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Intervention de Michel Aglietta

Réunion du 2 octobre 2007 à 16h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Michel Aglietta, économiste :

a souligné que l'effet de richesse inversé jouera forcément. On peut définir l'effet de richesse par le fait que les ménages peuvent consommer plus que leurs revenus courants lorsque l'accroissement du prix de leurs actifs leur permet d'obtenir du crédit supplémentaire et meilleur marché. Aujourd'hui, la richesse des ménages baissant massivement du fait de la chute des prix de l'immobilier – laquelle est loin d'être achevée –, le crédit devient plus cher. En conséquence, conformément au lissage intertemporel de la consommation, les ménages vont consommer moins que leurs revenus. Une étude récente, réalisée par M. Frederic Mishkin, gouverneur de la Fed, a mis en évidence tous les canaux de transmission entre la situation des ménages et l'économie globale.

Par ailleurs, beaucoup de ménages vont se trouver soumis à des contraintes de cash flow pour rembourser des crédits avec des taux d'intérêts qui auront augmenté. C'est en 2006 que la masse énorme des prêts subprime a été réalisée, si bien que la réévaluation des taux interviendra en 2008, et ce pour des ménages déjà extraordinairement endettés. L'hypothèse moyenne est qu'il en coûtera 1 % de croissance de la consommation aux États-Unis l'année prochaine. Il est heureux, à cet égard, que la Fed n'ait pas attendu que le processus économique soit déjà engagé, car il aurait alors été trop tard. Comme à l'époque de M. Greenspan, la Fed fait du risk management. Elle a donc baissé massivement ses taux bien avant que les effets économiques ne soient tangibles, sachant qu'une baisse de taux ne produit ses effets qu'à échéance de six mois au minimum. Les menaces qui se profilent pour le printemps pourraient donc être écartées par l'action actuelle.

L'autre risque important est la baisse du dollar, qui se poursuivra inévitablement puisque les taux d'intérêt américains baisseront plus qu'ailleurs et que le rendement des actifs en dollars diminuera par rapport aux autres monnaies.

Si le glissement du dollar est assez régulier, il n'y a pas lieu de s'inquiéter, car cela permettra aux États-Unis de rétablir une partie de leur balance commerciale et, par ricochet, de restabiliser le dollar tout en soutenant la conjoncture. Cependant, au vu de la dette accumulée vis-à-vis des non-résidents, on peut craindre que de gros investisseurs institutionnels du monde entier, perdant patience devant la faible rentabilité des actifs en dollars, ne réalisent des arbitrages et ne fassent basculer la monnaie américaine dans la crise. L'économie mondiale entrerait alors en récession : les taux d'intérêt longs des États-Unis monteraient au lieu de baisser et le financement du déficit courant se reporterait de l'extérieur vers l'intérieur.

Beaucoup de choses tiennent donc au doigté de la Fed, comme à chaque période de crise. On l'a vu au Japon : une politique trop attentiste de la part de la banque centrale peut enfoncer dans la récession un pays déjà en crise financière.

Au sujet des agences, il est bien connu, en théorie économique, que le moins efficace des marchés est l'oligopole, puisqu'il prélève des rentes importantes sur l'économie. À un moment où l'on déréglemente de nombreux marchés de service public, il est scandaleux que l'on n'incite pas au développement de la concurrence entre les agences. La titrisation devenant universelle, la place est libre pour la création de nombreuses agences concurrentielles.

Le Président Didier Migaud a remercié les personnalités invitées et souligné le grand intérêt de ces échanges, qui cependant n'épuisent pas le sujet. La commission des Finances se devra de poursuivre sa réflexion afin de présenter des propositions.

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