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Intervention de Daniel Shek

Réunion du 13 janvier 2009 à 11h30
Commission des affaires étrangères

Daniel Shek :

Contrairement à la fois précédente, monsieur le président, mesdames, messieurs, c'est en effet dans une atmosphère de crise, voire de drame, que notre rencontre a lieu.

Ce qui, pour les uns, est une crise qui a commencé le 27 décembre, est pour les autres, notamment pour les habitants du sud d'Israël et de Gaza, un problème qui remonte à huit ans. Depuis huit années en effet, une proportion importante de la population israélienne n'arrive pas à mener une vie à peu près normale. Elle vit au rythme des alertes aux roquettes jusqu'à cinq fois par jour et par nuit, alertes qui lui donnent exactement quinze secondes pour se mettre à l'abri. Vous pouvez imaginer combien cela devient intenable à longueur de semaine, de mois, d'année : impossible de mener une vie familiale, éducative, professionnelle, économique normale. Tout gouvernement a la responsabilité majeure d'assurer la sécurité et la sérénité de ses habitants, et aucun ne peut accepter une telle situation.

Que faire dans ces conditions ? Nombre de méthodes ont, au cours de ces huit années, été essayées : ripostes et interventions militaires ponctuelles, opérations plus vastes, pourparlers par intermédiaires interposés, retrait de Gaza voilà trois ans. Aucun de ces moyens n'a amélioré la situation des habitants du sud du pays jusqu'à cette fameuse trêve qui a été organisée avec l'aide de l'Égypte et qui a donné six mois pendant lesquels le calme a tant bien que mal régné, même si, régulièrement, le Hamas venait rappeler, par des tirs de roquettes, qu'il existait encore.

À la fin annoncée de la trêve, le 19 décembre, une proposition de la prolonger est avancée par l'Égypte. Elle soulève un grand dilemme en Israël car cette trêve a surtout servi au Hamas pour tripler non seulement sa force de tir, mais également la portée des roquettes qui est passée de douze kilomètres à près de quarante aujourd'hui. Pourtant, Israël décide de répondre favorablement à la proposition égyptienne. S'ensuit alors, pour toute réponse du Hamas, dix jours de pilonnage par le Hamas de villes israéliennes de plus en plus éloignées.

C'est dans ce contexte, après avoir véritablement essayé toutes les autres méthodes, que la décision est prise en Israël de recourir à des mesures militaires de plus grande ampleur, avec toutes les difficultés que cela implique pour la vie d'un pays où l'armée est une véritable armée du peuple. Tsahal n'est pas en effet une entité abstraite. Ce sont des mômes de dix-huit à vingt ans, ce sont nos enfants, c'est mon fils, et ce n'est pas à la légère qu'Israël, sa population comme ses dirigeants, envoient ses enfants au front. Ce sont aussi des réservistes, donc des ouvriers, des avocats, des fonctionnaires, des journalistes qui auraient mieux à faire personnellement que combattre dans les ruelles de Djabâliya ou de Gaza.

Pourtant une cohésion extraordinaire de la société israélienne s'est créée autour de cette opération, contrairement à certains épisodes passés. Le sentiment profond est que trop c'est trop et qu'il existe une réelle justification pour une intervention militaire conséquente israélienne. Tel est l'état de l'opinion publique qui va de Benamin Netanyahou à Amos Oz c'est-à-dire de la droite jusqu'à la gauche militante pour la paix – les intellectuels de gauche israéliens se sont en effet exprimés de la manière la plus claire pour justifier l'action du gouvernement.

L'atmosphère aujourd'hui est bien à la cohésion, non au va-t-en-guerre. Ce n'est pas avec enthousiasme que l'opération a été lancée, mais par solidarité avec nos concitoyens, car dans une population de sept millions d'habitants il n'y a pas un Israélien qui ne compte pas parmi le million d'habitants du sud du pays, un frère, un ami, un parent d'un ami. C'est donc véritablement pour protéger son voisin, son prochain que le gouvernement a lancé l'opération.

L'objectif à cet égard est unique et très simple : rétablir une normalité acceptable dans la vie de presque 20 % de la population israélienne. Si la vie retourne à la normale dans le sud d'Israël, je ne doute pas qu'elle redevienne également normale pour les habitants de Gaza. Il existe une corrélation directe et automatique entre les deux.

La position d'Israël a toujours été que si les tirs de roquettes s'arrêtaient, il n'y aurait pas d'intervention sur le territoire gazaoui. Telle a d'ailleurs été la raison profonde du désengagement de Gaza voilà trois ans. Nous n'avons pas quitté ce territoire pour y revenir. Mais Gaza ne pouvait pas devenir non plus une menace pour la population civile israélienne sans que le gouvernement prenne ses responsabilités et réagisse. Tel est la raison de l'opération actuelle.

Pour autant, à parler franchement, il n'est pas question de revenir à la situation qui prévalait avant le 27 décembre. Si cette opération doit s'arrêter, c'est pour opérer un véritable et profond changement dans la région, qui bénéficie à la fois aux citoyens israéliens du Sud comme aux habitants de Gaza. Il n'est pas question de revenir au statu quo ante car quel sens cela aurait si, dans trois ou six mois, nous revenions à la même situation qui a déclenché la crise actuelle, c'est-à-dire avec un Hamas détenant à nouveau des quantités faramineuses d'armement ? Une règle d'or dans la marche du monde veut que lorsqu'une organisation terroriste comme le Hamas détient le matériel nécessaire pour nuire, ce n'est qu'une question de temps avant qu'elle ne l'utilise. Les événements de ces dernières semaines l'ont encore prouvé.

Nous sommes en guerre avec le Hamas, pas avec le peuple palestinien ni avec les habitants de Gaza. Le Hamas est une organisation terroriste, reconnue comme telle par la communauté internationale – elle figure sur la liste des organisations terroristes dressée par l'Union européenne, par la France, par les États-Unis et par toutes les autres organisations et pays de bonne volonté –, et qui doit être traitée comme telle. Il n'existe malheureusement pas d'autre méthode. Si le Hamas change, s'il cesse d'être une organisation terroriste, l'attitude devra changer, mais, pour le moment, il n'en est certainement pas question.

Pour en venir à la question de la disproportion de la riposte – et du problème des populations civiles –, elle m'inquiète, en tant qu'Israélien, probablement encore plus que la plupart des Français. La guerre est en effet disproportionnée par définition puisqu'il s'agit d'un combat entre, d'un côté, un État qui dispose d'une armée et où s'exercent des processus démocratiques d'élection mais aussi de contrôle du Gouvernement – et l'on sait combien l'autocritique existe dans la réalité politique israélienne ! –, et, d'un autre côté, une organisation qui n'est pas un État, que personne ne contrôle, qui ne répond pas aux instances internationales, qui n'obéit pas au droit international et qui commet systématiquement des crimes de guerre : se mêler, comme c'est le cas des dirigeants du Hamas, à la population civile, se cacher derrière des enfants et des femmes, installer son quartier général dans les caves de l'hôpital central Al Shifa de Gaza sachant fort bien qu'Israël ne le bombardera jamais, ce sont des crimes de guerre. Lorsqu'un policier tire sur un meurtrier qui a pris un civil en otage, il n'y a pas crime de la part du policier, mais crime de la part du preneur d'otage : le droit international utilise le même raisonnement pour les crimes de guerre.

Comment faire pour une société qui vit selon une éthique semblable à la vôtre, qui est une culture de la vie – nous croyons à la sainteté de la vie – quand elle est confrontée à une organisation qui cultive la culture de la mort, où le sacrifice de sa vie n'est pas considéré comme négatif ? Les dilemmes que cela entraîne sont nombreux, mais je tiens à dire de la manière la plus claire que Tsahal ne vise jamais des objectifs civils.

Je ne dis pas qu'il n'y a pas de victimes civiles. Je ne connais pas une guerre dans l'histoire de l'humanité où des civils n'ont pas souffert. Il n'existe pas de guerre positive, belle à regarder, agréable à mener. Les seules bonnes guerres sont celles que l'on a pu éviter.

Lorsqu'il y a des victimes civiles côté palestinien, sachez que ce sont des accidents, des pertes collatérales et qu'elles sont essentiellement de la responsabilité de ceux qui se cachent derrière les populations.

Je conclurai mon propos liminaire en abordant le sujet de la diplomatie. Il est opportun en effet, dans cette enceinte, de saluer l'action de la France. Le Président de la République et son ministre des affaires étrangères se sont, dès les premiers jours de la crise, impliqués personnellement, d'abord en recevant la ministre israélienne des affaires étrangères Tzipi Livni, le 1er janvier, soit quelques jours après le déclenchement des hostilités, puis, s'agissant du Président de la République, en se déplaçant dans la région. Cette action – sans entrer dans le détail – a déclenché quelque chose qui, à terme, pourra se révéler comme le fil conducteur vers la sortie de crise. Nous n'en sommes pas là, mais il n'en reste pas moins qu'un travail intense est mené entre Israël et l'Égypte notamment, afin de définir les paramètres permettant à la fois d'arrêter les hostilités et de ne pas revenir en arrière. Il faut un vrai changement pour que la tranquillité dépende d'un cessez-le-feu non pas temporaire mais pérenne.

Si le rôle de la France a été tel, c'est aussi grâce aux discussions que nous pouvons avoir, comme lors de notre dernière rencontre. Si des avancées impressionnantes ont eu lieu dans la qualité, la profondeur et l'ampleur du dialogue entre Israël et la France, c'est parce que la France est plus écoutée aujourd'hui en Israël que dans le passé et que les Israéliens ont le sentiment, grâce à ce dialogue intime, que les intérêts vitaux d'Israël y sont compris et que, à partir d'un point de départ très équilibré, la diplomatie de la France et son président peuvent se rendre utiles dans cette région très perturbée.

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