Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Marc Touati

Réunion du 13 mai 2008 à 16h45
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Marc Touati :

Tout excès, par définition, est inefficace en économie. Le problème aujourd'hui, c'est que, si l'on crée trop de barrières, les banquiers, les ingénieurs réussiront à les contourner. On l'a vu avec Bâle 2 et, en particulier, les ratios prudentiels.

Seul un tiers de l'investissement des entreprises est financé par les banques. Donc il peut y avoir des banques américaines qui sont en difficulté mais, globalement, on a un investissement qui résiste grâce notamment à des taux d'auto-financement élevés et, parallèlement, à l'investissement massif de fonds d'investissement.

L'attitude de la BCE pose problème, car elle revient à faire passer le dogmatisme avant le pragmatisme. Si la Commission reçoit de nouveau M. Jean-Claude Trichet, je vous suggère de lui présenter l'article 105 du traité de Maastricht, dans lequel il est mentionné, noir sur blanc, que l'objectif principal, mais pas unique, de la BCE est la stabilité des prix. Il n'est nulle part écrit que c'est 2 % d'inflation, encore moins en tenant compte des prix de l'énergie sur lesquels la BCE n'a aucun pouvoir. Il est également précisé, au même article, que la BCE peut soutenir les objectifs de l'article 2, lesquels sont justement la croissance, le bien-être, la qualité de vie et l'emploi. Il n'est pas besoin de changer de traité. L'objectif de croissance est implicitement compris dans l'action de la BCE, telle que définie par ses statuts. Mais on lit mal ces statuts ou, par dogmatisme, on ne veut pas regarder la réalité en face.

Quant à la nouvelle bulle, c'est celle des matières premières. Il y a un mobile objectif : une éventuelle pénurie, une demande grandissante des pays émergents, une offre qui ne suit pas. Mais, aujourd'hui, l'explication n'est pas suffisante. Les mouvements sont dus, pour une partie – pour moitié ou davantage – à la spéculation, et c'est inévitable. Quand un baril qui coûte 10 dollars en Arabie Saoudite est vendu 120 dollars, cela pose quand même un problème.

La pire des bulles est celle des matières premières. Après la bulle Internet, il reste des sociétés. Après une bulle immobilière, il reste les immeubles. Après une bulle des matières premières, il ne reste rien.

Tout est lié. Si, demain, la BCE baisse les taux, ce que j'espère – elle devrait le faire à partir de septembre –, l'euro normalement baissera, le dollar se réappréciera et, du coup, le prix du baril diminuera et tout se débloquera. Se féliciter aujourd'hui d'un euro cher en croyant qu'il nous protège contre un baril cher est une erreur. Quand la Réserve fédérale américaine a baissé les taux d'intérêt moins que ce qu'avaient anticipé les marchés, ceux-ci ont eu le sentiment qu'il y avait un pilote dans l'avion, c'est-à-dire le président de la Réserve fédérale, qui contrôle ce qu'il fait : il veut bien baisser les taux pour éviter la récession, mais il ne fait plus n'importe quoi, il ne va plus trop loin.

On attend maintenant un co-pilote. On attend que la BCE fasse le même mouvement. Comme elle tarde à le faire, on le paiera, malheureusement. L'histoire se répète.

Quant au problème de la morale, on peut dire, en voyant que les banques françaises ont fait 11 milliards de perte sur les subprimes, que la facture est en partie payée, l'enjeu étant que cela ne fasse pas tâche d'huile sur l'ensemble de l'économie. Aujourd'hui, on y est.

Je pense que l'euro baissera mais on n'en sentira l'impact qu'en 2009. On peut s'attendre, en 2008, à une croissance très molle, en 2009, à un rebond dans la zone euro mais toujours sous les 2 %. Ce n'est qu'en 2010 que, si tout va bien, elle dépassera les 2 % dans la zone euro. Encore une fois, l'histoire se répète.

Le Président Didier Migaud : Comment expliquer que les Allemands, qui semblent également souffrir d'un euro fort, soient aussi fébriles dès qu'on met tant soit peu en cause le dogmatisme de la BCE ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion