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Intervention de Luc-Alexandre Ménard

Réunion du 16 juillet 2008 à 17h15
Commission des affaires économiques

Luc-Alexandre Ménard, directeur des affaires publiques du groupe Renault :

a remarqué qu'il n'aurait certainement pas tenu il y a un an le discours qu'il s'apprête à tenir devant la commission. Sans doute le Grenelle a-t-il joué un rôle de levier. Nous sommes à l'aube d'un vrai changement qui va modifier notre relation à l'automobile. C'est maintenant qu'il faut s'y préparer puisque l'on connaît l'échéance du moteur thermique.

Ce changement repose sur trois piliers. Les deux premiers correspondent à ces difficultés traditionnelles dont on viendra à bout avec des ingénieurs et de l'argent. Le troisième représente en revanche une rupture sur laquelle Renault a fait porter son choix stratégique.

Premier pilier : réduire la consommation du moteur thermique. Les deux constructeurs français, ainsi que Fiat, ont atteint depuis cinq ans des résultats remarquables. Par contre, le sujet du CO2 rend leurs collègues allemands nerveux. Pour une fois, les Français sont calmes et techniquement bons. PSA, Renault et leurs équipementiers fabriquent les meilleurs petits moteurs diesel du monde.

Les progrès du moteur thermique ne sont pas terminés. Compte tenu des deux instruments sur lesquels joue le législateur, on se dirige vers une limitation à 130 grammes de CO2 par kilomètre. Le premier levier est réglementaire et relève de l'Union européenne : il faut certes arriver à un compromis acceptable avec les Allemands, mais il y a tout lieu de penser qu'une réglementation sera mise en place dans un délai raisonnable. Dès lors, il faudra aux constructeurs un délai de cinq ans environ pour atteindre l'objectif. Le second levier est fiscal. Au moment des discussions avec le ministère de l'écologie, les constructeurs ont approuvé l'idée du bonus-malus, ou « écopastille ». Il y a eu quelques critiques justifiées : pourquoi ne pas avoir pensé aux personnes âgées, aux familles nombreuses, aux ambulances ? On ne peut toutefois entrer dans des détails fins : force est de constater que l'instrument actuel fonctionne. C'est aussi le cas en Espagne ou aux Pays-Bas, où il est beaucoup plus sévère.

En dépit de cette efficacité, l'effet sera lent car le dispositif ne s'applique qu'aux voitures neuves, alors que l'essentiel des émissions provient du parc ancien. Il s'agit en outre d'un instrument qui détruit le marché unique européen, chaque pays inventant son propre système fiscal. C'est un cauchemar pour les ingénieurs ; une harmonisation entre les États est souhaitable.

Peu importe, pour Renault, le moyen par lequel on va parvenir à l'objectif, puisque tout ce qui est disponible sera mis à contribution : le downsizing, avec le moteur trois cylindres, le stop and start, qui est une sorte de mini-hybride, ou encore les gros véhicules hybrides de type Prius, du moins pour les personnes qui peuvent se le payer – il s'agit en effet d'une des acquisitions à la tonne de CO2 les plus chères du monde et Renault ne trouve pas normal que des mairies ou des régions accordent des subventions à l'achat de Prius pour certaines flottes.

Deuxième pilier, quelque peu oublié lors du Grenelle de l'environnement : les normes d'émissions polluantes. La réglementation a été arrêtée il y a environ deux ans et l'on en est à la phase de « comitologie », qui aboutira aux règlements techniques. Les normes Euro 5 entreront en vigueur en 2009 pour les nouveaux types de voitures et en 2010 pour tous les types de voiture. On aura alors réglé pratiquement à l'asymptote les problèmes d'émission de particules par les moteurs diesel. Pour le consommateur, l'effet sera désagréable puisqu'il devra payer le filtre à particules. Le problème des émissions de NOx et de NO2 sera quant à lui réglé en 2014 par les normes Euro 6. Celles-ci ont déjà été définies. Elles obligeront à installer un dispositif de plus, la trappe à NOx, qui représente encore un surcoût.

Il faut souligner, sous ces deux aspects, le rôle pionnier de l'Union européenne.

Troisième pilier : M. Carlos Ghosn a estimé que le public ne se tournera pas massivement vers les véhicules hybrides ; ce vers quoi l'on va aller, c'est le « zéro émission ». Cela suppose que l'on fasse le pari que l'on est capable de réaliser des véhicules électriques. Il ne s'agira pas de ceux que l'on fabrique depuis quinze ans et avec lesquels on a constitué des flottes captives – EDF, La Poste – disposant de structures de maintenance. L'idée est de passer au mass market : non plus 2 000 ou 3 000 véhicules par an, mais peut-être 30 % des ventes mondiales, pour reprendre une projection du Massachusetts Institute of Technology (MIT).

Il faudra franchir plusieurs étapes. Tout d'abord des batteries d'un poids, d'une puissance et d'un coût acceptables. Nous sommes aujourd'hui dans une phase critique. En grande partie grâce à l'alliance avec Nissan, Renault a décidé de passer de la partie recherche – même si la recherche restera déterminante – à un véritable programme. Il ne s'agit donc plus d'un projet. L'objectif est de produire des voitures en grande quantité à partir d'une date donnée dans trois pays : le Portugal pour Nissan, le Danemark et Israël pour Renault.

La réussite du programme n'est pas seulement affaire de coût et de subvention, même si cela sera nécessaire au début. Elle suppose que l'on change de culture automobile et que l'on adopte un nouveau business model. Le système de gestion sera complètement différent tant pour le client que pour la circulation. Il faudra mettre en place chez soi des bornes où l'on branchera la voiture, avec un compteur spécial. On pense atteindre rapidement un temps de recharge de trois heures, pour une autonomie de 250 kilomètres. Comme les pannes d'électricité risquent d'être plus fréquentes que les pannes d'essence, un système de gestion par GPS permettra de rassurer le conducteur. Il sera en outre possible de remplacer rapidement la batterie dans les stations-service.

Cette évolution semble plus à portée de main que la pile à combustible, par exemple, bien que M. Philippe Tourtelier ait pu conduire la semaine dernière la Renault Scenic qui en est équipée. Le Grenelle de l'environnement a contribué à préciser les choses. Bien entendu, Renault est loin d'être le seul constructeur à travailler sur ces sujets.

On aura noté que les pays choisis sont des pays où les distances sont courtes. L'idée est que la voiture électrique sera la voiture des trajets inter-banlieues : la voiture type de l'Île-de-France ou de la région lyonnaise. À l'intérieur de Paris, on peut très bien vivre sans voiture. C'est rarement le cas en banlieue et la voiture électrique peut apporter une solution.

Répondant à une question de M. Philippe Tourtelier sur la sécurité du moteur à hydrogène, M. Luc Bastard, délégué à l'environnement du groupe Renault, a précisé que le réservoir pèse 300 kilos pour une pression de 350 bars, une contenance de 3,5 litres d'hydrogène et une autonomie de 350 kilomètres. Le groupe Renault considère que cette technologie de réservoir fonctionne. Le problème principal de l'hydrogène est son mode de production, qui peut varier de 0 à 450 grammes de CO2 par kilowattheure, et de distribution. Pour le résoudre, il faudra des investissements considérables. En tout état de cause, la sécurité ne semble pas être l'obstacle principal.

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