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Intervention de Jean-Michel Severino

Réunion du 19 septembre 2007 à 15h00
Délégation pour l’union européenne

Jean-Michel Severino :

a rappelé que la mission confiée aux deux rapporteurs du Parlement européen implique de relever trois défis.

Le premier est d'identifier, puis de rendre explicites et opérationnels, des principes guidant la répartition des sièges au Parlement qui soient tout à la fois justes, objectifs, explicites et durables, afin de parvenir à une représentation parlementaire légitime et démocratique. L'article I-20 du traité établissant une Constitution pour l'Europe a défini le principe de « proportionnalité dégressive », qui devrait être repris en l'état dans le Traité modificatif (projet d'article 9 A du traité sur l'Union européenne tel que modifié par le projet de Traité modificatif examiné par la Conférence intergouvernementale). Cependant, l'essentiel, et la difficulté principale, résident dans la définition politique concrète de ce principe qui prête à diverses interprétations.

Un deuxième défi est de bâtir un consensus aussi large et durable que possible autour de règles claires présidant à la composition du Parlement. Deux conférences intergouvernementales ont antérieurement échoué dans cette tâche. La présente audition devant les parlementaires français, qui fait suite à une démarche comparable auprès du Parlement néerlandais la semaine dernière, s'inscrit clairement dans cet effort de pédagogie et de persuasion qui seul peut permettre d'atteindre un consensus solide.

Un troisième défi, qui n'est pas le moindre, est de ne pas « polluer » les débats relatifs à l'élaboration et à la conclusion du Traité modificatif par la question indépendante de la répartition des sièges au Parlement. Il faut en effet rappeler que, pour la première fois, le Traité modificatif, comme le traité établissant une Constitution pour l'Europe, ne comporteront pas la définition précise du nombre de députés européens par Etat. Seul un plafond de sièges sera fixé, la répartition détaillée relevant d'une décision du Conseil européen, adoptée à l'unanimité, sur initiative du Parlement européen et avec son approbation. Compte tenu de l'exigence, figurant dans le protocole n° 10 sur les dispositions transitoires annexé au projet de Traité modificatif, que cette décision soit adoptée « en temps utile avant les élections parlementaires européennes de 2009 », la question de la répartition des sièges est posée en même temps que celle du Traité institutionnel. Mais il demeure essentiel que, dans les faits, elle ne fasse pas émerger une difficulté de plus dans la négociation du traité, ce qui implique de faire preuve d'une certaine flexibilité.

M. Adrian Severin a ensuite décrit le faisceau de contraintes qui limitent les modalités concrètes de résolution de la question de la répartition des sièges.

En premier lieu, le projet de Traité modificatif, reprenant en l'espèce la disposition afférente du traité établissant une Constitution pour l'Europe, limite le nombre de députés européens à 750. C'est un progrès en soi : le traité de Nice a fixé le plafond des sièges à 736 à compter de 2009.

Il est vrai que les parlementaires européens sont aujourd'hui 785, conformément à l'article 189 du traité instituant la Communauté européenne dans sa rédaction issue du traité de Nice et de l'article 3 de l'Acte d'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie. Mais ce nombre ne s'applique que durant la courte période entre l'adhésion des deux nouveaux Etats membres et l'élection du nouveau Parlement en 2009. L'état actuel du droit européen impose en tout état de cause une réduction du nombre de députés, d'ailleurs atténuée par le projet de Traité modificatif.

De toute évidence, si la réduction du nombre de députés devrait être appréciée par une opinion publique souvent prompte à dénoncer la dérive bureaucratique et pléthorique des institutions européennes, elle ne peut qu'affecter la représentation de chaque Etat membre en nombre absolu de députés. A cet égard, les raisonnements traditionnels en terme de gains et pertes nets (tel Etat qui s'offusque de voir le nombre de ses représentants diminuer de tel nombre lorsque tel autre se satisfait d'un accroissement de son effectif brut) n'ont guère de sens puisque, dans l'ensemble, c'est le nombre total de députés qui doit être ramené de 785 à 750. Les gains ou pertes ne peuvent dans ce contexte être relatifs, et ne prennent de sens que lorsqu'ils sont rapprochés des contingents nationaux définis pour 2009 par le traité de Nice.

Une deuxième contrainte trouve sa source dans les ambiguïtés du concept de proportionnalité dégressive. Si la proportionnalité peut être efficacement dégagée d'une formule mathématique, tel n'est pas le cas pour la dégressivité, par définition subjective. Le travail des rapporteurs est donc de déterminer l'ampleur pertinente de cette dégressivité, qui implique de répondre à des questions par essence politiques.

Une troisième contrainte tient à l'essence du parlementarisme européen. Le Parlement doit en effet, à la fois, représenter les citoyens européens (ce qui milite pour une représentation proportionnelle à la population) mais aussi les communautés nationales (ce qui implique notamment de tenir compte des différentes sensibilités politiques présentes dans le débat politique interne à chaque Etat membre). La frontière entre les deux exigences est complexe et mouvante, et impose des arbitrages difficiles.

En dépit de ces contraintes fortes, il importe de relever qu'il n'existe qu'une seule alternative à l'adoption d'une répartition nouvelle et équilibrée : le retour aux dispositions prévues par le traité de Nice, dont on a vu qu'elles imposent une réduction du nombre de parlementaires européens plus forte encore que celle proposée dans le projet de Traité modificatif, et que chacun s'accorde à trouver insatisfaisantes. Dans ce contexte, le vrai risque est de bloquer les négociations de la conférence intergouvernementale voire d'obérer l'accord du Conseil européen d'octobre prochain sur le traité, en raison de divergences nationales sur la répartition des sièges dont il faut pourtant rappeler qu'elle relève d'une procédure totalement autonome. Cinq Etats membres, l'Allemagne, la Finlande, l'Irlande, l'Italie et la Pologne ont d'ores et déjà formulé des réserves sur la répartition proposée par le rapport. Cela ne doit pas dissimuler l'urgence de parvenir à un consensus aussi large que possible pour régler, une fois pour toutes, cette question récurrente. Un large vote d'adhésion du Parlement européen autour de la proposition des rapporteurs, même amendée, serait un gage de succès sans doute décisif.

A cet égard, M. Adrian Severin a jugé utile de répondre aux principales objections soulevées par ses propositions. En particulier, le désir italien de proportionner dégressivement les sièges en fonction du nombre de ressortissants des Etats membres et non de leurs citoyens ne peut emporter l'adhésion, dans le mesure où le Parlement a précisément pour objet de représenter les citoyens européens. Par ailleurs, le souhait de l'Italie de fixer une représentation égale des grands pays se heurte au principe de proportionnalité dégressive qui a pour conséquence de casser des groupes artificiels.

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