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Intervention de Michel Herbillon

Réunion du 25 mars 2009 à 10h00
Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Herbillon, rapporteur :

Cette proposition de résolution sur la réforme du fonds européen d'ajustement à la mondialisation (FEM) a été adoptée le 4 mars dernier par la Commission chargée des affaires européennes, dont j'étais le rapporteur.

Plus de deux années après la création, en 2006, de cet outil susceptible d'être mobilisé en urgence pour contribuer au financement de mesures destinées à favoriser la réinsertion ou la reconversion de salariés touchés par un licenciement lié à la mondialisation – c'est-à-dire à l'évolution du commerce international –, l'évaluation de sa mise en oeuvre a révélé que le FEM était loin d'avoir tenu toutes ses promesses. En outre, la crise actuelle pose avec acuité la question de la nature du fonds.

La Commission européenne a donc suggéré en décembre dernier, dans une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil, certaines modifications du règlement fondateur du FEM de 2006 : c'est le texte que nous examinons aujourd'hui.

J'évoquerai d'abord brièvement les raisons expliquant le bilan insuffisant du FEM. L'objectif consistait à affecter chaque année 500 millions d'euros au soutien à la réinsertion et la reconversion professionnelles des salariés pour lesquels était clairement établi le lien entre le licenciement et l'évolution du commerce international et de la situation économique liée à la mondialisation. Il était alors prévu que 35 000 à 50 000 salariés en Europe seraient appelés à bénéficier de ce fonds chaque année.

En pratique, le FEM finance l'aide à la recherche d'emploi, les mesures de reconversion, des dispositifs de valorisation de l'entreprenariat, des aides au développement des formes d'emploi indépendant et à la création d'entreprises ainsi que divers compléments de revenus spécifiques à caractère temporaire.

Seules les mesures d'aide « actives » sont financées. En outre, les aides du fonds sont conçues comme des interventions complémentaires d'actions similaires mises en oeuvre dans les États et ne pallient donc pas une absence de protection face à la perte d'emploi : il n'y a pas substitution. Le montant de la contribution du fonds est plafonné à 50 % du total de la dépense engagée.

Le règlement de 2006 a bien précisé qu'un lien doit être établi entre les pertes d'emploi subies et des transformations profondes de la structure des échanges commerciaux internationaux, comme une délocalisation économique vers un pays tiers. Par ailleurs, les pertes d'emploi doivent s'élever à un minimum de 1 000 licenciements, sur une période de quatre mois en cas de restructuration d'une seule entreprise, en tenant compte des effets en aval et amont de la filière, ou sur une période de neuf mois pour un même secteur et dans un bassin d'emploi lorsque ne sont concernées que des entreprises de moindre taille. Ce critère avait été retenu de manière à limiter l'intervention du fonds aux restructurations d'une certaine ampleur. Enfin, la durée d'intervention du fonds est limitée à douze mois à partir de la date de la présentation de la demande par l'État.

Le bilan de ce règlement est demeuré très en deçà des prévisions. Au total, quinze dossiers seulement ont été présentés et, sur les 500 millions d'euros susceptibles d'être consacrés chaque année au financement des aides par le FEM, les aides attribuées à ce jour ne représentent que 22 millions d'euros au titre de l'année 2007. Le nombre des salariés aidés au cours des dix-huit premiers mois d'activité du fonds n'a été que de 15 000 alors qu'il aurait pu approcher 75 000 selon les prévisions initiales.

Pourquoi ce bilan mitigé ? Cela tient aux critères cités plus haut, qui se sont révélés trop restrictifs. De même, le plafond de 50 % retenu pour le taux de cofinancement des mesures par le fonds a pu apparaître dissuasif. En outre, le mécanisme très complexe régissant la mobilisation du FEM – on peut aller jusqu'à parler de tuyauterie – a entraîné une certaine réticence des États à s'engager dans cette procédure. En pratique, les États sont en effet dans l'obligation de faire une avance au fonds avant même de savoir si leur dossier sera accepté. Par ailleurs, la preuve du lien entre les restructurations et la mondialisation peut être difficile à apporter dans certains cas.

Dans un contexte international que l'on pourrait dire de tsunami économique et financier, l'un des objectifs de la réforme proposée, rappelé par la Commission européenne, consiste à tenir compte des répercussions économiques et sociales de la crise.

En décembre dernier, la Commission européenne a donc pris l'initiative des quatre principales modifications soumises aujourd'hui à notre attention : l'élargissement du champ d'intervention du fonds aux salariés victimes des restructurations provoquées par la crise financière et économique ; l'abaissement de 1 000 à 500 licenciements du seuil conditionnant sa mobilisation ; l'augmentation du taux de cofinancement du fonds de 50 % à 75 % des dépenses éligibles ; l'augmentation d'un à deux ans de la période de mise en oeuvre des actions éligibles.

La Commission chargée des affaires européennes de l'Assemblée nationale a approuvé ces quatre modifications. Du point de vue de la France, ces mesures vont dans le bon sens et n'appellent aucune réserve. Je propose donc, monsieur le président, que notre Commission les approuve.

La Commission chargée des affaires européennes a néanmoins jugé que le dispositif pouvait être amélioré pour être plus efficace sur deux points.

La première amélioration concerne la prise en compte, pour l'appréciation du seuil des licenciements conditionnant la mobilisation du FEM, non seulement des licenciements entendus au sens strict, mais aussi de « toute rupture » des contrats de travail. De fait, compte tenu de l'évolution de notre législation, de nombreux plans de réduction d'effectifs font appel, au-delà du licenciement au sens juridique du terme, à des plans de départs volontaires négociés. Il serait donc souhaitable de prendre en compte dans les seuils d'éligibilité et de mobilisation du fonds les départs volontaires et les départs négociés. En revanche, ne sont pas concernés le non-remplacement de salariés partant à la retraite, ni le non-renouvellement de contrats à durée déterminée. La définition de ce périmètre est particulièrement importante dans le cas français, à l'heure où se développent les modes de rupture négociée des contrats de travail, tels que la nouvelle procédure de rupture conventionnelle du contrat de travail définie par la loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail.

La deuxième proposition d'amélioration porte sur la procédure à mettre en oeuvre préalablement à la mobilisation du fonds : l'État membre intéressé apporte à la Commission les éléments démontrant la recevabilité de la demande et la Commission accepte ou non celle-ci sur le fond. Il appartient cependant à la Commission européenne de faire ensuite une proposition au Parlement européen et au Conseil qui, en qualité d'autorités budgétaires, donnent ou non leur accord et, en cas d'avis favorable, fixent le montant alloué. Ce mécanisme est complexe et le délai supplémentaire provoqué par cette procédure d'autorisation budgétaire au cas par cas peut être évalué à quatre mois, limitant donc l'efficacité de la mise en oeuvre de l'aide. La Commission chargée des affaires européennes s'est prononcée pour la suppression de cette procédure et il pourrait être souhaitable de mettre en place une ligne budgétaire spécifique qui serait mobilisée beaucoup plus rapidement.

Enfin, la Commission chargée des affaires européennes a jugé indispensable que la révision engagée aboutisse dans les meilleurs délais, afin de permettre la mobilisation rapide d'un fonds dont l'objectif est, rappelons-le, de venir en aide aux personnes privées d'emploi.

Tel semble être aussi l'objectif poursuivi par la présidence de la Commission européenne. On peut donc raisonnablement penser qu'un accord pourrait être trouvé entre le Parlement européen et le Conseil – le présent texte faisant l'objet de la procédure de codécision – avant les élections européennes, soit au mois de mai 2009. La Commission de l'emploi et des affaires sociales du Parlement européen doit se prononcer sur le texte le 31 mars prochain.

Lors du Conseil emploi du 9 mars 2009, la question de la révision du règlement sur le FEM n'a pas fait l'unanimité, des réserves ayant été émises par certains États membres, notamment nordiques.

Il me semble donc d'autant plus important de réaffirmer, comme cela a été fait lors de l'examen de la proposition de résolution par la Commission chargée des affaires européennes, que nous soutenons cette réforme, compte tenu des propositions d'amélioration précédemment évoquées, qui permettraient une mobilisation plus rapide et plus efficace du fonds. Celui-ci doit devenir pleinement opérationnel et prendre sa place dans le cadre du plan de relance européen.

Je vous invite donc, monsieur le président, chers collègues, à adopter sans modifications l'article unique de la présente proposition de résolution.

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