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Intervention de Rachida Dati

Réunion du 28 octobre 2008 à 9h00
Commission élargie

Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice :

J'ai reçu leurs représentants vendredi et ils se sont déclarés rassurés, parce qu'il s'agissait de l'inspection. Le garde des sceaux dirige l'action publique, et je demande aux procureurs de demander des réquisitions sur le fondement d'une loi : quoi de plus normal selon les principes qui régissent notre République ?

Par ailleurs, le Conseil supérieur de la magistrature avait annoncé une déclaration à la suite de la convocation du procureur et de ses déclarations à l'audience, mais j'attends toujours cette déclaration, car le CSM a estimé que la convocation était légitime. En effet, si le statut garantit la libre parole à l'audience dans le cadre des réquisitions, il n'en est pas moins normal que, lorsqu'un procureur déclare qu'il n'applique pas la loi adoptée par la représentation nationale, la garde des sceaux lui demande des explications. Ce procureur a déclaré que le journaliste avait transcrit des propos qu'il n'avait pas prononcés – dont acte –, mais il a reconnu qu'il n'avait pas à porter de jugement sur la loi, et il importe de le redire. C'est pour les Français la garantie qu'ils seront tous jugés de la même manière. Si les magistrats contestent une loi, un justiciable pourrait fort bien s'opposer à ce qu'on la lui applique. Il faut dire clairement les choses : vous parlez d'indépendance du parquet, mais vous savez bien que le parquet n'est pas indépendant.

Quant au suicide d'un mineur, je rappelle que votre propre groupe, monsieur Urvoas, s'en est ému et qu'une mission parlementaire a été demandée à ce propos. Tous mes prédécesseurs vous le confirmeront, y compris dans vos rangs : lorsqu'un drame se produit, la garde des sceaux demande une inspection, parce qu'il faut éclairer – et ce n'est bien sûr pas elle qui procède aux convocations ou s'enquiert des modalités des faits. En engageant cette démarche, j'ai peut-être répondu à une demande du Parti socialiste, qui propose une commission d'enquête pour connaître les circonstances du suicide – et, de fait, je reçois quotidiennement des communiqués en ce sens. Vous pensez que nous sommes incapables de comprendre, mais viendra bien un jour où il faudra débattre publiquement de ces sujets : vous ne pouvez pas être d'accord en privé et soutenir publiquement une autre position.

Je demande donc quelles sont les circonstances qui ont conduit un mineur de seize ans, condamné à six mois de prison et qui n'est pas comparant le jour de l'audience, à se suicider. Tout d'abord, le jugement était-il exécutoire ? Si ce n'était pas le cas, vous ne manqueriez pas de le relever. Ensuite, comment se fait-il qu'un mineur se suicide le lendemain de son incarcération ? Que le chef de l'inspection auditionne toutes les personnes concernées par la chaîne qui a conduit un mineur à être incarcéré et à se suicider est élémentaire. Les polémiques et les petites phrases m'importent peu. Nous n'avons pas la même définition de la politique. J'ai une responsabilité, qui est la sécurité des Français. Lorsqu'un drame se produit, je dois m'en expliquer et l'éclairer pour améliorer la situation. Je ne peux pas me satisfaire de suicides de mineurs et de meurtres en prison. Il est normal que les personnes concernées soient auditionnées et qu'on sache ce qui s'est passé. Vous l'avez réclamé ; je l'ai fait. Nous vous avions peut-être réclamé beaucoup ; vous n'avez pas fait grand-chose. C'est sans doute la différence entre vous et nous.

Monsieur Urvoas, vous représentez les Français, qui vous demandent comme à nous de bénéficier tous de la même justice. Tel est le sens du courrier que je reçois et des demandes qui me sont faites sur le terrain. La garantie d'avoir la même justice, c'est que le juge soit indépendant. Je ne commande ni ne critique les décisions que rendent les juges, et je continuerai à le faire, car telle est ma vision de la justice et de l'égalité de tous les Français devant la justice. Voilà donc ma réponse sur le parquet, sur les juges et sur l'inspection. Il n'est pas cohérent de demander par communiqué une commission d'enquête et de dénoncer une inspection comme une atteinte à l'indépendance. Pour ma part, et n'en déplaise à certains, je suis cohérente et je le resterai, pour l'intérêt des Français qui me demandent chaque jour la même justice pour tous. Les détenus ne doivent pas craindre de ne pas survivre à leur incarcération.

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