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Intervention de Yannick Malenfant

Réunion du 15 octobre 2008 à 10h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Yannick Malenfant :

Cette traditionnelle audition se déroule dans un contexte inédit, puisque les crises financières et sociales dominent les esprits des salariés, et notamment ceux de la défense.

Le plan de sauvetage annoncé par le Président de la République, et que vous venez de voter, renforce encore un peu plus la logique des marchés financiers, dans laquelle le mal profond que nous subissons prend pourtant sa source. Ce plan ne traite pas des vrais problèmes économiques et sociaux ; il risque même de réduire les possibilités d'intervention de l'État dans un contexte où l'activité économique s'affaiblit et où les plans de licenciement se multiplient.

Nous tenons à le réaffirmer : cette crise financière résulte de la profonde récession sociale qui dure déjà depuis de nombreuses années. Pour en sortir, il faut promouvoir l'investissement productif, la formation professionnelle et l'emploi stable et bien rémunéré.

Depuis notre dernière audition devant cette commission, il y a un an, le Président de la République a présenté son fameux Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Ce document propose une nouvelle organisation de la défense, notamment à travers la réforme de l'ordonnance de 1959. C'est une refonte du code de la défense nationale avec l'adaptation du futur code de la sécurité intérieure.

Les institutions créées – tel le Conseil national du renseignement – sont toutes placées plus ou moins directement sous le contrôle du chef des armées. Nous dénonçons cette présidentialisation des fonctions clefs de la défense et de la sécurité nationale au détriment des ministères de tutelle.

L'été 2008 a été marqué par l'aggravation du climat international. Aujourd'hui, ce sont les armes qui parlent au détriment de solutions politiques et diplomatiques. Pourtant, il n'y a qu'à constater l'enlisement de la coalition américaine en Irak pour se convaincre que la guerre n'est pas la solution. Or, avec l'envoi de troupes françaises supplémentaires en Afghanistan, nul ne peut plus ignorer que notre pays est en guerre. Nicolas Sarkozy – et le Parlement, au travers d'un vote récent – ont donc choisi la voie de l'affrontement et d'une guerre impérialiste conduite sous la bannière américaine de l'OTAN.

La politique atlantiste de M. Sarkozy met gravement en péril le maintien et la recherche de la paix, le besoin de coexistence pacifique et d'amitié entre les peuples. Elle prépare en outre le terrain de la réintégration de la France dans la structure militaire intégrée de l'OTAN – une réintégration qui n'est pas porteuse d'idées pacifistes. La France s'honorerait plutôt à agir pour la dissolution de l'OTAN, vestige de la guerre froide, et à développer au contraire une culture de paix.

Le vendredi 26 septembre, pendant près d'une heure trente, le ministre de la défense a présenté aux fédérations syndicales le projet de loi de finances 2009 pour notre ministère. À cette occasion, Hervé Morin s'est montré égal à lui-même en le qualifiant de « très bon budget ». Mais pour la CGT, nous sommes loin, très loin du compte.

Comme vous le savez, ce projet de budget 2009 apparaît en hausse si l'on prend en compte les recettes exceptionnelles, issues de la vente de fréquences électromagnétiques, et surtout de la vente d'actifs immobiliers sur fond de regroupement du ministère à Balard. Les locaux parisiens du ministère seraient ainsi vendus à une société immobilière qui aurait ensuite la charge de les vendre pour son propre compte. Concrètement, il s'agit d'hypothéquer le ministère pour mieux équilibrer son budget. Cette prétendue hausse n'est donc due qu'à la vente de bijoux de famille et à des spéculations immobilières, ce qui est totalement scandaleux. Combien de casernes faudra-t-il fermer pour financer ce budget, alors que le conseil des ministres de ce lundi propose aux communes de les acquérir pour l'euro symbolique ?

Les orientations avancées dans le Livre blanc sont confirmées dans ce projet de budget pour 2009 : redéploiement territorial en bases de défense, renforcement du renseignement, augmentation des crédits pour l'espace et la dissuasion nucléaire.

Une part importante des crédits reste consacrée aux opérations extérieures. La France est en effet engagée dans une trentaine d'OPEX, et on observe chaque année un surcoût par rapport au budget prévisionnel. Ainsi, en 2008, les OPEX devraient avoir un coût de 833 millions d'euros, soit presque le double des 460 millions prévus. Dans le projet de budget pour 2009, elles sont provisionnées à hauteur de 510 millions d'euros, somme qui nous paraît un minimum compte tenu du vote récent du Parlement sur notre engagement en Afghanistan. La différence sera inévitablement prise sur d'autres programmes, sur l'équipement, comme cela se faisait par le passé, ou sur la masse salariale. Allez-vous vraiment voter un budget dont vous savez pertinemment qu'il n'est pas réaliste ?

Ce budget confirme aussi l'engagement de la France dans l'OTAN : la contribution financière de notre pays en faveur de l'organisation progresse de près de 10 %.

Enfin, la dissuasion nucléaire occupe une place encore plus importante – 23 % – dans des crédits d'équipement pourtant déjà en hausse. Elle représente un total de 3,90 milliards d'euros, soit presque 10 millions d'euros par jour. La CGT tient à dénoncer cette politique, car ce n'est pas la dissuasion qui protégera les militaires engagés en OPEX. Contrairement à ce que prétend le Président de la République, la dissuasion nucléaire n'est pas une assurance-vie pour la France.

D'ores et déjà, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale préconise l'étalement de nombreux programmes majeurs – Rafale, Barracuda, FREMM, sans parler du deuxième porte-avions. Une fois encore, les salariés de ces industries seront les premières victimes de ces orientations. Qu'en sera-t-il avec la loi de programmation militaire ?

Nous ne pouvons que dénoncer l'accélération du transfert des activités de maîtrise d'oeuvre industrielle de l'État vers les entreprises, notamment en ce qui concerne le MCO, ainsi que la limitation des réalisations industrielles faites en régie interne étatique.

De même, nous ne pouvons qu'être inquiets sur l'avenir de DCNS, notamment suite à la volonté manifestée par le président Sarkozy de rapprocher DCNS des chantiers STX de Saint-Nazaire et au souhait du ministre de remplacer M. Poimbeuf par M. Boissier, ancien PDG des Chantiers. DCNS n'est pas à brader, pas plus que NEXTER ni SNPE, en dépit du projet élyséen Héraclès.

Il est donc urgent que l'on réponde positivement à notre revendication d'une conférence ministérielle sur les enjeux industriels.

Alors que le Livre blanc prétend donner un rôle plus important au Parlement, la loi de programmation militaire devrait être validée par le conseil des ministres le 29 octobre, ne laissant aux parlementaires qu'une semaine pour l'examiner avant le vote du budget, fixé au 7 novembre. Quelle démocratie !

Une fois de plus, le projet de budget valide la suppression de milliers d'emplois au sein de notre ministère. De 79 194 civils en 2008, on passe à 75 478 civils pour 2009. Et ce n'est pas le transfert des 1 700 civils de la gendarmerie à l'intérieur qui comble ce fossé – encore moins si l'on prend en compte la fermeture des écoles de gendarmerie récemment annoncée par la ministre de l'intérieur. Les 1 200 recrutements annoncés sont en réalité, pour la moitié d'entre eux, des transformations d'emplois, notamment de personnels militaires en personnels civils. Mais c'est tout l'art du ministre de faire gonfler les chiffres.

Il s'agit donc bel et bien d'un budget de rigueur, dans la lignée de ceux des années précédentes. D'ailleurs, les mesures d'amélioration de la condition des personnels civils sont, elles aussi, en baisse par rapport aux années précédentes. En matière de recrutement comme de conditions sociales, aucune mesure n'est programmée dans ce budget pour les ouvriers de l'État, qui, je vous le rappelle, représentent plus d'un tiers des effectifs civils de la défense. Seules les mesures de restructurations – donc relatives à la casse des établissements et de l'emploi – sont plus nombreuses.

Après les manifestations régionales du 18 juin, plusieurs milliers de salariés du ministère et des sociétés nationales ont manifesté dans les rues de Paris le 11 octobre, pour dire « non » au plan Morin et « non » à la casse de notre outil de défense. Les salariés de la défense rejettent les 54 000 suppressions d'emplois, motivées par une simple logique comptable ; ils rejettent la nouvelle carte militaire, mais aussi les orientations prises dans le cadre de la RGPP : nouvelles suppressions d'emplois, mise en place des bases de défense, externalisations.

Si ce budget devait être voté en l'état, ce sont plusieurs départements qui perdraient toute présence militaire. Déjà, la nouvelle carte militaire fait perdre plus de 1 000 emplois à vingt-cinq départements. Et à travers ces orientations, c'est le soutien aux forces qui est touché en priorité.

On encourage par ailleurs la participation de civils aux OPEX. Ainsi, à Gien, on a sollicité un civil pour monter des réchauffeurs de gas-oil sur les AMX 10 en Afghanistan. La CGT tient à réaffirmer son opposition à l'envoi de civils en OPEX, tout comme elle dénonce le recours à des sociétés militaires privées, qui risque pourtant de se développer avec la casse de nos établissements de défense nationale.

Depuis le 30 septembre, notre syndicat consulte les salariés sur le plan de restructurations du ministère annoncé le 24 juillet 2008. Une soixantaine de référendums ont déjà eu lieu dans autant de sites représentant environ 24 000 personnels. D'autres sont prévus dans les jours qui viennent. Or, à ce jour, plus de 94 % des salariés consultés ont répondu « non » au plan Morin-Sarkozy. C'est dire à quel point les personnels rejettent ce véritable massacre.

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