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Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 6 mai 2009 à 16h15
Commission des affaires économiques

Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi :

Ces rendez-vous réguliers me semblent relever d'une bonne pratique, d'autant plus que la situation économique évolue très rapidement et que toutes les prévisions – qu'il s'agisse de celles du Fonds monétaire international, de l'OCDE, de la Commission européenne ou du consensus forecast, qui est une moyenne de prévisions – évoluent au fil des mois, et bien souvent à la baisse.

Les dernières prévisions de la Commission européenne en matière de produit intérieur brut et de déficits nous ont été communiquées avant-hier matin et je tiens à revenir brièvement sur un chiffre qui a fait la « une » du journal Le Monde. En effet, la croissance prévue pour le produit intérieur brut de la France est négative et se situe à moins 3 %, mais le chiffre est de moins 5,4 % en Allemagne, et encore inférieur en Italie et en Espagne, avec une moyenne de moins 4 % en 2009 pour la zone euro. Ceux qui voudront voir le verre à moitié vide souligneront que cette prévision de moins 3 % est bien inférieure à celle de moins 1,5 % que j'avais retenue pour la préparation de la loi de finances. En revanche, ma tendance naturelle à voir le verre à moitié plein, que certains me reprocheront sans doute, m'invite à constater que la prévision de croissance pour la France est meilleure de moitié qu'en Allemagne. Qu'il s'agisse de la croissance du PIB, de l'inflation ou du taux de chômage, les prévisions de la Commission européenne ou du Fonds monétaire international pour la France sont généralement meilleures que la moyenne des pays de la zone euro. S'il ne s'agit certes pas là d'un passeport pour les années à venir, il est clair toutefois que, pour 2009, le modèle économique français, avec son équilibre sur trois jambes – investissement, consommation et exportation – et un mécanisme de stabilisateurs automatiques qui jouent à plein, résiste mieux à la crise que celui de certains pays concurrents voisins et amis, qui subissent plus violemment les coups de la crise internationale.

De retour de l'assemblée annuelle du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale et de la réunion des ministres des finances du G7 et du G20, je tiens à attirer votre attention sur certains signaux indiquant, n'en déplaise aux esprits chagrins qui rétorqueront que le tunnel est encore long, une légère amélioration. S'il faut se garder de les surinterpréter, il s'agit néanmoins d'éléments positifs qui ont été soulignés par les ministres des finances des États-Unis, de la Chine et de plusieurs pays européens. Ainsi, les indices du transport maritime se redressent légèrement, tout comme les demandes d'autorisation équivalant à celles de permis de construire aux États-Unis et le commerce intérieur en Chine, évoqué par le ministre des finances de ce pays. En outre, les indicateurs du climat des affaires, certes fondés principalement sur des analyses d'anticipations des chefs d'entreprise ou des ménages, apparaissent assez coordonnés entre les différentes économies et semblent donner eux aussi des signes positifs.

Face à la crise internationale, le Gouvernement a pris un ensemble de mesures de relance, que l'OCDE, dans son rapport remis voici une semaine, a qualifié de « bon éventail de mesures anticrise ». Un tel satisfecit de l'OCDE, qu'il faut certes prendre avec une grande modestie, est assez rare pour être souligné. Ces mesures de relance sont pluridisciplinaires, réversibles et, pour reprendre le « triple T », appropriées, ciblées et temporaires – timely, targeted and temporary.

Les mesures prises représentent environ 2,4 % du produit intérieur brut, ce qui correspond aux préconisations du Fonds monétaire international, qui recommandait aux pays des mesures de relance de l'ordre de 2 % du PIB. Lors d'une réunion que j'ai provoquée, Dominique Strauss-Kahn en a d'ailleurs lui-même convenu. Au titre du plan de relance et dans le cadre de l'accélération des mesures de trésorerie – remboursement de TVA, d'IS et de crédit impôt recherche –, l'État a injecté 11,4 milliards d'euros, soit 0,6 % de PIB, pour la seule période de janvier à mars. S'il ne s'agit pas d'une injection à proprement parler, mais plutôt d'une accélération du remboursement, celle-ci n'en permet pas moins de faire tourner l'économie sans grever les finances publiques à un moment où c'est absolument nécessaire.

Nous assumons pleinement la priorité que nous avons donnée à l'investissement dans le plan de relance, et les chiffres ne semblent pas nous donner tort. Ainsi, après un chiffre légèrement négatif en février, la consommation a progressé de 1,1 % au mois de mars et ce chiffre devrait être de 0,4 % pour le premier trimestre. Sans être massivement relancée, par exemple par des mesures de baisse massive de la TVA, comme cela a été le cas en Grande-Bretagne, la consommation a donc tenu. Des mesures de soutien à la consommation ont cependant aussi été prises, en particulier pour les catégories les plus défavorisées, à la fois parce que c'est justice et parce qu'il est connu que ce mécanisme est celui qui a le meilleur effet multiplicateur qu'on puisse obtenir, car ces catégories sont celles qui ont le moins tendance à épargner, relançant ainsi la machine économique par la consommation. Le Gouvernement a ainsi augmenté l'indemnisation du chômage partiel – à hauteur de 95 % du salaire brut pour le SMIC et de 90 % au-dessus du SMIC –, versé une prime de 150 euros à 3 millions de familles modestes ayant des enfants scolarisés, une prime de 500 euros aux demandeurs d'emploi n'ayant pu travailler qu'entre deux et quatre mois, et de ce fait non éligibles aux indemnités de chômage, et supprimé provisoirement, pour 2009, les deuxième et troisième tiers provisionnels pour les catégories de contribuables se situant dans la tranche d'imposition à 5,5 %, avec une entrée en sifflet pour ceux qui se situent dans la tranche à 14 %.

Dès lors qu'à défaut d'avoir encore pu réparer le système financier – j'en ai encore exprimé le regret hier à Bruxelles lors des réunions de l'Eurogroupe et de l'Ecofin –, nous avons au moins pu le stabiliser, la priorité absolue est plus que jamais l'emploi. Le Gouvernement s'est attaché à aider financièrement les petites et moyennes entreprises, qui sont les plus créatrices d'emplois, en mobilisant à cette fin 22 milliards d'euros et en mobilisant massivement OSÉO, banque de l'innovation et des petites et moyennes entreprises. Ont ainsi été déjà accordés 550 millions d'euros de cofinancements et 870 millions d'euros de garanties de financement.

Enfin, le Gouvernement a mis en place le système de médiation de crédit, présidé par M. René Ricol, déjà entendu par votre Commission. Ce système, qui prévoit des médiateurs dans les régions et une coordination avec des tiers de confiance mis en place notamment au niveau des chambres consulaires et des associations d'employeurs, a permis de trouver des solutions pour près de 4 000 entreprises, concernant 80 000 salariés. Il est si efficace que plusieurs pays européens, comme l'Allemagne et l'Italie, ont demandé à René Ricol de leur expliquer ce mécanisme de recours et entrepris de mettre en place des systèmes de médiation « à la française ».

Le plan de relance du 4 décembre 2008 a également prévu le dispositif « zéro charges », mécanisme d'allégement de charges sociales pour les embauches réalisées en 2009 par les PME de moins de dix salariés. Il convient maintenant de nous concentrer sur le secteur des jeunes demandeurs d'emploi, pour lequel les derniers chiffres accusent une aggravation. Le plan du 24 avril 2009, qui comportera un financement de 1,3 milliard d'euros, repose essentiellement sur les formations en alternance, avec un renforcement des mécanismes d'apprentissage et d'insertion des jeunes dans le marché du travail, au moyen notamment de primes à l'embauche et de primes à la confirmation des stagiaires sous forme de CDI pendant l'année 2009.

Ces mesures sont temporaires. Vous connaissez déjà les mesures de fond, structurelles. Après la réforme en profondeur des organismes d'aide à la recherche d'emploi avec la création de Pôle Emploi, issu de la fusion désormais réalisée, avec 1 840 personnes supplémentaires, pour faire face à l'afflux de demandeurs d'emploi, il s'agit de grands textes sur la formation professionnelle, dont on souhaite qu'ils permettent de fournir des éléments de réponse conjoncturels, grâce à un mécanisme d'indemnisation et de formation permettant de maintenir en activité certains de nos compatriotes en recherche d'emploi, et structurants, car la formation professionnelle est une obligation de toute la vie.

Quant au bilan de la LME, je rappellerai tout d'abord que la loi a ramené les délais de paiement, beaucoup plus longs en France que dans la moyenne des pays européens, à 60 jours à compter de la date de la facture, sauf accord dérogatoire. L'entrée en vigueur du texte s'est traduite par près de 4 milliards d'euros de trésorerie additionnelle pour les petites et moyennes entreprises. Votre assemblée a également eu la sagesse, sous l'impulsion de M. le rapporteur et sous la vôtre, monsieur le président, de prévoir un mécanisme de dérogations provisoires, assorti cependant d'une obligation de convergence vers l'objectif de 60 jours à compter de la date de la facture. Au 1er mars, 39 accords dérogatoires ont été signés, qui entrent en vigueur au fur et à mesure de leur approbation par le Conseil de la concurrence et qui ont pour objet de mettre graduellement en oeuvre la réduction de la durée de paiement. En effet, certaines branches comme le BTP, caractérisé par de très nombreux corps de métiers, ou des secteurs comme ceux du bricolage, du jouet, de l'horlogerie ou encore de la bijouterie, sont structurés en toutes petites entreprises qui risqueraient de faire les frais d'une réduction trop brutale des délais de paiement.

Deuxième mesure sur laquelle je souhaite insister : la négociabilité des prix. Les effets conjugués de la loi Chatel et de la loi de modernisation de l'économie ont pu s'appliquer sur la dernière campagne annuelle de négociation des prix, qui s'est achevée en mars 2009 et l'on assiste depuis lors à une diminution des prix à la revente, dont bénéficie directement le consommateur. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, à qui j'ai demandé de procéder à des contrôles pour s'assurer que les réductions de prix étaient bien répercutées sur les prix à la revente, a constaté depuis la fin de 2008 une baisse d'un demi-point d'inflation pour ce qui concerne les prix de grande consommation. Il nous faudra demeurer très attentifs, et j'ai demandé à Luc Chatel de l'être particulièrement.

Un groupe de travail piloté par la DGCCRF étudie également la publicité comparative. En matière de prix, nous avons intérêt à utiliser tout l'arsenal des moyens disponibles, ou que l'on souhaiterait rendre disponibles.

La troisième mesure que je tiens à souligner est le statut de l'autoentrepreneur, prévu par l'article 1er de la LME, entré en vigueur le 1er janvier 2009. Au premier trimestre, on a enregistré 125 000 inscriptions de nouveaux autoentrepreneurs. Au 15 avril, ce chiffre avait dépassé 142 000. Le site Internetwww.lautoentrepreneur.fr a attiré à lui seul plus des deux tiers des demandes. C'est un énorme succès. Au rythme actuel, on devrait atteindre à la fin de l'année 2009, malgré la crise économique, le chiffre de 300 000 autoentrepreneurs, qui lanceront leur propre activité.

À ceux qui reprochent à ce statut d'être pour les demandeurs d'emploi une échappatoire, voire une chimère, je ferai observer que la moitié seulement des autoentrepreneurs inscrits sont des demandeurs d'emploi, et que les autres sont donc des entrepreneurs en herbe, qui découvrent ce statut simplifié, efficace et relativement abordable et l'utilisent pour lancer leur activité. Quant à ceux qui étaient demandeurs d'emploi, pourquoi ne pourraient-ils pas s'inscrire ? Nous avons raison de faire évoluer, dans le cadre du texte actuel, le régime de cotisation de l'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise (ACCRE) vers celui de l'autoentrepreneur, avec une convergence des taux afin de faciliter aux demandeurs d'emploi qui le souhaitent le démarrage d'une activité.

Des améliorations pourront certainement être apportées à ce dispositif – c'est le sens du dialogue que mène actuellement Hervé Novelli, en particulier avec les artisans. Il n'est évidemment pas question de léser les artisans, ni de remettre en cause les qualifications professionnelles nécessaires pour l'exercice de certains métiers. En revanche, les privilèges ou les citadelles ne doivent pas décourager les autoentrepreneurs. Une réflexion s'imposera pour simplifier dans toute la mesure du possible l'évolution du statut de l'autoentrepreneur, plafonné différemment selon que l'activité relève du service ou de l'achat et revente, vers la constitution d'une activité en société.

J'évoquerai deux projets de loi en cours.

Tout d'abord, le projet de loi sur le tourisme présenté par Hervé Novelli, qui a fait l'objet d'un vote unanime au Sénat le 8 avril, réforme en profondeur le cadre institutionnel, réglementaire et économique de l'activité touristique, activité qui, je le rappelle, n'est pas délocalisable et qui, source de 2 millions d'emplois en France, représente environ 6 % du PIB. La France est aujourd'hui la première destination touristique en nombre de touristes étrangers, mais elle se situe à la troisième place en termes de chiffre d'affaires par touriste, derrière les États-Unis et, depuis 2002, derrière l'Espagne. Il reste donc un travail important à accomplir dans ce domaine pour apporter les simplifications nécessaires ou pour introduire la cinquième étoile dans l'hôtellerie et soumettre l'attribution de celle-ci à des mécanismes clairs, rapides et efficaces. Il y faudra aussi le concours du secteur privé, avec un effort réel sur les activités d'accueil. Sur le plan institutionnel, le projet de loi qui sera soumis à votre assemblée prévoit de réformer la procédure de classement des hébergements touristiques, d'ouvrir la profession réglementée des agents de voyages afin de renforcer leur compétitivité tout en préservant la protection du consommateur par le maintien des obligations de garanties, notamment financières, et de fusionner la Maison de la France et ODIT France afin de disposer d'un vrai guichet unique pour le soutien aux activités touristiques.

Un autre projet de loi, que j'espère défendre prochainement et avec succès devant votre assemblée, porte sur le crédit à la consommation et concerne 9 millions de ménages français. Le principe cardinal est de lutter contre les excès et contre les abus de ce crédit, ce qui suppose de s'attaquer à la publicité agressive, voire harcelante. Cela suppose aussi une communication sur le vrai taux d'intérêt pratiqué. À cet égard, nous aurons certainement lors de l'examen du texte des débats sur le bon taux applicable. J'ai confié à l'IGF et à l'IGAS une mission de réflexion sur le taux de l'usure – ou plutôt sur « les » taux de l'usure. Cela suppose encore d'intégrer impérativement une partie amortissable dans le remboursement des prêts renouvelables. En effet, le « crédit renouvelable » – expression qui me semble préférable à celles de « crédit revolving » ou de « réserve d'argent » – conduit souvent à gonfler les encours, lesquels sont soumis à des taux excessifs pour des contribuables qui sont souvent les plus fragilisés, dénaturant ainsi la finalité de ce crédit. Cela suppose enfin de mettre en place trois obligations à l'égard des organismes prêteurs, qui seront tenus de remplir avec l'emprunteur une fiche précise qui constituera le contrat engageant les deux parties, de vérifier la solvabilité de l'emprunteur et de vérifier le fichier des incidents de paiement, lequel, je l'espère, sera à jour d'ici à la fin de l'année 2010 et recensera au jour le jour les engagements et les incidents afin de constituer un véritable outil de vérification de la solvabilité.

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