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Intervention de Jean-Hervé Lorenzi

Réunion du 13 mai 2008 à 16h45
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Jean-Hervé Lorenzi :

Deux philosophies totalement différentes s'opposent chez les économistes. Les deux sont tout à fait sympathiques et respectables.

La première est celle de MM. Timbeau et Touati. Ils considèrent que la crise présente est comme celles qui apparaissent de manière régulière et cyclique, qui sont une revanche du réel sur le financier et qui ont, de ce fait, un côté positif. Je ne pense pas ainsi. Pour moi, 2008 sera, non pas l'année du millénaire, mais quand même une année très exceptionnelle. C'est la même crise en Afrique, sur les marchés financiers et sur le pétrole. Nous assistons à un changement complet du fonctionnement de l'économie mondiale.

Je me permets d'élargir un peu la discussion car il faut savoir ce dont on parle au fond. On peut en déduire ensuite des tas de propositions, y compris sur ce que doit faire M. Trichet.

Au moment de la chute du mur de Berlin, on s'est dit que tout le monde fonctionnait désormais de la même manière et on a vécu sur l'illusion que cela se traduisait par une généralisation du marché et que le modèle générique de l'économie de marché était le capitalisme anglo-saxon. Or ce dernier est une mécanique datée, précise, qui ne va pas connaître dans les prochaines années des jours aussi heureux que d'aucuns le prétendent. C'est une économie financière totalement désintermédiée, dans laquelle le système bancaire ne joue pas le même rôle que dans les autres pays européens. Je suis surpris quand j'entends dire qu'il n'y a pas de découplage. Ces économies sont tellement différentes qu'il n'y a aucune raison pour qu'elles soient liées de manière aussi évidente qu'on le dit. Le dispositif a, au fond, fonctionné de manière assez efficace et assez idéologique, sur la base de processus de régulation et de normes comptables liés au capitalisme anglo-saxon. Mais le capitalisme continental, celui de la France, ce n'est pas celui-là. Il a des règles de rentabilité et des modes de fonctionnement du marché, économique et financier, différents. On a considéré qu'il fallait conserver les mêmes mécanismes : le Fonds monétaire, le G7 puis le G8. On a juste introduit l'OMC. En réalité, aucun de ces organismes de régulation n'est capable de gérer l'économie mondiale telle qu'elle est.

Ce qui est en train de se passer n'est pas une crise comme les autres, ni un simple accident historique, selon un cycle. C'est une crise financière majeure dont on n'est pas sorti. On est face à une dérive de 1 000 milliards de dollars. Le montant de la titrisation est de 40 000 milliards de dollars. Peut-être 300 milliards seulement sont-ils concernés. Ce n'est pas ma conviction mais l'avantage en économie est qu'on peut vérifier les choses par la suite. On a laissé l'endettement dériver totalement, tout le monde étant au courant depuis des années, en pensant que l'équilibre totalement branquignolesque des déficits majeurs des comptes américains pouvait perdurer. Tout cela s'écroule et, faute de mécanismes de régulation, le pétrole augmente. Je me permets de rappeler que nous avions écrit, il y a deux ans, « Un monde de ressources rares ». On n'aura pas de quoi nourrir 9 milliards de personnes avec ce dont on dispose aujourd'hui.

La crise actuelle résulte de ce que, à l'illusion fondée sur un système de régulation, un capitalisme anglo-saxon et une économie de marché, se substituent des capitalismes qui sont en compétition majeure : les hausses des prix du pétrole et de l'agroalimentaire sont dues à la compétition entre grands groupes de pays. Je pense que nous sommes entrés, en 2008, dans une guerre économique, dont on voit les premiers effets.

La crise financière est extrêmement dangereuse. Je comprends qu'on veuille faire payer ceux qui n'ont pas bien agi et que l'on retrouve les accents moraux de notre jeunesse mais si, d'aventure – qu'à Dieu ne plaise – se produisait un nouveau choc majeur, sans qu'on puisse réguler quoi que ce soit, cela renverrait certes à l'économie réelle – même si j'aimerais savoir ce qu'est exactement l'économie réelle des pays développés – et l'on verrait le secteur industriel américain reprendre de la vitalité, …

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