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Intervention de Xavier Timbeau

Réunion du 13 mai 2008 à 16h45
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Xavier Timbeau :

Quand on parle de régulation, on ouvre une boîte qui est terriblement complexe. Il faut précisément dire ce qu'on fait, avec quel objectif et quel impact. Ce n'est vraiment pas simple. Prêter aux banques qui ont des difficultés de trésorerie au motif qu'elles sont un maillon indispensable peut paraître une évidence dans une situation de crise mais il faut se demander ce que cela change à la rentabilité de la banque et pourquoi on donne une facilité à un agent économique et pas à un autre. Comment fait-on pour contrebalancer cet avantage ? Toute régulation nécessite d'être contrôlée, ce qui est horriblement difficile, d'autant plus aujourd'hui que ceux qui sont les plus actifs promoteurs de cette régulation sont précisément ceux qui viennent de perdre. Sont-ils véritablement crédibles pour expliquer et décrire la régulation qu'il est nécessaire de mettre en place ? Je n'ai pas toute la réponse mais j'ai une petite idée.

Les régulations avancées aujourd'hui n'en ont que le nom, et sont en fait le produit de comportements de lobbying, tout à fait nets, légitimes et logiques, qui utilisent une capacité et un pouvoir à un moment donné. Il ne faut pas être naïf. La régulation est une utopie. Le travail et la bonne volonté nécessaires pour la réaliser rendent la route longue, difficile et semée de bien des déceptions.

Regardons l'évolution des profits des banques en Europe et aux États-Unis. Dans ce dernier pays, le taux de profit est comparable à celui des entreprises des autres secteurs. Le monde des banques est assez ouvert et concurrentiel. Dernièrement, le profit des banques est devenu négatif. Elles affichent des pertes. En Europe, depuis une dizaine d'années, en particulier depuis l'euro, le secteur des banques est relativement peu ouvert et ses progressions de profits sont hors de la normale. La capitalisation boursière des banques dans la zone euro connaît une bulle comparable à celle des entreprises de télécom il y a à peine dix ans. Comment se fait-il que les banques arrivent à extraire autant de rentes en Europe ? Alors que la crise des subprimes provoque un ralentissement de la croissance de leurs profits, elles parviennent à les maintenir des niveaux largement supérieurs à ceux des banques américaines ? C'est parce qu'on a mis en place, en Europe, une régulation qui est à l'avantage des banques. Les directives de concurrence ne s'appliquent pas à elles. Elles sont sous l'autorité d'un régulateur central bienveillant, la Banque centrale européenne. Le système européen des banques centrales agit nationalement, sans logique d'ensemble. Les banques sont exemptes de toutes les contraintes qui ont été imposées aux entreprises européennes. Elles tirent des rentes phénoménales de cette situation de non-régulation concurrentielle. Voilà ce qui se passe avec une régulation mal comprise, mal digérée et mal mise en place. On privilégie certains acteurs par rapport à d'autres.

Je suis fondamentalement favorable à la régulation. Une économie non régulée est instable. Mais il faut faire particulièrement attention aux pièges de la régulation, d'autant plus qu'il s'agit de régulations partielles, très difficiles à mettre en place car réclamant des moyens coercitifs adaptés. Il est facile, pour la Réserve fédérale, au moment de la crise des Caisses d'épargne, de les nationaliser. Il est extrêmement difficile aujourd'hui de réaliser la même chose à l'échelon de la finance mondiale, parce que des hedge funds sont la propriété de banques européennes ou américaines et que tout ce qui s'y passe est caché et échappe aux régulations. Que signifie, dans ce cadre, réguler ? Si l'on veut interdire les paradis fiscaux, pourquoi ne le fait-on pas aujourd'hui ?

La courbe des taux actuelle montre que cette question est loin d'être résolue. Les banques centrales américaine et européenne ont agi de façon à résoudre les problèmes de financement à très court terme, c'est-à-dire entre une semaine et un mois, mais, au-delà, sur le marché interbancaire, on ne voit pas fonctionner correctement les choses. Des primes de risque sont payées par les établissements bancaires. En particulier, ils se refinancent à long terme et n'utilisent plus le marché interbancaire. Cela leur pose des problèmes de gestion insupportables parce qu'ils ont une structure de financement complètement bouleversée. Je pense que cela pèse surtout sur les banques et assez peu sur les entreprises, qui se financent plutôt à long terme, c'est-à-dire au-delà d'un an. On s'aperçoit que les marchés d'obligations à un an sont beaucoup moins perturbés, et probablement moins risqués que les marchés interbancaires, parce que les procédures de défaut sont incluses dans ce type de marchés. Le marché bancaire repose sur l'hypothèse qu'il n'y a pas de défaut des acteurs. Aujourd'hui, le marché interbancaire à trois mois continue à ne pas fonctionner.

La crise continue. Elle n'est pas résolue malgré l'intervention des banques centrales, la baisse des taux américains et les facilités de financement accordées. On reste dans une situation entièrement ouverte.

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