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Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 26 septembre 2008 à 13h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi :

Je souhaite faire le point avec vous sur le contexte économique et le scénario macroéconomique retenu pour 2008 et 2009 dans ce projet de loi de finances. Je vous présenterai ensuite la politique fiscale que traduit ce texte, avant qu'Éric Woerth ne vous parle du budget, de la maîtrise des dépenses et de la trajectoire de déficit qui lui est associée.

Ma présentation ne se limitera pas à l'année 2008-2009, puisque j'évoquerai aussi le cadrage macroéconomique pour la période 2009-2012.

Quelles sont les caractéristiques de ce budget ? C'est d'abord un budget de vérité. Compte tenu de la situation économique, nous l'avons bâti sur une hypothèse de croissance prudente, que je qualifierai de « conservatrice ». C'est ensuite un budget orienté vers la croissance durable. C'est, enfin, un budget qui s'inscrit dans un souci de justice fiscale – avec le débat sur les niches, sur lequel je reviendrai à propos de la politique fiscale.

L'environnement économique reste difficile : au deuxième trimestre 2008, la croissance a été de moins 0,2 % dans la zone euro. Elle s'est établie à moins 0,3 % pour la France, en raison notamment du repli de nos exportations et d'un contexte international très dégradé. Nous ne sommes pas isolés : sur la même période, la croissance a été de moins 0,5 % en Allemagne, moins 0,3 % en Italie et moins 0,7 % au Japon. Ce contexte est cependant très différent des épisodes de croissance négative antérieurs. Même la récession du début des années 1990, née de la réunification allemande, de taux d'intérêt très élevés, d'un taux de chômage de 10,8 % et d'agents privés devenus largement insolvables, n'a guère à voir avec la situation actuelle. Le taux de chômage – 7,2 % – est en effet à son plus bas niveau depuis 1983, les agents sont nettement plus solvables et le crédit bancaire ne s'est pas effondré en France. Les fondamentaux de l'économie ont bien résisté au premier semestre : le crédit aux agents privés a continué de croître, de 11 % en juillet, tout comme les créations d'entreprise, avec 29 000 à 30 000 créations chaque mois. La France a en outre amélioré sa situation relative par rapport à la moyenne de la zone euro, qu'elle est en train de rattraper.

Depuis juillet, un certain nombre de mécanismes de rééquilibrage sont à l'oeuvre. Malgré un environnement international difficile et l'approfondissement de la crise financière aux États-Unis, deux éléments favorables perdurent. Après une augmentation de près de 95 % en dix mois, le prix du baril de pétrole connaît un net décrochage. De même, alors que nous étions arrivés à un taux de change de 1,60 dollar pour un euro, nous sommes redescendus aux alentours de 1,44 nonobstant les sérieuses difficultés financières que nous connaissons aujourd'hui.

On peut donc espérer que la situation s'améliore graduellement, à partir d'un point bas au premier trimestre 2009, puisque l'année s'ouvrira avec un très faible acquis de croissance.

L'environnement international est aujourd'hui marqué par une grave crise financière, conséquence d'un profond dérèglement du fonctionnement des marchés financiers, qui trouve son origine aux États-Unis. Après des années marquées par une abondance de liquidités et des taux d'intérêt très bas, le secteur financier fait depuis un mois l'objet d'une véritable purge. La prévision de croissance des États-Unis pour 2009 s'établit donc à 0,5 %, contre 1,6 % pour 2008.

La zone euro n'est certes pas immunisée contre les effets de cette crise, mais sa situation économique et financière est différente de celle des États-Unis. Les désordres interbancaires y sont en effet beaucoup moins graves. Les agents y sont restés beaucoup plus solvables et sont pour l'essentiel endettés à taux fixe. Les effets de richesse y jouent moins. Enfin, l'ajustement immobilier est beaucoup plus graduel en France qu'aux États-Unis ou dans des pays comme l'Irlande ou l'Espagne. Malgré des pertes importantes, notre système financier demeure donc solide. Contrairement à nombre de banques américaines, qui dépendent à 100 % de leur activité de marché ou d'investissement, les grandes banques françaises tirent 75 % de leurs revenus de l'activité de dépôt. Il semble donc que nos acteurs financiers puissent mieux résister à la crise actuelle.

Comme la plupart des économistes, le Gouvernement s'attend donc à un redémarrage de l'activité à partir du printemps 2009. Nous sommes convaincus que c'est la poursuite de la réforme qui permettra à notre économie de résister à un environnement international défavorable et de bénéficier à plein de la reprise de la croissance.

Au-delà de la loi TEPA, de la loi de modernisation de l'économie et de la réforme du crédit impôt recherche, la politique de l'emploi contribuera à améliorer le fonctionnement de notre économie. Elle est ciblée sur les populations les moins insérées et les plus éloignées du travail – je pense aux seniors, avec le plan que nous avons annoncé en juin, aux jeunes des quartiers défavorisés, avec un objectif de 45 000 contrats d'autonomie signés pour cette année, et aussi à la réforme de la formation professionnelle, que nous mettrons en oeuvre avant la fin de l'année.

La prévision de croissance pour 2008 – 1 % – est conforme à celle de l'OCDE. Les circonstances économiques nous ont bien sûr conduits à la réviser régulièrement au cours des douze derniers mois, mais elle est toujours restée conforme, à 0,1 % près, à celle du FMI, de la Commission européenne ou de l'OCDE.

Le Gouvernement s'engage, comme il l'a fait auprès de nos partenaires européens et de la Commission, à ce que le déficit public n'atteigne pas 3 % du PIB et, ainsi que cela a été convenu lors du Conseil ECOFIN informel de Nice au début du mois, à laisser jouer les stabilisateurs automatiques.

J'en viens à la politique fiscale, que je qualifie de cohérente : le volet fiscal de ce budget s'inscrit en effet dans la continuité de la politique que nous menons depuis un an.

J'ai publié début juillet un document sur la mise en perspective de la politique fiscale. Elle vise bien sûr le retour à l'équilibre des finances publiques. Compte tenu des aléas qui pèsent sur la croissance, le Gouvernement s'est donné comme cadre de travail un taux de prélèvements obligatoires stable de 43,2 % sur la période 2008-2012. Pour mémoire, ce taux s'élevait à 43,9 % en 2006 et à 43,3 % en 2007. Cette stabilité des prélèvements obligatoires sur la période n'empêche pas de faire évoluer telle ou telle imposition à la hausse ou à la baisse, dès lors que les prélèvements obligatoires dans leur ensemble restent stables.

Sur la période pluriannuelle, le montant net des allègements d'impôts, c'est-à-dire les diminutions d'impôts moins les augmentations d'impôts, s'élève à plus de 10 milliards d'euros. Ce calcul prend en compte les dispositions du projet de loi de finances pour 2009. Parmi les baisses d'impôts figurent naturellement celles qui résultent de la loi TEPA – dispositif relatif aux heures supplémentaires, allègement des droits de succession, crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt pour l'acquisition d'une résidence principale –, ainsi que le crédit impôt recherche, la suppression de l'impôt forfaitaire annuel, qui est l'une de nos principales propositions pour les trois prochaines années, ou encore l'incitation à l'intéressement. Au titre des hausses figurent le financement du RSA et de l'audiovisuel public, la fiscalité environnementale ou les mesures de redressement de la sécurité sociale.

Notre politique fiscale est au service d'objectifs économiques, au premier rang desquels figure la stimulation de l'investissement. La loi de finances pour 2008 a ainsi prévu le triplement et la simplification du crédit impôt recherche et la possibilité d'affecter l'ISF au financement des PME. Nous proposons aujourd'hui de supprimer l'impôt forfaitaire annuel en trois ans. Le Président de la République nous a en outre engagés à réfléchir à la suppression de la taxe professionnelle avec les représentants des différents échelons territoriaux.

Autre objectif : plus de justice fiscale et d'équité fiscale. Trois des quatre niches fiscales non plafonnées jusqu'à présent – le régime dit « Malraux », les réductions d'impôts au titre des investissements outre-mer et le régime des loueurs en meublé professionnels – seront plafonnées.

Dernier objectif, une croissance durable, avec les dispositifs facilitant l'investissement dans la rénovation de l'habitat ou dans l'accession à la propriété d'immeubles conformes à la norme la plus exigeante. Nous améliorons les dispositifs existants – on dit alors qu'on les « verdit » –ou nous élargissons le champ d'application de mécanismes de type prêt à taux zéro, qui concerneront non plus seulement l'accession à la propriété, mais aussi l'amélioration de l'habitat et la mise aux normes environnementales. Parmi les autres mesures au service d'une croissance durable figurent encore des aides à la filière bois et à l'agriculture biologique, une hausse de la TGAP destinée notamment à encourager le recyclage des déchets, une réduction progressive de la défiscalisation des biocarburants, processus déjà engagé en Allemagne, et l'extension de la taxe kilométrique sur les poids lourds à tout le territoire à partir de 2011, la taxe à l'essieu étant quant à elle ramenée au minimum communautaire.

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