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Intervention de général Roland Gilles

Réunion du 18 février 2009 à 10h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

général Roland Gilles :

Je suis très heureux d'avoir été invité à m'exprimer devant vous sur ces deux textes. Depuis le 1er janvier, la gendarmerie est de fait placée sous l'autorité du ministre de l'intérieur, mais reste bien sûr pleinement concernée par la loi de programmation militaire. Cette dernière est en effet la traduction du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, lequel rappelle clairement que la gendarmerie est une force armée, remplit des missions de défense militaire et participe aux dispositifs de sécurité dans tous les contextes envisageables, en temps de paix comme en situation de conflit armé sur le territoire national ou en opérations extérieures.

Le processus d'intégration organique de la gendarmerie au ministère de l'intérieur se déroule de manière satisfaisante, mais les bases de son attachement à la communauté militaire restent parfaitement solides. Si le projet de loi est adopté en l'état, les gendarmes seront sous la tutelle organique du ministère de l'intérieur, mais continueront de relever du statut général des militaires. La communauté militaire ne pourra simplement plus s'envisager comme relevant du seul ministère de la défense. Entre la défense et la sécurité nationale en effet, les frontières tendent à s'effacer.

Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur participe de la nouvelle architecture de la sécurité intérieure voulue par le Président de la République. Le projet de loi relatif à la gendarmerie nationale doit mettre à la disposition du ministre de l'intérieur tous les moyens nécessaires pour concevoir sa politique et la mettre en oeuvre. Cela permet de prendre en compte plusieurs impératifs. Le premier est opérationnel : la mobilité de la délinquance et sa dimension de plus en plus internationale imposent un décloisonnement qui doit procéder d'une seule autorité, clairement identifiée. Le deuxième est budgétaire : seule une autorité unique peut dégager des synergies entre police et gendarmerie. La future architecture améliorera donc la cohérence des forces de sécurité, dans le domaine budgétaire – le programme 152 intègre une mission « Sécurité », désormais ministérielle –, mais aussi du point de vue organisationnel et opérationnel.

Mais ce projet de loi rappelle aussi les fondamentaux qui sont à la base de l'identité de la gendarmerie – et donc de son efficacité sur le terrain. Il affirme dès son article premier que la gendarmerie est une force armée : c'est un concept défini par le protocole additionnel à la convention de Genève de 1949, qui le rend bien distinct d'un service de police. Une force armée est capable de couvrir tout le spectre d'une crise. Elle est mobilisable au-delà de son activité courante autant que nécessaire. Cette affirmation du caractère de force armée met la gendarmerie à l'abri d'une fusion avec la police nationale. Les gendarmes relèvent du statut général des militaires, dont les dispositions s'imposent à l'ensemble de la communauté militaire : elles ne peuvent être distinctes selon les corps – je pense notamment aux modes d'expression et de représentation des militaires au sein des instances qui leur sont propres. Ce qui n'empêche naturellement pas un dialogue interne très vivant. Nos instances de concertation, si elles doivent évoluer, le feront au sein de la communauté militaire.

Le projet de loi rappelle également que la gendarmerie assume un spectre de missions très large : missions de police – sécurité publique, ordre public et police judiciaire -, missions militaires, missions de renseignement mais aussi participation à la politique internationale de la France. S'agissant des activités de police, les sénateurs ont rappelé l'importance de la police judiciaire dans les missions de la gendarmerie. Cela figurait déjà dans le décret du 20 mai 1903, mais je suis heureux de voir souligner le caractère essentiel de cette mission qui concerne aujourd'hui 40 % de son activité. La gendarmerie ne réclame l'exclusivité dans aucune de ces missions : la clef de l'efficacité de la sécurité intérieure repose sur un bon équilibre entre les attributions des deux forces disponibles. C'est le but de ce projet de loi.

Ce texte donne au ministre de la défense la tutelle organique sur les missions militaires de la gendarmerie. Elle continuera à les exercer en même temps que les armées ou indépendamment d'elles. Elle conservera aussi la mission de prévôté et continuera à participer aux opérations extérieures. Elle est présente aujourd'hui en Côte-d'Ivoire, au Kosovo, en Géorgie, en Irak et en Afghanistan. Elle mène en outre actuellement en Guyane des actions de police administrative ou judiciaire à forte connotation opérationnelle avec des modes d'action de type militaire, le cas échéant en collaboration avec les forces armées, pour lutter contre l'orpaillage clandestin par exemple.

La gendarmerie reste liée au monde de la défense. C'est d'abord le statut des personnels qui détermine cet ancrage. Ce statut, ainsi que la discipline, resteront directement de la responsabilité du ministre de la défense. Le recrutement, la formation des gendarmes, les modes de gestion de la gendarmerie resteront proches de ceux des armées, notamment en ce qui concerne la concertation et les droits et devoirs des gendarmes. Il est en particulier parfaitement clair que le syndicalisme n'est pas envisageable. Le recrutement continuera à être partagé : nous ne voulons pas nous priver de ce creuset. La gendarmerie recrute déjà des officiers des armées. Dès cette année, elle ouvre ses portes à une centaine de sous-officiers à travers une procédure de changement d'armée et reconduira cette démarche les années suivantes. La culture militaire de la gendarmerie ne peut qu'en être confortée. Le maintien des spécificités militaires de la formation, la poursuite des échanges et de la formation continue avec les armées nourrissent ce lien avec elles. Des mutualisations peuvent être envisagées avec la police nationale, par souci d'économie, pour des formations techniques – de motocyclistes ou de plongeurs par exemple – mais il est exclu de mutualiser la formation initiale des gendarmes et des policiers. C'est leur identité qui est en jeu.

Les soutiens logistiques de la gendarmerie contribuent aussi à son ancrage dans la communauté militaire. Le 28 juillet, les ministres de la défense et de l'intérieur ont signé un accord cadre comprenant 35 annexes qui sont autant de domaines dans lesquels le ministère de la défense soutiendra la gendarmerie, sur le territoire ou en opérations extérieures (OPEX), sans aucun changement par rapport à ce qui se faisait auparavant. Les services de santé et des essences des armées sont notamment concernés. Nous garantirons également l'interopérabilité entre les armées et la gendarmerie, notamment à l'étranger, dans le domaine des télécommunications, des véhicules et des aéronefs. Des mutualisations existent également pour le maintien en condition opérationnelle de nos aéronefs à l'étranger. Nous continuerons aussi d'avoir recours au service d'achat spécialisé du ministère de la défense et à assurer la compatibilité entre nos moyens NRBC pour les interventions en milieu contaminé.

Les missions de souveraineté et de défense contribuent à cet ancrage. Vous m'avez interrogé sur le transfert d'une partie des missions de souveraineté outre-mer de l'armée à la gendarmerie, qui figure dans le projet de loi de programmation militaire. Les missions militaires de la gendarmerie, si elles ne représentent que 5 % de son activité en chiffres, sont loin d'être négligeables. Il s'agit notamment de la sécurité des armements nucléaires, de la prévôté, qui garantit l'application du droit international partout où les armées sont engagées, ou des gendarmeries spécialisées. Pour assurer ses nouvelles missions outre-mer, la gendarmerie aura besoin de dotations particulières, qui ne proviendront pas de la loi de programmation militaire mais de la future LOPPSI. Nous avons évalué nos besoins à deux cents agents supplémentaires et quatre hélicoptères de manoeuvre, l'investissement pour ces derniers étant estimé à environ 70 millions d'euros. Il est vrai que le transfert n'est pas encore effectif, mais lorsque ce sera le cas, ces moyens seront absolument indispensables. En Guyane, ces appareils servent dans la lutte contre l'orpaillage clandestin, considéré comme une mission prioritaire.

Enfin, pour être complet sur les missions militaires de la gendarmerie, il faut évoquer les OPEX. Intervenant en complément des armées en particulier dans les opérations de sortie de crise où le rétablissement et le maintien de l'ordre en situation dégradée sont primordiaux, elle y trouve toute sa place. 450 gendarmes sont aujourd'hui déployés. Une cinquantaine d'entre eux sont présents en Géorgie parmi les observateurs internationaux mais s'il en avait été besoin, il aurait été possible d'y envoyer sans délai jusqu'à 180 gendarmes.

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