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Intervention de François Brottes

Réunion du 6 janvier 2009 à 16h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Brottes :

Non, même pas. Les besoins de financement sont de 3 milliards d'euros. L'État devrait apporter 1,2 milliard d'euros, la Caisse des dépôts 1,5 milliard. Ce n'est que justice : chacun reconnaît aujourd'hui que l'État n'avait pas pris ses responsabilités à l'égard de La Poste en lui faisant supporter sans compensation adéquate le coût du transport de la presse, la bancarisation des plus démunis ou l'aménagement du territoire. Or tout cela représente 900 millions d'euros par an. Les engagements du Président de la République semblent indiquer que l'État prendra désormais ses responsabilités, ce qui est plutôt une bonne nouvelle.

Mais faut-il pour autant changer de statut ? La Poste possède beaucoup de filiales qui ont noué des partenariats, y compris capitalistiques, avec d'autres acteurs. C'est donc déjà possible. De même, depuis l'adoption du texte dont M. Proriol était le rapporteur, la Banque postale est une société anonyme qui peut déjà ouvrir son capital et faire évoluer ses capacités en fonds propres. Dès lors, notre analyse est que l'objectif du changement de statut est, demain, d'ouvrir le capital, et après-demain de privatiser l'entreprise et de la faire entrer en bourse. C'est ce qui est arrivé récemment à Gaz de France : on nous a expliqué qu'il fallait transformer l'établissement public en société anonyme – même si la Commission européenne n'avait jamais exigé ce changement de statut –, mais que l'État conserverait la majorité du capital. Quelques mois plus tard, l'État ne détenait plus qu'à peine 30 % du capital de Gaz de France…

Nous considérons donc que ni la réglementation européenne, ni les exigences de compétitivité n'imposent à La Poste de changer de statut. En revanche, il y aurait un danger à le faire, car cela constituerait un premier pas vers la privatisation. Cette fois, je fais vraiment un procès d'intention à la majorité, et c'est l'expérience qui me conduit à le faire : un changement de statut conduirait à ouvrir – d'abord un peu, puis beaucoup – le capital de l'entreprise.

Le fait que La Poste soit le seul acteur en charge du service universel postal n'est en rien une garantie pour l'avenir. En effet, alors que nous avions donné un statut similaire à France Telecom, vous avez étendu à l'ensemble des opérateurs téléphoniques la capacité de porter le service universel. Mais dès l'instant où tous les opérateurs présents sur le marché pourront être missionnés pour le service universel, La Poste ne sera plus assurée de conserver les mêmes missions et le même statut.

Le fonds de compensation, monsieur Ailleret, ne concerne que le courrier, et pas du tout la présence postale territoriale, par exemple. Ce n'est donc pas lui qui réglera le problème de l'aménagement du territoire. Quant au fonds de péréquation qui, en théorie, compense les allégements de taxe professionnelle, il est assumé en fait par le budget de La Poste, puisque les autres opérateurs – du moins les nouveaux entrants – ne paient pas de taxe professionnelle.

D'un point de vue éthique et prudentiel, l'intérêt général ne peut donc être garanti dans la durée que si La Poste garde son statut d'établissement public – sachant que ses filiales peuvent passer des accords – et si l'État prend ses responsabilités à l'égard d'une entreprise dont il est seul propriétaire.

Deux millions de Français, parmi les moins nantis, n'hésitent pas à faire la queue aux guichets de La Poste pour retirer cinq ou dix euros. Ces gens, aucune autre banque ne veut les accueillir – y compris s'agissant du Livret A, contrairement à ce que laisse entendre la communication gouvernementale. Seule La Poste à l'obligation de les recevoir. Cela représente un coût, pour lequel aucun fonds de compensation n'est prévu. Et on demande à la Banque postale de faire des économies sur ses coûts de fonctionnement ?

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