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Intervention de François Ailleret

Réunion du 6 janvier 2009 à 16h00
Commission des affaires économiques

François Ailleret, président de la commission sur le développement de la Poste :

Je vous remercie pour vos commentaires positifs sur le travail de la commission, dont je souligne qu'il a été un travail collectif, à vingt-quatre, conduit dans un bon esprit.

Il est délicat pour moi, monsieur le président Ollier, d'exprimer la position des partenaires sociaux ; mais il me semble qu'ils sont tous tombés d'accord sur les points de consensus que reprend le préambule du rapport. Cela témoigne d'un attachement unanime à La Poste et d'une volonté de maintenir toutes les valeurs qu'elle représente.

Dans le domaine social, les perspectives sont assez claires. Le statut de fonctionnaire sera maintenu pour ceux qui ont fait ce choix. La Poste est animée par un souci d'équité entre les fonctionnaires et les agents sous statut privé. Les fonctionnaires qui, il y a quinze ans, ont commis l'erreur de refuser leur transposition dans une grille différenciée se trouvent aujourd'hui enfermés dans une situation difficile ; il n'est pas question de procéder à une reconstitution de carrière complète mais je recommande à Jean-Paul Bailly de trouver une solution car il est malsain qu'une minorité, même petite, se sente mal à l'aise au sein d'une communauté. La reprise des discussions relatives à l'accord de branche applicable à toutes les entreprises qui interviendront dans le secteur est de nature à clarifier les choses.

Au regard des changements intervenus à La Poste depuis quelques années, j'ai la conviction personnelle, Monsieur Proriol, qu'elle a les moyens de s'en sortir face à la concurrence européenne. Sa transformation d'administration d'État en EPIC a permis des progrès indiscutables. La Poste sait donc évoluer. Elle a maintenant besoin de moyens pour se moderniser, obtenir des gains de productivité et améliorer la qualité du service, surtout dans le domaine du courrier mais également dans ses autres métiers, les clients ou usagers étant confrontés à une offre de prestations croissante de la part de divers organismes.

Les 300 000 agents de ce très grand ensemble, qui travaillent dans des métiers très divers, doivent évidemment se rassembler autour de quelques idées simples pour un avenir commun. L'enjeu de la cohésion interne et du dialogue social est donc crucial. Toute entreprise, pour survivre, a besoin aujourd'hui de flexibilité et de mobilité, mais il est impensable de se contenter de demander au personnel d'être flexible et mobile. Il convient en parallèle de lui apporter des garanties, de renforcer son professionnalisme, de procéder à des recrutements adaptés aux besoins.

Je suis convaincu que La Poste pourra continuer d'assumer les obligations du service public avec un autre statut, à condition que les surcoûts correspondants soient couverts. Le fonds de compensation s'appliquerait à l'activité de courrier, l'ARCEP – l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes – étant chargée d'effectuer le travail de longue haleine d'évaluation de ces surcoûts. Un accord récent règle le problème de la presse pour les quelques années à venir. La Banque postale – comme les Caisses d'épargne, je crois – perçoit tout de même un complément de commission, qu'elle juge raisonnable ; et elle bénéficie d'un réseau de 17 000 points de contact.

Le problème de la présence territoriale, en revanche, est réel. La péréquation actuelle est essentiellement supportée par les collectivités locales, qui renoncent à 140 millions d'euros de recettes par an. Ce montant est manifestement insuffisant ; les chiffres avancés diffèrent mais un apport de 250 ou 260 millions d'euros devrait convenir. L'aménagement du territoire étant une compétence de l'État, il serait raisonnable que celui-ci contribue. Il serait aussi raisonnable que La Poste, qui bénéficie des 17 000 points de contact, favorables au développement de certaines activités, supporte une petite partie du surcoût lié à la couverture territoriale. Ce sujet devra être examiné par le régulateur postal.

La France est le seul pays à disposer d'un EPIC. Dans tous les autres pays, il s'agit de sociétés anonymes, souvent publiques à 100 %. Quoi qu'il en soit, elles sont toutes soumises aux obligations de la directive européenne relative au service universel. Au demeurant, en France, de nombreux services publics sont assurés par des entités qui ne sont pas publiques à 100 %; si le cahier des charges est bien élaboré, si le régulateur remplit sa mission, si les collectivités locales et les représentants des clients et du peuple sont vigilants, il n'y a aucune raison pour que le système ne fonctionne pas.

Mon rôle, monsieur Brottes, n'est pas de rappeler les propos du Président de la République ; vous étiez d'ailleurs présent. Que faut-il faire maintenant ? Il reste indiscutablement à poursuivre des études, en matière de financement et de concertation avec les collectivités locales, en particulier pour les 17 000 points de contact, où les changements ne doivent vraiment intervenir que s'il y a accord.

Lorsqu'il est envisagé de fermer un bureau de poste, la réaction de la population et de ses représentants est toujours négative. Une fois l'opération accomplie, pourtant, elle emporte généralement l'approbation car les heures d'ouverture des agences communales et plus encore des relais rattachés à des commerces sont sans commune mesure avec celles des bureaux de poste, fermés une grande partie de la journée. Ce point de vue a été clairement confirmé par des élus locaux. Mais les fermetures doivent être conduites et expliquées correctement, et requièrent une concertation décentralisée très développée.

Il importe de prendre garde à des partenariats capitalistiques cantonnés à certains métiers de La Poste, par exemple pour les colis express. Le jour où un partenaire serait l'objet d'une offre publique d'achat, une activité de La Poste risquerait de disparaître ; un tel manque de garanties constituerait une source de fragilité. Le service public doit être considéré comme un ensemble. Il me paraît assez positif que les secteurs de la banque ou du colis express, s'ils gagnent de l'argent, contribuent à équilibrer les autres activités de service public. Ce sera beaucoup plus facile si une ouverture capitalistique se produit au niveau global du groupe, à supposer qu'elle doive intervenir un jour.

La dimension européenne constitue un autre aspect de la problématique du statut. De l'argent public est à l'évidence nécessaire. Mais l'apport d'argent public à un EPIC, par le canal de l'État ou de la Caisse des dépôts, soulève automatiquement des questions relatives au droit de la concurrence. Des actionnaires apportant une participation en capital attendent un retour, sous forme de plus-value, de dividendes ou des deux. Par contre, financer un EPIC ne présente aucune garantie de retour. Je crois que cela constitue une véritable fragilité au regard de Bruxelles.

J'ai essayé d'expliciter la distinction fondamentale entre fonds de compensation et fonds de péréquation.

La commission a auditionné McKinsey au sujet des tendances générales concernant le courrier en Europe, et c'est son document que cite M. Dionis du Séjour ; mais je crois me rappeler que certaines des informations de ce document sont couvertes par le secret commercial. Je vous le remettrai, monsieur le président, et vous en ferez l'usage que vous souhaiterez. Cela étant, si les élus du peuple s'adressent à La Poste pour obtenir des renseignements, ils les obtiendront assurément, sans pour autant que ces données tombent dans le domaine public.

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