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Intervention de Robert Lecou

Réunion du 28 janvier 2009 à 10h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRobert Lecou, rapporteur :

« Le processus d'élargissement en cours à l'OTAN est une réussite historique, qui a permis de faire avancer la stabilité et la coopération, et de nous rapprocher de notre but commun, d'une Europe entière et libre, unie dans la paix, dans la démocratie et par des valeurs communes » ont déclaré les chefs d'Etat et de gouvernement lors du sommet de Bucarest en avril 2008.

Poursuivant le processus d'élargissement engagé à la suite de l'effondrement du bloc soviétique, l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) réunissant actuellement vingt six pays alliés accueille deux nouveaux pays des Balkans, région dont chacun considère que son intégration euro-atlantique permettra d'empêcher que de nouveaux conflits n'y éclatent et lui conférera une stabilité durable.

L'invitation adressée à l'Albanie et à la Croatie lors du sommet de l'OTAN à Bucarest en avril 2008 à engager des pourparlers en vue de leur adhésion à l'Alliance s'est ensuite traduite par la signature à Bruxelles le 9 juillet 2008 des protocoles au traité de l'Atlantique Nord sur l'accession des deux Républiques. Sur les trois pays signataires de la Charte adriatique, seule l'ex-République yougoslave de Macédoine voit son adhésion retardée dans l'attente de la résolution du conflit sur son nom qui l'oppose à la Grèce.

L'entrée en vigueur des protocoles mettant en oeuvre juridiquement cet élargissement qui s'inscrit dans la continuité du processus de transformation de l'Alliance atlantique et de pacification des Balkans, devrait symboliquement intervenir pour le sommet du soixantième anniversaire de l'Organisation à Strasbourg Kehl.

Les protocoles d'accession au traité de l'Atlantique Nord signés le 9 juillet 2008 par l'Albanie et la Croatie achèvent donc un processus d'élargissement de longue haleine qui répond à une nécessité stratégique pour l'OTAN et la région et obéit à des règles précises.

Avec l'adhésion de l'Albanie et de la Croatie, l'Alliance réalise le sixième élargissement de son histoire, le troisième depuis la fin de la guerre froide.

La Bulgarie, l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovénie et la Slovaquie les ont précédées en adhérant à l'OTAN en 2004 ; la République tchèque, la Hongrie et la Pologne en 1999. Ces élargissements récents traduisent l'évolution de l'OTAN rendue nécessaire par la fin du monde bipolaire.

En effet, la création de l'Alliance atlantique par le traité de l'Atlantique Nord, également appelé traité de Washington signé le 4 avril 1949, obéissait à un objectif : la préservation de la sécurité de la zone euro-atlantique face à la menace représentée par le pacte de Varsovie.

Avec l'effondrement du bloc soviétique, l'OTAN s'est trouvée privée de sa principale raison d'être mais confrontée à l'émergence de menaces nouvelles. Afin de s'adapter au nouvel environnement stratégique qui se manifeste aussi bien au travers des désordres dans les Balkans que par la résurgence des risques terroristes, l'Alliance se devait de repenser son rôle.

A cet égard, l'engagement de l'OTAN dans les Balkans (interventions militaire en Bosnie en 19941995 et au Kosovo en 1999) a marqué un tournant dans l'histoire de l'Alliance : cette initiative dépassait la fonction traditionnelle de l'Organisation, à savoir défendre le territoire de ses États membres, pour mettre l'accent sur la gestion de crises se déroulant en dehors des frontières de l'OTAN.

Lors du sommet de Washington en avril 1999, cette évolution a été entérinée par l'adoption d'un nouveau concept stratégique de l'Alliance qui étend ses missions à la gestion des crises tandis que le sommet de Prague en 2002 a donné lieu à la création d'une force de réaction rapide (Nato response force, NRF).

Parallèlement à l'élargissement de ses missions, l'OTAN a entrepris l'élargissement géographique déjà mentionné.

Le dernier élargissement s'inscrivait dans la continuité du processus de transformation de l'Alliance, d'une part, et témoignait d'autre part de l'implication croissante de l'Alliance atlantique dans les Balkans. Au terme d'un processus de longue haleine, l'accession de l'Albanie et la Croatie poursuit ce mouvement.

C'est en vertu de l'article 10 du Traité de l'Atlantique Nord que « tout Etat européen susceptible de favoriser le développement des principes du présent Traité et de contribuer à la sécurité de la réunion de l'Atlantique Nord » peut être invité à accéder à l'OTAN.

En 1995, dans la perspective d'une série d'élargissements aux anciens pays du Pacte de Varsovie, l'OTAN a élaboré une « Etude sur l'élargissement » qui, tout en rappelant que l'élargissement relève en dernier ressort de la décision unanime des Alliés, souligne que les candidats devront néanmoins respecter un certain nombre de préalables politiques et militaires.

Les candidats bénéficient pour leur préparation d'un soutien de l'OTAN à travers le Plan d'action pour l'adhésion (MAP). Lancé lors du Sommet de Washington en 1999, ce programme de conseil, d'assistance et de soutien technique, obligatoire pour tout candidat ,a joué un rôle déterminant dans la préparation des sept pays qui ont adhéré à l'OTAN en 2004.

L'Albanie et la Croatie bénéficient du Plan d'action pour l'adhésion depuis respectivement 1999 et 2002. Ces pays ont donc pu mettre à profit plusieurs cycles du MAP pour parvenir à satisfaire les critères exigeants, tant politiques que militaires, qui ont nécessité de leur part des réformes considérables afin d'accéder à l'OTAN.

En mars 2008, le rapport de progrès du Plan d'action pour l'adhésion 2007-2008 estimait que l'Albanie et la Croatie avaient accompli des progrès considérables en regard des critères imposés, ouvrant la voie à leur adhésion à l'Alliance proposée lors du sommet de Bucarest en avril.

Pour l'Albanie, l'intégration euro-atlantique fait figure de priorité depuis le début des années 90. Cependant, les difficultés en matière de lutte contre le crime organisé et contre la corruption ont longtemps constitué un obstacle à son rapprochement avec les structures européennes, mais d'importants progrès ont pu être obtenus récemment dans ce domaine.

Ces progrès viennent s'ajouter aux importantes réalisations effectuées dans le domaine politique notamment depuis l'arrivée au poste de Premier ministre de M. Berisha grâce aux élections législatives de 2005. Le gouvernement s'attache en effet à mettre en oeuvre, avec un volontarisme affiché et un certain succès, le programme ambitieux sur lequel il a été élu.

Ces réformes ont également bénéficié de la dynamique du rapprochement avec l'Union européenne, dont témoigne l'accord de stabilisation et d'association (ASA), signé le 12 juin 2006.

En matière militaire, le ministère de la défense albanais s'est engagé depuis 14 ans, date de l'adhésion au Partenariat pour la Paix, dans une réforme profonde de ses principes de fonctionnement et modes d'action.

L'Albanie a ainsi procédé à une réduction du format de ses armées, passant de 100 000 hommes environ en 1994 à 14 500 aujourd'hui. Le budget alloué à la défense a été porté à 2% de son PIB. Par ailleurs, le Président de la République s'est engagé à ce que la professionnalisation des armées albanaises soit effective dès 2010 avec la fin de la conscription.

Ces réformes permettent d'ores et déjà à l'Albanie de contribuer à des opérations de maintien de la paix (140 personnels participent à l'opération de l'OTAN en Afghanistan (FIAS) ; plus de 60 hommes contribuent à l'EUFOR TchadRCA depuis juillet 2008).

La Croatie, quant à elle, pourtant considérée comme le pays du MAP le plus proche de l'adhésion et en dépit d'un programme de réformes ambitieux, s'est longtemps vue reprocher son attitude peu coopérative à l'égard du tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.

Les importants progrès réalisés ces dernières années ont permis de lever cet obstacle. Le procureur Brammertz a ainsi estimé, lorsqu'il a présenté devant le Conseil de sécurité des Nations unies le 12 décembre 2008 son rapport sur la coopération de la Croatie avec le TPIY, que cette dernière avait donné suite à la majorité des demandes d'assistance que le tribunal lui avait transmises.

La dynamique de réformes, incarnée par le Premier ministre M. Sanader, est principalement portée par la perspective d'adhésion à l'Union européenne, priorité nationale qui fait consensus entre les partis politiques. Trois ans après leur ouverture, les négociations d'adhésion de l'UE avec la Croatie sont entrées dans une phase déterminante en 2008 avec 22 chapitres ouverts, dont sept clos provisoirement, sur les 35 que compte la négociation.

La Croatie joue également un rôle positif en matière de coopération régionale, et participe à l'ensemble des initiatives régionales.

La Croatie a enfin su progresser rapidement en termes militaires, en dépit d'une adhésion au Partenariat pour la Paix et d'une participation au MAP ultérieures à l'Albanie. Des efforts réguliers devraient permettre d'atteindre en 2010 l'objectif de 2% du PIB consacrés au budget de la défense. De même que pour l'Albanie, les effectifs des forces armées ont connu une très forte diminution, passant de 100 000 hommes en 1994 à environ 17 500 aujourd'hui, dans une logique d'adaptation et de professionnalisation des forces armées.

Je terminerai par un extrait de la déclaration du sommet de Bucarest : « Avec l'adhésion de l'Albanie et de la Croatie, l'Alliance sera mieux à même de faire face aux défis d'aujourd'hui et de demain. Ces pays ont fait la preuve de leur ferme attachement aux principes fondamentaux énoncés dans le Traité de Washington, ainsi que de leur capacité et de leur volonté de préserver la liberté et nos valeurs communes en contribuant à la défense collective de l'Alliance et à toute la gamme de ses missions. »Le prochain sommet de Strasbourg Kehl sera probablement l'occasion de répondre aux questions abondamment discutées en France sur le devenir de l'Alliance et la place de la France dans l'OTAN qui dépassent la problématique de l'élargissement sur laquelle portait mon rapport d'aujourd'hui.

En conclusion, je vous recommande donc l'adoption du présent projet de loi.

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