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Intervention de Jean-Pierre Mustier

Réunion du 2 octobre 2007 à 16h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Jean-Pierre Mustier, directeur général adjoint du groupe Société Générale :

, revenant sur la question de savoir s'il y a eu crise ou non, a remarqué que l'indice Dow Jones a atteint le 1er octobre son plus haut niveau historique. Sans doute cette hausse est-elle imputable à la baisse des taux d'intérêt de la Réserve fédérale, mais on constate surtout une déconnexion entre l'approche des investisseurs en actions et l'approche des investisseurs de crédit ou celle des banques dans la gestion de leurs liquidités. Les investisseurs en actions conservent une vision positive. Celle-ci est peut-être aujourd'hui décalée, mais elle se traduit par un mouvement de confiance assez fort quant à la capacité des entreprises à continuer d'accroître leurs profits et à la valorisation des marchés d'actions par rapport au marché de taux d'intérêt. Il convient donc de relativiser la crise et de ne pas ressasser ce sujet : il est préférable d'étudier les moyens permettant d'évoluer.

Par ailleurs, si les appels à la transparence sont légitimes, nul ne peut dire aujourd'hui où sont les risques des subprimes, puisque ceux-ci ont été divisés, répartis et vendus. Il s'agit d'un mauvais débat : dans un marché « désintermédié », l'important est de s'assurer que les principaux intervenants – banques, intervenants régulés – sont transparents sur leurs résultats et leurs risques et que les produits qu'ils vendent à leurs clients sont conformes à ce principe de transparence. En revanche, on ne saurait déterminer où est le risque pour le tracer et l'inclure dans un environnement réglementaire : ce n'est pas le bon débat.

La « désintermédiation » permet de donner beaucoup plus d'amplitude au marché du crédit, ce qui a pour effet de soutenir la croissance économique. S'y opposer serait une erreur. Au demeurant, le marché des actions est depuis longtemps « désintermédié » : lorsque la bourse baisse, on ne cherche pas où sont les pertes. Le marché du crédit est en train de connaître la même révolution. L'important est de s'assurer de la transparence des banques sur leurs risques et sur leur solvabilité, et de retravailler l'ensemble des processus de gestion de la liquidité, dont il faut reconnaître qu'ils ont été quelque peu oubliés.

De plus, la nouvelle directive sur les marchés d'investissement permettra de s'assurer que les banques vendent les bons produits aux bons intervenants. Elle donnera en fait un cadre réglementaire à ce que les banques pratiquent depuis longtemps, tout en formalisant la transparence de l'information sur les produits vendus.

Il faut donc accepter que le crédit se « désintermédie » et trouver la manière de bien encadrer ce processus. À cet égard, il n'est pas certain que la création d'un marché organisé de la titrisation, forcément très complexe, résolve le problème. Bâle II permettra déjà d'encadrer la titrisation, puisque les engagements hors bilan de titrisation donneront une charge de fonds propres pour les banques. S'agissant des règles de liquidité, chaque banque doit pratiquer l'autodiscipline et s'assurer, dans des marchés où il leur revient de financer des actifs servant à la transformation de certains produits, que les financements sont adéquats. Dans cet ordre d'idées, la liquidité doit être bien distinguée de la solvabilité.

En ce qui concerne l'impact de cette crise très spécifique sur l'économie, les économistes prévoient un ralentissement de la croissance aux États-Unis et en Europe mais pas de récession. Il existe certes un risque découlant de la possibilité d'un effet richesse inversé. Les mises en vente de maisons se multiplient aux États-Unis et l'on sait que le consommateur américain finançait en fait la croissance en pratiquant l'« equity withdrawal ». Assurément, cet angle de financement va disparaître. Si le risque de récession n'existait pas, la Réserve fédérale n'aurait pas baissé ses taux de 0,5 point. Ira-t-on très loin dans le ralentissement ? Ni les marchés d'actions ni les économistes ne le laissent à penser, mais la probabilité est plus importante qu'au mois de juin.

Pour ce qui est enfin du refinancement, on notera que les entreprises ont pu se refinancer grâce à la « désintermédiation » du crédit, avec des « spreads » – coûts du crédit imputés par les banques au-delà du taux d'intérêt des banques centrales – qui ont été divisés par plus de deux sur les trois dernières années. Tout le monde voulant investir dans le crédit, les entreprises ont trouvé des conditions de refinancement particulièrement attractives, à des taux beaucoup trop bas par rapport au degré de risque. Dans ces conditions, les banques détruisaient de la valeur en prêtant aux entreprises.

On assiste aujourd'hui à un retour à la normale. Les « spreads », certes toujours très bas, vont revenir au niveau de fin décembre 2004. Le refinancement sera donc un peu plus cher pour les entreprises mais les taux resteront raisonnables. En revanche, en cas de récession avérée, la règle du jeu changera : il y aura une restriction du crédit et les intervenants travailleront différemment. Néanmoins les conditions ne paraissent pas réunies aujourd'hui pour laisser prévoir un retournement de la croissance.

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