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Intervention de Olivier Brousse

Réunion du 9 juin 2009 à 16h00
Mission d’évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes

Olivier Brousse, membre de la commission de classification des oeuvres cinématographiques :

Je remercie Mme Reiser car elle a bien dressé la toile de fond et présenté les différences qui existent entre la réalité de la place et du rôle de la femme dans la société et son image dans les médias.

J'interviens devant vous en tant que membre de la commission de classification des oeuvres cinématographiques et également en tant que directrice de La Voix de l'Enfant. C'est à ce titre que je siège dans un des collèges – celui du ministère de la famille – de la commission.

La question des violences faites aux femmes est omniprésente dans notre travail au sein de La Voix de l'Enfant. Au sein de la commission de classification, nous prenons position sur les images données de la femme par les médias à travers le regard des enfants et par rapport à l'incidence qu'elles peuvent avoir sur eux. Nous avons un peu renversé les choses : c'est l'enfant qui va révéler qu'il y a une atteinte à la dignité de la femme. La commission de classification se prononce donc, en fait, sur des films qui risquent de porter atteinte à l'enfant.

Elle fonctionne à deux niveaux : de très nombreux films sont projetés en sous-commission. Lorsqu'ils ne font pas l'objet d'un vote unanime, ils sont également diffusés en plénière. Il y a deux assemblées plénières par semaine, au cours desquelles sont visionnés deux films. Après avoir vu les films, nous décidons d'une classification : « tous publics », « tous publics avec avertissement », «interdit aux moins de 12 ans », « interdit aux moins de 12 ans avec avertissement », « interdit aux moins de 16 ans », « interdit aux moins de 16 ans avec avertissement », « interdit aux moins de 18 ans ». Cette dernière classification regroupe, en général, les films pornographiques, à l'exception d'un ou deux films, dont Quand l'embryon part braconner.

La commission de classification est composée de réalisateurs, de producteurs, de membres de différents collèges – collèges du ministère de l'intérieur, du ministère de l'éducation nationale, du ministère de la famille –, d'étudiants d'écoles de cinéma et d'un représentant de la protection judiciaire de la jeunesse. Elle a pour but la protection de l'enfant mais révèle, en même temps, tous les mauvais traitements que peuvent subir les femmes, notamment dans le domaine sexuel. En plus des actes de barbaries ou de tortures, il peut y avoir des scènes très violentes d'humiliation de la femme et d'atteinte à son intégrité morale. C'est ce qui détermine le classement du film. Nous nous sommes demandés, dernièrement, après avoir classé un premier film « interdit aux moins de 12 ans » et le suivant « interdit aux moins de 16 ans » ce qui avait fait basculer le classement du second à moins de seize ans : c'était la présence de violences sexuelles. Une réflexion serait sans doute à mener sur le fait qu'on est moins sévère pour des films montrant des femmes battues ou violentées au niveau de la parole que pour des films comportant des scènes sexuelles. Nos avis sont toujours précédés de discussions qui sont, parfois, assez rudes parce que les producteurs se positionnent par rapport à la vente des films et que des engagements ont souvent été pris au niveau international. Nous sommes là pour leur rappeler que chaque image du film va être aussi reçue par des enfants. Quel impact sur le mineur telle image de violence sur la femme va-t-elle avoir ? On ne mesure pas assez que l'image banalise un certain nombre de scènes et donc d'actes qui se vivent par la suite au quotidien.

Mme Reiser a fait référence à des passages à l'acte. La Voix de l'Enfant est partie civile dans des procès pour violences, non seulement sur des enfants, mais aussi sur des femmes car l'on s'aperçoit que les violences intrafamiliales ont des conséquences sur les enfants. Or il y a une banalisation des scènes de violence dans les médias. Il y a souvent passage à l'acte après le visionnage d'un film de grande violence.

Aujourd'hui, on peut dire que la commission de classification joue vraiment son rôle. Elle permet, d'abord, d'informer les familles sur l'âge à partir duquel leurs enfants peuvent regarder un film. Je regrette, cependant, un manque d'information sur la classification des films : celle-ci n'est pas indiquée dans les magazines. C'est quand vous arrivez au cinéma que vous voyez à partir de quel âge le film peut être visionné. J'ai vu, dans un grand cinéma, des parents devoir choisir un autre film que celui qu'ils avaient projeté de voir parce que celui-ci était interdit à leurs enfants. Si votre Mission pouvait imposer une visibilité plus grande de la classification des films, ce serait un pas important.

Au cinéma, je suis parfois étonnée quand je vois défiler, au générique, les cofinancements : je me demande comment des conseils généraux, des conseils régionaux et autres institutions peuvent financer des films où l'on montre la femme dans des situations de dégradation et d'atteinte à sa dignité morale et physique.

En veillant à protéger les enfants, la commission fait également ressortir à quel point la femme peut être maltraitée dans les films. Au-delà de l'étude de ce que peut transmettre l'image, nous devons travailler à la manière de faire évoluer les mentalités pour montrer une autre image de la femme. Dans les films policiers très violents, de crimes et de mafia, il n'y a pas confusion entre violence et sexe. Pour la femme, si la violence physique, la sexualité et la dégradation morale, c'est-à-dire les trois dimensions – physique, sexuelle et morale – de la femme, sont toujours liées. C'est un élément qui frappe souvent notre commission.

En préparant cette intervention, je me disais qu'il n'y avait pas réellement de protection de l'image de la femme aujourd'hui. Cela étant, nous ne sommes pas dans une démarche répressive, ni d'interdiction. Nous cherchons plutôt à trouver des moyens pour faire évoluer les mentalités car, avec les nouvelles technologies, il sera toujours possible d'avoir accès à l'oeuvre de son choix.

Les producteurs revendiquent la liberté d'expression et de création. Nous prônons en ce qui nous concerne le respect de la dignité de la femme. À l'occasion du contrôle qui pourra être exercé, on devra vérifier le juste équilibre entre le principe de protection de la dignité de la femme et de la personne humaine en général et le principe de la liberté d'expression. Là est la grande difficulté ! En tant que femme, je crois qu'il y a des limites à ne pas dépasser, qu'il y a un moment où il faut dire stop à ce qui peut porter atteinte à la femme, à son intégrité et à sa dignité !

Les médias et la publicité sont invités à respecter l'image des femmes et des hommes et l'égalité hommes-femmes, en évitant les discriminations fondées sur le sexe et l'orientation sexuelle. Une image diversifiée et réaliste des compétences et des potentialités des femmes et des hommes dans la société est souhaitable. Mais il n'existe pas de textes contraignants qui obligent les médias à respecter cette image plurielle. Peut-être y a-t-il une réflexion à mener à ce sujet.

Il est également intéressant de voir ce qui se fait dans les autres pays européens. Ainsi, un membre d'une commission allemande nous a expliqué que l'Allemagne était beaucoup plus sévère que la France parce que, dans ce pays, montrer une image dégradante de la femme, c'est également montrer une image dégradante de la mère. Les Allemands se placent, eux aussi, du point de vue de l'enfant.

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