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Intervention de Dominique Bussereau

Réunion du 16 septembre 2008 à 16h45
Commission des affaires économiques

Dominique Bussereau, secrétaire d'état chargé des transports :

a rappelé qu'il avait présenté en Conseil des ministres un projet de loi créant une autorité de régulation ferroviaire. Il était important, dans la perspective de l'ouverture à la concurrence en 2010, de créer une autorité indépendante sur le modèle de ce qui existe dans le domaine de l'énergie ou des télécommunications.

L'évaluation des projets sur la base d'un rapport coût-efficacité et des économies de CO2 sera bien la règle. La dimension d'aménagement du territoire sera également prise en compte. C'est ainsi que le besoin de doublement de la ligne Paris-Lyon – qui sera bientôt saturée – a amené le Gouvernement à demander à RFF et au préfet de la région Auvergne l'étude d'un tracé partant de la gare d'Austerlitz, passant par Orléans, le Berry, Clermont-Ferrand et Lyon, qui tiendra compte de la nécessité de permettre au Massif Central d'avoir accès à la grande vitesse.

S'agissant de la « taxe poids lourds », le cadre actuel est celui de la directive « Eurovignette ». Certains pays européens ont adopté un tel système : l'Allemagne, l'Autriche, la République tchèque. Les Pays-Bas, la Grande-Bretagne et l'Italie y réfléchissent. Le 8 juillet, la Commission européenne a présenté un nouveau projet de directive « Eurovignette » qui a fait l'objet d'une discussion les 1er et 2 septembre à La Rochelle au cours d'un conseil informel des ministres des transports. Les pays périphériques sont moins intéressés que les pays de transit. Pour autant, on doit pouvoir arriver à un consensus, à la condition que cette vignette soit facultative et que les États puissent décider à peu près librement de son affectation – même s'ils seront fortement incités à l'affecter au financement des infrastructures.

La création de cette « redevance poids lourds » est donc envisagée. À la suite de la « loi Bur », elle serait appliquée à l'Alsace un an avant sa mise en oeuvre globale. L'objectif est de l'appliquer en 2012 sur le réseau autoroutier actuellement gratuit, c'est-à-dire non concédé, sur ce qui reste du réseau de routes nationales et, si certains départements le demandent, sur quelques routes départementales très utilisées, avec, bien évidemment, un retour pour ces départements, puisque ce sont eux qui les construisent et qui les entretiennent. C'est une charge supplémentaire pour les transporteurs routiers et une répercussion intégrale de cette taxe en pied de facture est envisagée. L'harmonisation de la taxe à l'essieu, qui passerait par une diminution de la part française, est par ailleurs en bonne voie. Enfin, en concertation avec les entreprises de transport, toutes les mesures de transition seront étudiées.

Le projet du Gouvernement est d'affecter cette redevance au financement des infrastructures de transports. Dans le cadre de la directive « Eurovignette » actuelle, elle devrait rapporter en 2012 entre 800 000 et 1,2 milliard d'euros – sachant que le fonctionnement du système a un coût. L'on envisage plutôt un système satellitaire, du type de celui qui est utilisé en Allemagne puis, à terme, le système GALILEO.

Il faut également penser à l'harmonisation européenne, non pas réitérer avec la « redevance poids lourds », ce qui a été fait avec les systèmes ferroviaires, où chacun a son propre système de signalisation, d'électrification, de sécurité, voire son propre écartement des voies. Il faudra prévoir, à l'avant des poids lourds, le même appareil.

De la même façon, il faut travailler à l'harmonisation du cabotage au niveau européen. Un texte l'encadrant strictement a déjà été voté sous la présidence tchèque.

Le débat sur « les 44 tonnes » est difficile. L'augmentation du poids unitaire des camions circulant sur les routes ne va pas vraiment dans le sens du Grenelle de l'environnement. Des exceptions existent déjà au moment des récoltes, pour le transport des céréales, des betteraves, des grumes, ou autour des grands ports maritimes. Mais une telle augmentation risque d'avoir un impact négatif dans notre pays et le Gouvernement est réservé.

Actuellement, deux autoroutes ferroviaires concernent la France : Aiton-Orbassano, sur la ligne classique du Mont Cenis et, depuis un peu plus d'un an, l'expérimentation menée entre Le Boulou dans les Pyrénées-Orientales et le péage de Bettembourg, au Luxembourg. Cette dernière ligne rencontre des difficultés ; ses acteurs économiques l'ont récemment recapitalisée.

On peut faire monter en régime les autoroutes ferroviaires : il est envisagé d'allonger le parcours de celle qui relie la France et l'Italie, de faire monter en puissance l'autoroute ferroviaire entre le Luxembourg et l'Espagne et d'en créer une sur l'axe Paris-Bordeaux à mesure de la mise en service de la voie nouvelle entre Tours et Bordeaux, qui dégagera des sillons sur la voie classique.

Même en les augmentant fortement, les autoroutes ferroviaires ne permettront pas de traiter de grosses masses. Pour cela, il faudra se tourner vers les transports combinés, le trafic maritime mondial se développant par les conteneurs et par les caisses. Pour autant, les autoroutes ferroviaires, comme d'ailleurs les autoroutes de la mer, restent des vecteurs pertinents du report modal.

Le Gouvernement envisage de permettre aux collectivités – qui le voteraient en conseil municipal – d'instituer des péages urbains sur un axe ou sur un quartier, et de gérer les ressources correspondantes. Il existe de nombreux exemples de péages urbains en Europe ou en Asie. Mais il s'agirait d'une possibilité offerte aux collectivités, qui pourraient ou non en user.

Pour financer les infrastructures, le rapporteur a proposé de réfléchir à la création d'un fonds de capitalisation. Le Gouvernement envisage également l'institution de la redevance d'usage pour les poids lourds. En attendant, il faudra, par des subventions budgétaires, compléter le financement de l'Agence de Financement des Infrastructures de France. On pourrait aussi modifier la redevance domaniale des sociétés d'autoroutes.

M. Dominique Bussereau a indiqué qu'il était favorable à un élargissement du rôle de l'Agence. Au lieu d'être un simple guichet, elle pourrait faire de l'ingénierie financière. Mme Pérol-Dumont a assisté récemment à Bordeaux à une réunion sur le financement de Tours-Bordeaux, de Poitiers-Limoges, de Bordeaux-Toulouse et de Bordeaux-Espagne. D'une certaine façon, l'État procède à des montages financiers avec les collectivités locales. On pourrait confier ce rôle à l'AFIFT.

À propos des redevances thermiques et électriques, on paie effectivement plus cher pour le fret électrique, parce qu'il faut tarifer non seulement l'entretien et l'exploitation des installations électriques, mais encore les pertes d'électricité provoquées par la caténaire. RFF avait proposé d'aligner les deux redevances, mais c'est pour l'instant incompatible avec la directive européenne 2001-94.

Autre sujet de mécontentement : les opérateurs privés qui circulent sous caténaires avec des locomotives diesel. C'est parfois pour éviter des ruptures de charges, ce qui peut se comprendre. Mais c'est surtout parce qu'il n'y avait pas sur le marché européen suffisamment de locomotives électriques disponibles. Les opérateurs européens ont acheté récemment de nombreuses locomotives électriques, à Alstom, à Bombardier et à d'autres constructeurs. Ces anomalies devraient donc être corrigées.

L'idée de soumettre au Parlement un rapport sur le schéma national des infrastructures n'est pas sans intérêt et sera soumise au Premier ministre et à M. Borloo.

Les incidents de caténaires interviennent généralement dans trois situations : un grand froid, une forte chaleur ou un vent violent. Ce n'était pas le cas lors des incidents récents. Peut-être la forte montée du trafic voyageurs, en juillet en en août, a-t-elle entraîné une usure inhabituelle des caténaires ? On sait qu'à Aubagne, une erreur humaine est à l'origine de l'incident. À la sortie de la gare Montparnasse, on ne peut imputer l'incident au vieillissement du matériel ; peut-être à un défaut d'entretien. Quant aux autres incidents, on n'en connaît pas encore la cause. Les inspections ne seront pas suffisantes en elles-mêmes, mais elles aboutiront à des constats et à des améliorations du réseau sur certains points. La SNCF est capable de les financer.

La loi de 1997, qui appliquait la directive, a montré ses avantages et ses inconvénients. Tous les maires savent bien combien il est difficile d'acquérir des infrastructures ferroviaires non utilisées, en raison notamment de la complexité des relations entre RFF et la SNCF. M. Le Premier ministre a confié au sénateur Hubert Haenel, le père de la régionalisation ferroviaire, une mission dont ce dernier nous donnera les résultats à la fin de ce mois. Deux thèmes seront abordés : le point de la régionalisation ferroviaire et l'évolution de la relation entre RFF et la SNCF. Ce rapport sera présenté au Parlement. Peut-être entraînera-t-il des modifications législatives.

À M. Maxime Bono, M. Dominique Bussereau a répondu qu'il y avait peut-être une confusion sur l'article 10 du projet : lorsque le Président de la République a annoncé cet objectif de report modal de 25 %, il a clairement dit qu'il s'agissait d'un report sur les modes non routiers : le ferroviaire et le fluvial. Cet objectif est donc maintenu.

Quant à la « pertinence » du ferroviaire, Louis Armand disait : « Si le chemin de fer survit au XXesiècle, il sera le mode d'avenir du XXIe siècle. » De fait, aujourd'hui, c'est un mode de plus en plus pertinent. En témoignent les nombreux projets de lignes à grande vitesse dans le monde entier. Les Allemands ont récemment fait l'essai d'un train de fret entre Hambourg et Pékin ; malgré les difficultés et les changements d'écartement des voies, il a mis dix jours de moins qu'un bateau. L'élargissement de l'Europe a redonné de la pertinence au fret ferroviaire sur de longues distances, un peu sur le modèle américain. Il y a vingt ans, les compagnies américaines étaient moribondes ; avec l'ALENA, elles transportent sur tout le continent, au Canada, aux États-Unis et au Mexique. Il en sera de même en Europe. Aujourd'hui déjà, jusqu'à 1 000 kilomètres, le TGV prend tous les trafics à l'avion. Nous n'avons donc pas à nous inquiéter sur la pertinence du mode ferroviaire. C'est d'ailleurs une chance pour la France qui possède un outil ferroviaire et une industrie ferroviaire dans tous les domaines : infrastructures, matériels, et où de grands groupes comme Veolia ou Transdev ou encore Keolis exploitent des réseaux ferroviaires de transport urbain.

M. Maxime Bono, qui a accueilli dans sa ville la Semaine des mobilités européennes, a souligné l'importance des transports urbains. Le Gouvernement ne les a pas mis en retrait mais annoncé, pour les projets nouveaux, 2,5 milliards d'euros jusqu'en 2020, et le reste ensuite, ce qui paraît assez réaliste.

Sur l'état du réseau, il faut rappeler que l'on en rénove à peu près 500 kilomètres par an. M. Dominique Perben avait annoncé qu'un effort important serait fait ; cet effort est en cours de réalisation. Bien que cela ne fasse pas partie de leurs compétences d'origine, certaines régions ont engagé des travaux de rénovation, le Midi-Pyrénées, le Limousin, l'Auvergne mais l'État doit faire un effort.

À M. Serge Poignant, qui avait parlé gouvernance et rationalisation, s'agissant du fret, M. Dominique Bussereau a répondu que certes, la SNCF a encore beaucoup de progrès à faire. M. Pepy a eu raison de décider de faire travailler ensemble Geodis et SNCF Fret. Il y a quelques années, la Deutsche Bahn a racheté le premier logisticien allemand ; ils sont maintenant capables de prendre une marchandise dans la région de Hanovre et de l'envoyer en Chine par train, par avion et par les chemins de fer chinois en gérant la même facture de transport. Le travail en commun de SNCF Fret et de Geodis devrait permettre de regagner des parts de marché.

Pour l'instant, l'ouverture à la concurrence se traduit par le fait que sept entreprises privées, françaises ou étrangères, travaillent en France. Si elles prennent des parts de marché à la SNCF, celle-ci peut et doit en regagner ailleurs. Cela dit, l'environnement de la concurrence n'est pas mauvais en soi. Si tous les chemins de fer européens – sauf le nôtre – ont regagné des parts de marché dans le fret, c'est certainement grâce à la concurrence.

M. Dominique Bussereau a estimé que M. Serge Poignant avait justement évoqué les problèmes de la « taxe poids lourds » et de son incidence sur les petits transporteurs.

S'agissant d'une liaison Nantes-Bordeaux, il a rappelé que la région Pays de Loire est en train d'électrifier Nantes-Les Sables d'Olonnes, La Roche-sur-Yon –Les Sables d'Olonnes ; la région Poitou-Charentes réfléchit à l'électrification de l'étoile de Saintes et à la relation La Rochelle-Rochefort. Tous ces efforts aboutiront certainement à l'électrification complète de l'axe Bordeaux-Nantes qui a été construit par des sociétés privées au XIXe siècle, avec peu d'argent et qui ne permet pas de grande vitesse ; il est très utile pour le fret, mais même électrifié, on n'y dépassera jamais les 120-130 kilomètresheure du fait des difficultés du tracé est très mauvais, bien que l'on soit toujours dans des zones de plaines ou dans de marais.

Il est exact que c'est l'Auvergne qui a le plus de lignes dégradées : dans les endroits où le trafic avait le plus baissé, l'entretien était moindre. Il faudra donc faire un effort d'entretien pour ces lignes. Aujourd'hui, le trafic des TER repart. La future loi ferroviaire devrait permettre à RFF de traiter en direct l'entretien des petites lignes réservées au fret. On n'a pas besoin du même niveau d'entretien sur les lignes où circulent des TER et sur les lignes où ne circulent que des trains de fret pour desservir une coopérative agricole, un entrepôt ou une zone logistique. Nous voulons développer les opérateurs de proximité, qui permettent de conserver des trafics ferroviaires, sur des lignes que la SNCF n'est pas en capacité de gérer parce que ses moyens sont trop importants : quand elle arrive, c'est avec un locotracteur, le conducteur, l'aiguilleur, le chef de service ; l'opérateur arrive avec une seule personne, qui peut tout faire.

Si aujourd'hui les ports allemands nous font une dure concurrence, c'est justement parce que, sur ces ports, interviennent des opérateurs de proximité qui vont chercher les wagons sur les quais et les amènent aux opérateurs ; de la sorte, le trafic de la plupart des ports allemands repart par le fer, ce qui n'est pas le cas chez nous. Une expérience a été menée en région Centre ; il est souhaitable qu'il y en ait d'autres et que l'on développe en France des opérateurs de proximité qui aillent chercher les wagons et les remettent à l'opérateur ferroviaire.

Il faut certes augmenter les péages sur les lignes TGV. Si en 2010 la « Deutsche Bahn » assure un Francfort-Marseille, il serait anormal qu'elle ne s'acquitte pas d'un péage, puisque c'est la France qui a payé cette ligne. Nous avons considéré que, dans le cadre de l'ouverture à la concurrence, il convenait d'augmenter les péages, notamment sur ces lignes. Mais comme l'a estimé M. André Chassaigne, il ne faut pas que ce péage crée des inégalités entre les différents réseaux du territoire.

Enfin, quand l'État sera moins « nécessiteux », il devra se pencher sur le problème que posent les 27 milliards d'euros d'endettement de RFF et trouver les moyens de rembourser cette dette. Quand on a créé RFF en 1997, on y a « logé » la dette de la SNCF. Cette dette n'a fait que s'amplifier. C'est un beau sujet pour les ministres du budget des années à venir !

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