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Intervention de Étienne Pinte

Réunion du 15 octobre 2008 à 10h15
Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉtienne Pinte :

Tout responsable d'un secteur donné doit mettre ses connaissances à jour.

S'agissant de l'hébergement, il faut coûte que coûte améliorer et diversifier les capacités d'accueil. Cela suppose la réalisation d'un recensement précis de l'existant et des besoins. Cela implique aussi de poursuivre le plan d'humanisation des CHU et des CHRS, en réduisant le nombre de dortoirs. Cela signifie donc de pérenniser le budget annuel de 50 millions destiné à financer les travaux d'investissement annoncé par le Premier ministre. Si nombre de sans-abri refusent de se rendre dans les centres d'hébergement, c'est qu'ils redoutent la promiscuité et craignent les rixes. A Paris, le CHU La Mie de pain, qui accueille 400 personnes chaque nuit, doit être totalement rénové car l'hébergement qu'il propose n'est pas convenable. Chacun en est d'accord, et pourtant les choses traînent car la Mairie de Paris souhaite le transformer pour le rendre accessible aux personnes éligibles au prêt locatif aidé d'intégration – le PLAI –, alors que les places d'hébergement manquent. L'arbitrage sera fait par le préfet de Paris, mais c'est un exemple de ce que les bisbilles locales peuvent entraver la mise en route de chantiers indispensables.

Il faudra aussi créer des centres destinés à des publics particuliers et des structures d'accueil diversifiées en encourageant les projets innovants. Le centre Montesquieu géré par l'association Emmaüs est à cet égard exemplaire.

Je recommande enfin une prise en charge plus homogène des femmes seules et des familles avec enfants de moins de trois ans par les conseils généraux. J'ai visité, dans le 19ème arrondissement de Paris, un centre parental qui permet d'accueillir les couples. L'initiative me semble devoir être reproduite.

Il convient encore de faire un effort particulier en direction des populations les plus fragiles. Il est urgent de prendre en charge les personnes souffrant de troubles de la personnalité ou de problèmes psychiatriques tant d'un point de vue sanitaire et social qu'en matière d'hébergement à la sortie de l'hôpital – sinon, quel sera leur sort s'ils n'ont pas de famille ? L'offre de maisons relais et de logements adaptés aux personnes particulièrement vulnérables doit être réaffirmée comme une priorité. J'ai reçu hier des nouvelles encourageantes à ce sujet.

Pour éviter la mise à la rue, il faut poursuivre la politique de prévention des expulsions. Certaines associations voulaient un moratoire des expulsions. Je n'y suis pas favorable, car ce serait donner un signe négatif aux propriétaires et aux locataires indélicats. A ma demande, une circulaire du Premier ministre adressée en février à chaque préfet a précisé les procédures et accéléré l'installation dans tous les départements d'une commission de prévention des expulsions locatives. Malgré cela, des drames tels que celui d'Istres se produisent encore. Pour avoir lu le compte rendu fait par la préfecture, je sais que les services sociaux ont fait le maximum de ce qu'ils devaient faire, mais ce n'était pas encore suffisant puisqu'une femme s'est défenestrée, qui laisse trois orphelins. Au-delà de l'application des lois et règlements, il faut du discernement. Jamais, dans ce cas, on n'aurait dû recourir à la force publique ; il aurait fallu privilégier le dialogue. Outre qu'il faut articuler les interventions, il importe de déclencher une intervention sociale dès les premiers problèmes et de concentrer les moyens sur les personnes les plus en difficulté. Cela vaut aussi pour les bailleurs privés ; j'ai donc demandé que les baux comportent une clause faisant obligation au propriétaire de tirer la sonnette d'alarme au premier loyer impayé.

Il faut aussi, je vous l'ai dit, maintenir l'effort de construction de logements sociaux. A cet égard, l'annonce faite par le Président de la République que, par le biais des bailleurs sociaux, l'État achèterait 30 000 logements pour soutenir l'activité du bâtiment, peut être une opportunité formidable s'ils sont destinés au moins en partie à accroître le nombre de logements sociaux.

En tout état de cause, il faut prolonger l'effort de construction. J'aurais souhaité que l'on prolongeât le plan de cohésion sociale qui prévoyait la construction annuelle de 142 000 logements sociaux dont 20 000 logements « très sociaux ». Le Gouvernement envisage plutôt, semble-t-il, un objectif de 120 000 logements. Pourquoi pas ? Mais il faut se rappeler que « financer » ne signifie pas mettre en chantier ni mettre à disposition et qu'il y a toujours une solution de continuité entre l'annonce des crédits et la réalisation des constructions.

Il convient aussi de maintenir au-delà de 2009 l'exonération pendant 25 ans de la taxe foncière sur les propriétés bâties et sa compensation intégrale par l'État, en particulier pour les PLAI.

J'en viens à la controversée loi « SRU ». Je suis favorable à ce qu'elle soit mieux appliquée et plus exigeante. Elle a permis que des progrès notables soient réalisés en matière de construction de logements sociaux, mais ils ne sont pas encore suffisants. Puisque nous ne parvenons pas à consommer tous les crédits dédiés à la pierre, je propose de rendre obligatoire, dans les communes en constat de carence au regard de l'article 55 de la loi, la réalisation d'au moins 30 % de logements sociaux, dont un tiers de PLAI, dans l'ensemble des programmes de construction de l'année. Je propose aussi d'imposer 20 % de logements sociaux dans tout projet immobilier de plus de vingt logements dans les communes de plus de 2 500 habitants. Je propose enfin de compter double chaque place en maison relais et chaque PLAI.

Pour remédier à la pénurie de logements dans les zones tendues, il faut immédiatement déclencher l'achat de 1 000 logements privés par des opérateurs, en mobilisant des PLAI majorés, actuellement non utilisés, pour loger les familles prioritaires ; ainsi faciliterait-on le déblocage de la filière et l'application de la loi DALO. Il convient aussi de développer des dispositifs de locationsous-location avec des loyers « solidaires » en augmentant la déduction fiscale consentie aux bailleurs privés dans ce cadre. Enfin, ces logements à loyer maîtrisé devraient être intégrés, au moins temporairement, dans le quota de 20 % de logements sociaux prévu par l'article 55 de la loi « SRU ».

Il reste à développer l'accès au logement social des plus modestes, qui est une de nos priorités. On pourrait utiliser le produit du surloyer pour favoriser l'accès au logement social des ménages les plus modestes qui ont des revenus insuffisants pour accéder au parc social neuf. Cette ressource pourrait être versée, dans les comptes des organismes HLM, dans des fonds de solidarité qui financeraient des rabais de loyers pour ces ménages. Les bailleurs sociaux pourraient aussi expérimenter en Ile-de-France une politique de loyer progressif en fonction du revenu.

Accentuer les efforts de lutte contre l'habitat indigne suppose de se donner les moyens de traiter 100 000 logements d'ici 2012 en consolidant les moyens affectés à l'ANAH et en simplifiant ses modalités d'intervention, en réformant le prêt d'amélioration de l'habitat distribué par les caisses d'allocations familiales aux propriétaires occupants, et en renforçant les moyens juridiques et financiers de traitement des logements dégradés qui ne relèvent pas de procédures d'insalubrité ou de péril. Tous les occupants de logements indignes ne sont pas des locataires : c'est aussi le cas de très nombreux propriétaires. Ainsi, dans le département du Nord, 49 % des logements sont considérés comme indignes. Cette proportion est effrayante, mais l'intervention de l'ANAH n'est pas facile : où loger les propriétaires dont on doit entièrement rénover l'habitat ?

En conclusion, les commissions de médiation prévues dans le cadre de la loi DALO, et chargées d'examiner les demandes d'hébergement ou de logement, ont été installées et ont commencé d'examiner les dossiers. Ils n'ont pas été aussi nombreux qu'on pouvait s'y attendre, en raison de leur complexité et du manque d'information probable d'une grande partie du public éligible. Fin août, 40 000 demandes étaient en cours de traitement devant les commissions et le dispositif monte en puissance, notamment en Ile-de-France. Dans quelques semaines, les premiers recours vont être déposés devant les tribunaux. Force est de constater que nous nous sommes fixé des objectifs très ambitieux et probablement irréalistes que nous ne pourrons pas honorer. Il est urgent d'y faire face.

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