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Intervention de Jean-Marie Delarue

Réunion du 13 mai 2009 à 11h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des lieux de privation de libert :

En ce qui concerne la psychiatrie en prison, le manque de psychiatres dont j'ai dit que nous souffrions dans les hôpitaux publics retentit notamment sur le délai d'attente des expertises. Il est indéniable que le nombre de malades relevant de la psychiatrie est très important dans les lieux de détention. L'explication est d'abord à chercher dans l'article 122-1 du code pénal, lequel distingue la personne pénalement irresponsable et « la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes » qui, elle, « demeure punissable ». On trouve aussi en prison beaucoup de personnes désocialisées et sous l'emprise d'addictions diverses. Enfin, je ne l'apprends à personne, la prison est génératrice d'angoisse et de désespoir qui peuvent se muer en dépression.

Des psychiatres admirables font un très bon travail dans les SMPR, les services médico-psychologiques régionaux. Dans les établissements ordinaires, la situation est catastrophique, faute de personnel spécialisé pour assurer la prise en charge de ces malades. Cette prise en charge incombe donc pour l'essentiel aux surveillants – qui s'en plaignent tous. Mais le traitement des détenus dans les hôpitaux psychiatriques n'est pas très satisfaisant non plus : les détenus sont forcément enfermés en chambre d'isolement et y restent même en dehors de toute indication thérapeutique, ce qui est une dérogation aux usages des hôpitaux psychiatriques.

Quant aux unités spécialisées – les UHSA, unités hospitalières spécialement aménagées –, on en parle depuis longtemps mais la première ne va ouvrir qu'à la fin de l'année – en principe. Il faudra certainement les développer, mais il faudra aussi réfléchir à l'ordinaire de la psychiatrie en milieu pénitentiaire, ainsi qu'à l'ordinaire de la détention en milieu psychiatrique. Je ne suis pas au bout de mes réflexions sur ce point mais je pense avoir des recommandations à faire à brefs délais.

Je n'ai pas eu de difficultés pour rencontrer les personnes que je souhaitais voir. Il reste que nous avons à gagner la confiance des personnels : les détenus n'hésitent pas à venir nous voir, les malades non plus, notamment ceux qui sont sevrés de présence médicale ; mais les personnels, enserrés dans des structures hiérarchiques, peuvent manifester plus d'inquiétude. C'est pourquoi j'ai rencontré les organisations professionnelles.

En ce qui concerne la «souricière» et le dépôt de Paris, certes je suis désireux d'aller dans les endroits où de grosses difficultés sont signalées, mais en même temps je ne veux pas entrer dans les polémiques. Voilà pourquoi, par exemple, lorsqu'au mois de novembre la presse a parlé du centre de rétention de Mayotte, j'ai simplement indiqué que j'irais un jour. Je n'ai pas l'intention de mettre mes pas dans ceux des avocats, alors même que j'ai demandé récemment aux bâtonniers de m'apporter leur concours dans mon travail. J'irai à la «souricière» et au dépôt de Paris – le moment venu.

Au niveau international, nos contacts ont porté d'abord sur les méthodes. Je suis bien sûr très attentif à l'expérience du CPT du Conseil de l'Europe. La présidente du sous-comité des Nations unies m'a complimenté pour ce que nous avions déjà fait, notamment par rapport à bien d'autres pays d'Europe. Nous avons aussi des contacts réguliers avec des associations internationales, telle l'Association de prévention de la torture. Cela nous permet de découvrir des expériences étrangères, y compris de pays lointains. Par exemple, les prisons africaines, en dépit de leur état matériel déplorable, ont quelque chose à nous apprendre en matière de présence familiale.

En ce qui concerne les mineurs, il est certain que, dans les prisons traditionnelles, on ne peut totalement empêcher les contacts avec les majeurs, même si on cherche à les limiter. C'est ce qui avait justifié en 2002 le lancement des établissements pénitentiaires pour mineurs. Certains d'entre eux connaissent aujourd'hui des difficultés. Force est de reconnaître que les mineurs qu'ils accueillent sont dans une situation extrêmement difficile, ce qui a conduit à renoncer à atteindre les 60 mineurs prévus et à se limiter à une quarantaine. Le fonctionnement de ces centres suppose une parfaite entente entre l'administration pénitentiaire, la protection judiciaire de la jeunesse et l'éducation nationale, ce qui n'est pas toujours simple. Je me demande aussi si l'on n'a pas voulu faire trop bien en matière d'occupation des mineurs : ils sont pris en charge du réveil au coucher, sans qu'aucune place ne soit laissée au temps libre et à la rêverie, peut-être nécessaires à cet âge.

Les centres éducatifs fermés et les centres éducatifs ouverts renforcés sont également en difficulté. J'admire profondément les personnels qui travaillent dans l'ensemble de ces établissements pour mineurs, sur lesquels il est difficile de porter un jugement sans en porter sur les mineurs qui les peuplent. Je ne remets pas en question les EPM dans leur principe, la séparation entre les mineurs et les majeurs dans les établissements pénitentiaires me paraissant nécessaire, mais peut-être faudra-t-il améliorer leur mode de fonctionnement.

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