques de toutes sortes contre ses opposants s'y succèdent sans discontinuer : ceux qui s'opposent au coup d'État y sont traités de voleurs et de corrompus, accusés d'avoir dilapidé les biens du pays, de s'être enrichis illégalement et de craindre pour cela le changement. Si cela était vrai, c'était le moment au contraire de se rallier à l'homme fort du régime afin d'éviter d'être sanctionné, comme le font tous ceux qui le suivent actuellement.

Si la presse ne s'est pas mise dans sa totalité au service de la junte, elle se montre instinctivement prudente, réaction de survie enseignée par l'habitude des putschs : personne ne sait de quoi demain sera fait, et il s'agit de ne pas se brûler les doigts.

Très honorable Michel Sapin, loin de moi l'intention d'expliquer tout par le passé : je ne fais que décrire la situation telle qu'elle est. Si ceux qui s'opposent au coup d'État étaient pour la plupart des opposants au régime antérieur, c'est que celui-là méritait qu'on s'y oppose ! Quand il y a eu un nouveau souffle, certains ont cru bon de changer leur fusil d'épaule et d'accompagner le mouvement général. Il est vrai aussi que l'opposition à Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi comptait également des partis qui s'opposaient de longue date à Maaouiya Ould Sid'Ahmed Taya. Quelles que soient les motivations de cette opposition, qu'il ne me revient pas d'analyser – l'histoire s'en chargera –, cela ne justifie ni n'excuse un coup d'État, décidé par la volonté d'un homme sans programme, sans idée, sans ambition d'aucune sorte pour notre pays, comme ont pu le constater les délégués de l'Union européenne : à l'issue de leur entrevue avec les représentants de la junte, lesdits délégués n'avaient pas la moindre idée de ce qu'elle comptait faire pour sortir le pays de la situation où il l'avait placé. Cela démontre amplement l'insuffisance de ceux qui prétendent diriger actuellement notre pays : ils ne sont ni qualifiés ni aptes à cela.

Voilà, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, ce que je me devais de vous dire.

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