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Intervention de Hervé Morin

Réunion du 25 novembre 2008 à 16h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Hervé Morin, ministre de la défense :

Le projet de loi de programmation militaire (LPM) que je vous présente aujourd'hui est avant tout la traduction législative des travaux engagés depuis mai 2007. Un état des lieux a tout d'abord mis en évidence une « bosse financière » qui, en exigeant 5 à 6 milliards d'euros supplémentaires par an, rendait impossible le financement à moyen terme de l'ensemble des engagements. La revue des programmes d'armement nous a ensuite permis de disposer d'une analyse complète de la situation en matière d'équipement. Par ailleurs, j'ai présenté, le 6 avril dernier, la réforme du ministère à l'ensemble du personnel et à la commission, tandis que le Président de la République a présenté le Livre blanc le 17 juin. Bref, la loi de programmation est l'aboutissement des exercices qui ont été conduits depuis mai 2007, date d'élection du nouveau Président de la République.

Au total, les crédits consacrés à la mission « Défense » hors pensions s'élèvent à 185 milliards d'euros, dont 101 milliards d'euros pour l'équipement des forces. Entre 2008 et 2014, les dépenses annuelles d'équipement passeront donc de 15,4 à 18 milliards d'euros. C'est un effort considérable !

Je voudrais développer quatre points qui caractérisent le texte.

Il s'agit tout d'abord d'une loi de programmation cohérente, tant avec le nouveau format des armées qu'avec les contrats opérationnels fixés dans le Livre blanc et les priorités de celui-ci.

Ainsi, elle met l'accent sur la connaissance et l'anticipation. Lors du Conseil des ministres de la défense de l'Union européenne qui s'est tenu le 10 novembre dernier, j'ai signé, avec quatre autres États membres, la lettre d'intention du programme MUSIS - Multinational space-based imaging system. Les Italiens le feront sans doute au début de l'année prochaine, après avoir précisé leurs perspectives budgétaires. Sont également prévus l'inscription d'un programme de satellites d'écoute électromagnétique CERES et l'engagement des premières études pour financer l'outil d'alerte spatiale avancée, qui devrait entrer en service à l'horizon 2020. À terme, les crédits affectés au spatial militaire seront doublés. Le SIDM – système intérimaire de drones de moyenne altitude longue endurance – sera mis en service en 2009. Enfin, un effort important sera fait en matière de renseignement. Nous allons ainsi recruter 700 personnels supplémentaires, en particulier de catégorie A – c'est le seul secteur qui bénéficie d'un tel effort –, et financer un certain nombre de programmes pour rattraper le retard de notre pays par rapport à nos partenaires.

La loi de programmation est également cohérente avec la priorité accordée par le Livre blanc à l'aéromobilité, puisqu'elle prévoit la livraison des 23 premiers hélicoptères NH90 et la rénovation de 24 Cougar. Je n'évoquerai pas l'A400M, qui connaît des difficultés industrielles.

Si la loi de programmation est cohérente, elle est aussi sincère. La trajectoire financière qui vous est présentée pourra être respectée puisque la progression sera de 0 % en volume durant les trois premières années, puis de 1 % durant les trois années suivantes. Au total, en 2014, les ressources budgétaires cumulées atteindront 181 milliards d'euros, auxquels se seront ajoutés 3,7 milliards d'euros de ressources budgétaires exceptionnelles. À ce titre, nous percevrons en 2009 un milliard d'euros sur l'immobilier et 600 millions d'euros sur les ventes de fréquences ; il restera donc à trouver 2 milliards d'euros pour les années suivantes.

Par ailleurs, le financement des opérations extérieures ne sera plus réalisé sur les crédits d'équipements mais sur la réserve de précaution que permet la solidarité interministérielle. J'attire votre attention sur l'effort important qui sera fait pour les OPEX, puisque la provision en loi de finances initiale passera de 460 millions d'euros en 2008 à 510 millions d'euros en 2009, puis à 570 millions d'euros en 2010 et enfin à 630 millions d'euros en 2011. J'ai proposé au Président de la République d'examiner la pertinence du niveau d'engagement de la France dans un certain nombre d'opérations extérieures. Il a accepté ma proposition et les travaux sont en cours pour y parvenir.

Cette loi de programmation se caractérise aussi par le partage de l'effort. La nouvelle organisation du ministère va générer des économies. Ainsi, en 2014, malgré le coût du plan d'amélioration de la condition militaire et les augmentations naturelles des traitements de la fonction publique, la masse salariale sera inférieure à ce qu'elle est en 2008. Le plan d'amélioration de la condition militaire actuellement en cours n'a pas de précédent. Après les militaires du rang en 2008, les officiers subalternes et les sous-officiers en début de carrière seront concernés en 2009, avant la totalité du personnel militaire. Ce plan, dont le coût s'élève à 89 millions d'euros en 2009 si l'on y ajoute l'effort en direction du personnel civil, s'est accompagné d'un repyramidage. Jusqu'à présent, un sous-officier, adjudant-chef ou major, pouvait percevoir un traitement plus élevé qu'un lieutenant ou un capitaine. L'échelle des rémunérations va être redéfinie en fonction des responsabilités effectives et, dès 2010, un capitaine pourra percevoir jusqu'à trois mois de solde indiciaire supplémentaires, le gain étant au minimum d'un mois pour toutes les catégories de personnel. Cet effort n'a pas d'équivalent dans la fonction publique ! Si le Premier ministre a accepté un tel arbitrage, qui met en oeuvre les préconisations du rapport établi en 2007 par le Haut comité d'évaluation de la condition militaire, c'est que le monde militaire a fait de vrais efforts.

Le ministère de la défense fait un effort budgétaire significatif. Toutefois, si nous comparons avec ce qui se passe dans les autres pays européens ou par rapport aux autres ministères – qui, dans le meilleur des cas, voient leur budget maintenu en euros courants –, nous nous réjouissons de voir progresser les crédits qui nous sont alloués.

J'en viens maintenant aux dispositions du projet de loi qui concernent l'industrie de la défense. La loi de programmation autorise la privatisation de la Société nationale des poudres et explosifs (SNPE). Cette entreprise, dont nous avons besoin pour des raisons stratégiques, devait évoluer car, depuis plusieurs années, sa situation économique était fragilisée. Nous avons donc engagé des discussions en vue d'une consolidation du secteur. Par ailleurs, il est prévu d'assouplir les contraintes qui pèsent sur DCNS de telle sorte qu'elle puisse nouer des alliances sans pour autant être systématiquement majoritaire dans les filiales. Actuellement, comme vous le savez, le personnel de droit public mis à la disposition de DCNS ne peut être affecté dans des filiales que si la société y est majoritaire. Les restructurations prévues au niveau européen seront facilitées si le personnel de DCNS, dont nous reconnaissons les compétences, peut être affecté dans les filiales. Le personnel et le comité d'entreprise ont accueilli favorablement cette disposition.

Par ailleurs, la loi de programmation militaire redéfinit les attributions des membres du Gouvernement et reconfigure l'organisation générale de la défense et l'ordonnance de 1959. Elle crée notamment le Conseil de défense et de sécurité nationale, au sein duquel le Président de la République décidera des orientations en matière de défense et de sécurité, ainsi que le Conseil national du renseignement.

Enfin, la LPM propose de faire évoluer les règles en matière de protection du secret défense. Actuellement, un magistrat peut tout à fait, dans le cadre d'une perquisition, entrer dans les locaux du ministère de la défense et y prendre connaissance de documents secrets avant de les soumettre à la Commission consultative du secret de la défense. Dans notre pays, le secret médical ou celui d'un cabinet d'avocat sont mieux protégés que le secret défense. Désormais, ce magistrat devra effectuer la perquisition en présence d'un membre de la Commission, de façon à ce que celle-ci puisse se saisir des documents et instruire le dossier avant que la procédure classique ne se poursuive.

Pour conclure, cette loi de programmation militaire fait de la défense l'une des priorités du Gouvernement pour les six prochaines années.

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